Bifurquer, Bernard Stiegler

Editions LLL poche, nov. 2021, 415 pages

BernaCouverture.jpegrd Stiegler (1952-2020) était philosophe français, spécialisé dans les mutations de notre temps et les technologies. Il a dirigé à partir de 2006 l'IRI (Institut de Recherche et d'Innovation). Successivement agent de planning, éleveur de chèvres, tenancier de bar à concerts, braqueur de banque, étudiant en philosophie pendant son incarcération (il est soutenu par Derrida), directeur des programme au Collège International de Philosophie, commissaire du centre Georges Pompidou, président d'un groupe de recherche à la BNF, une thèse soutenue à l'EHESS, membre du Conseil National du Numérique.... Un spécialiste de la bifurcation professionnelle!...       
Quatrième de couverture: Notre modèle destructif de développement atteint ses limites ultimes. Sa toxicité, de plus en plus massive et multidimensionnelle (sanitaire, environnementale, mentale, épistémologique, économique), est engendrée avant tout par le fait que l'économie industrielle actuelle repose sur un modèle physique dépassé qui dissimule systématiquement que l'enjeu fondamentale de l'ère Anthropocène est la prise en compte de l'entropie. Ce livre dessine le monde tel qu'il devrait être pour répondre aux grandes crises sanitaires, climatiques, sociales, économiques ou psychiques. En ces temps de graves périls, il nous faut bifurquer: il n'y a pas d'alternatives.

Analyse personnelle: Nous avons beaucoup à apprendre de ce livre sur le plan théorique, si toutefois nous surmontons le langage scientifique et philosophique, souvent abscons. De nombreux passages disent la même chose que nous, parfois en mieux, parfois sous un angle inattendu, souvent agaçants tant ils sont proches des thèses postmonétaires, mais sans le dire… Une rapide recherche de l'occurrence de trois mots a donné le résultat suivant: si le capitalisme est autant cité dans mes commentaires que dans les extraits de texte que je cite, la marchandise apparaît une fois, l'argent jamais. Cela dénote, malgré les limites de ce petit sondage, que je suis obsédé par mon sujet ou que Steigler et son équipe n'ont pas encore "bifurqué" sur les questions monétaires. Et pourtant, vous trouverez quelques passages qui montrent une étonnante proximité.   
p.11: Lettre de Hans Ulrich Obrist et Bernard Stiegler à Antonio Guterres, Paris, le 11 novembre 2019.
        Monsieur le Secrétaire Général de l'ONU, malgré les anticipations très documentées du GIEC et autres organismes et équipes scientifiques, les efforts menés à l'échelle internationale compatibles avec les objectifs de l'Accord de Paris ont été jusqu'ici largement insuffisants. Le fossé entre ce qui est requis de ce qui est réellement effectué traduit un manque de volonté (politique et collective) et une montée de l'apathie (politique et collective).[…] les investisseurs comme les populations, et en particulier les jeunes générations se demandent de quel monde elles vont hériter…[…] L'absence d'un cadre théorique nous permettant d'avoir une juste compréhension de ces défis fait obstacle à la réalisation d'actions susceptibles de renverser véritablement les tendances qui menacent la biosphère.         Ça commence mal! Le cadre est fixé depuis longtemps par quantité de spécialistes de la biosphère, de l'économie, des énergéticiens, des systèmes complexes, etc., mais se heurte à la résistance du cadre plus ancien du capitalisme, dont les seuls objectifs restent la croissance et les profits. Encore faut-il le dire clairement....
p.12: …Or la question de l'entropie a été négligée par l'économie "mainstream". Nous pensons par conséquent qu'un nouveau modèle macro-économique conçu pour lutter contre l'entropie est requis. […] Proche de ce que vous avez qualifié de "multilatéralisme inclusif", la recherche contributive vise à associer étroitement des chercheurs issus de différentes disciplines et des acteurs des territoires (habitants, entreprises, associations, élus et administrations publiques) dans de nouveaux réseaux territorialisés de recherche et d'expérimentation. 
      On peut d'emblée se demander si, face au modèle macro-économique actuel (résolument mondialisé, extractiviste et productiviste), on peut opposer un autre modèle mondial qui cette fois ne serait ni mondialiste, ni extractiviste, ni productiviste, sans aller plus loin et mettre en cause l'argent, la marchandise, le marché, la concurrence, etc. Si le problème est entropique, il faudrait en premier déterminer les causes du "désordre" dont nous sommes témoins, que nous subissons. Tous les spécialistes des systèmes complexes s'accordent à dire que le propre de ces systèmes est de tendre vers des limites indépassables qui nécessitent un changement de l'ensemble du système de pensée. Il est difficilement pensable qu'un système plurimillénaire, qui n'a évolué que sur des composantes du système, mais pas sur son orientation générale, puisse être remplacé de bon gré par ceux-là même qui défendent, encore et toujours, le vieux monde dont ils tirent profit à bien des égards…
p.13: Adopter une approche "territorialisée" c'est relire les réflexions de Marcel Mauss (La Nation, édition PUF 2013) en particulier son "concept d'internation" selon lequel les nations seraient appelées à coopérer sans pour autant effacer leurs dimensions locales. Que Marcel Mauss (1872-1950) n'a jamais réussi à vulgariser ses idées sinon au travers des "Maussiens" (Mouvement Anti Utilitaristes dans les Sciences Sociales) n'est pas un hasard. Il remettait en cause radicalement le modèle économique capitaliste, la notion de propriété privée, l'échange marchand au profit du don et des structures sociales inédites. 
       Afin d'établir un cahier des charges pour ces initiatives de territoires laboratoires et de leur mise en réseau, le collectif Internation Genève 2020 a défini un ensemble de questions théoriques  et d'axes thématiques susceptibles de structurer une telle approche.  Nous publierons ces travaux sur le site international World (voir site )

