Beaupré Gilles - Utopia, La vie après l'argent
Ed. Archimède (Montréal) 2012, 122p.
"Le choix est simple : ou l’on continue de s’enliser dans la matérialité jusqu’à la catastrophe finale, ou bien l’on remonte par la voie spirituelle jusqu’à l’utopie universelle."
C'est ce que nous dit en introduction Gilles Beaupré, consterné de voir nos sociétés modernes s'enfermer dans l'aliénation de la possession matérielle. Pour lui, l’idée de partager équitablement les richesses de la terre entre tous les êtres humains est une réalité qu’il est dorénavant possible d’envisager. Les richesses disponibles n'ont pas été créées par l'argent mais par la nature et par les hommes, et continueraient à être disponibles sans l'argent. Nous sommes plus occupés à faire circuler l'argent qu'à produire ce qui est nécessaire à la survie de tous. "Avec la disponibilité d’une incalculable main d’œuvre rendue possible par la production exclusive des biens et des services essentiels, le problème ne sera pas de faire travailler les gens, mais de les inciter à travailler moins, afin de laisser à d’autres le tour de se rendre utiles" […] " Dans ce contexte, c’est la civilisation des loisirs qu’on inaugure, le travail étant devenu un jeu... à temps partiel"…
Pour les taches ingrates, Beaupré envisage un "service civil obligatoire" éducatif et préparatoire à la contribution volontaire aux besoins de la collectivité. C'est le partage qui fait le bonheur, pas l'argent. Pour l'auteur, l'homme est foncièrement bon et c'est notre société qui le rend mauvais. Cette vision d'une société idéale paraît totalement incongrue aux humains habitués à la guerre économique permanente, mais certains signes donnent raison à Beaupré. Je viens d'apprendre que dans la ville de Tours, la mairie vient de lancer un appel à projets et certains ont proposé d'installer, dans quelques points stratégiques, des lieux de dépôts avec comme seule consigne "Tu n'as plus besoin, tu déposes, tu as besoin, tu prends!" Un premier pas vers une société sans argent… Bien qu'un peu simpliste et idéaliste, le livre de Gilles Beaupré est rafraîchissant et simple à lire. Il ne reste plus qu'à en peaufiner les modalités de mise en œuvre.
Extraits: Gilles Beaupré fonctionne par petites évidences à l'aspect naïves, mais c'est peut être sa force. S'il peut laisser sceptiques les intellectuels, il convaincra ceux qui fonctionnent avec leur seul "bon sens populaire"…
«Si la pollution, l’extinction d’espèces animales, le réchauffement planétaire, le viol de la nature, la famine, et les guerres figurent parmi les nombreux maux dont l’Argent est la racine, il ne faudra pas non plus oublier qu’à l’origine, il s’agit bien d’une dictature économique dont le moteur est la gestion de l’Argent selon le modèle de société capitaliste.» p.12
«Si tous les objets produits l’ont été sans argent et peuvent être consommés gratuitement, plus personne n’aura l’idée de se mettre en valeur par des possessions que n’importe qui peut acquérir.» p.16
«Dans un monde de gratuité universelle où toutes ces tâches improductives seront dorénavant inutiles, ces millions de travailleurs improductifs apprécieront sûrement de travailler moins.» p.19
«À la fin de leur journée, et jusqu’à la fin de leur vie, les spéculateurs, investisseurs, courtiers, banquiers, cambistes, agents de change et autres boursicoteurs, ou encore fonctionnaires, assureurs publicistes n’auront jamais rien produit de concret pour personne, ni biens ni services.» p.20
«Militaires, miliciens, et mercenaires devront tous se recycler dans des activités constructives. Les policiers seront remplacés par des Guides civilisés et courtois qui aideront ceux d’entre nous qui n’auront pas encore adhéré à la paix et l’harmonie à cultiver ces valeurs.» p28
« Le problème ne sera pas de faire travailler les gens, mais de les inciter à travailler moins, afin de laisser à d’autres le tour de se rendre utiles.» p.29
«Dans ce contexte, c’est la civilisation des loisirs qu’on inaugure, le travail étant devenu un jeu... à temps partiel.» p.29
«Que ce soit en créant de faux emplois ou en distribuant de l’Argent à ceux qui n’en ont pas, la misère progresse aussi vite que la technologie et de plus en plus de monde en souffre.» p.31
«On n’a pas l’Argent pour nourrir tous les humains, même si on a la nourriture pour le faire.»p.33
«Avec l’abolition de l’Argent, ce sont non seulement des centaines de milliers d’emplois inutiles qui seront abolis, mais aussi bon nombre de mauvaises habitudes, de comportements répréhensibles et de vices indésirables qui disparaîtront, justement parce qu’ils lui sont reliés.» p.37
«Dans les moments difficiles, ce n’est plus l’Argent, mais la solidarité qui nous unit.» p.41
«Il est clair qu’au début du processus d’élimination de l’Argent, celui-ci sera tout de même utilisé, le temps de la transition. Il s’agira donc de combattre l’Argent avec l’Argent, de sorte que le dernier travail de 1’Argent sera de s’autodétruire. Bref, du vrai travail.» p.52
«Au lieu d’un Maître, d’un savant ou d’un saint, on offre à la jeunesse ces modèles de corps sans âme qui gagnent des fortunes pour couronner leur brutalité et leur nullité.» p.71
«Être libéré de toute possession, c’est être libéré de la peur de perdre, de manquer et de ne pas avoir. En fait, c’est être enfin libre de vivre.» p.80…
En fin de livre, Gilles Beaupré situe l'abolition de l'argent avant 2030, ce qui montre bien son optimisme… Merci à lui de lutter contre l'écoanxiété!...
PS: Pour ceux qui veulent voir le Bonhomme et sa femme dans leur univers de gratuité, il y a une Vidéo à voir.