p.15: Avertissement: La pandémie qui a paralysée le monde révèle la vulnérabilité de l'actuel "modèle de développement".[…] Ce modèle est condamné à mort et nous condamnera avec lui si nous ne le changeons pas. […] Une grande partie du problème qui nous menace tous, est la bêtise sur laquelle ce modèle de développement repose fonctionnellement.
     Les postmonétaires sont quasiment tous des gens qui ont voulu changer le modèle avant de s'apercevoir qu'il s'agissait de changer de modèle… Attendons de voir s'il s'agit d'une tentative de réforme de plus ou si la proposition ira ensuite plus loin…
p.16: …ce modèle de développement est en réalité un modèle de destruction et cette destruction, longtemps considérée comme "créatrice", s'est accomplie ces deux dernières décennies à travers la guerre civile mondiale désormais conduite via les armes de destruction computationnelle massive qui s'imposent avec l'innovation réticulaire et disruptive…. J'ai gardé cette phrase pour prévenir le lecteur du style de l'auteur: sans un minimum de culture, mieux vaut se munir d'un dictionnaire pour comprendre ce que destruction créatrice, computationnel, innovation réticulaire disruptive veut dire! Pour la suite je tâcherai de traduire en français vernaculaire
      C'est pour établir un diagnostique précis que le présent ouvrage a été écrit en vue de rebâtir non pas une économie de guerre , mais une économie de transition vers une paix économique mondiale basée sur un nouveau pacte économique  à même de concrétiser un traité de paix. La promesse sera-t-elle tenue?...

pp.21-57: Introduction: Décarbonations et déprolétarisation:  
pp.22-24: …la mise en œuvre de mesures réellement décisives et efficaces pour combattre la réchauffement climatique et les désordres liés aux excès de l'anthropocène, suppose de modifier en profondeur les modèles scientifiques qui dominent l'économie industrielle depuis la fin su 18° siècle. [...] Cela suppose de modifier les axiomes, les théorèmes, les méthodes, les instruments et les organisations micro et macro économiques mondiales.
     Nous, postmonétaires, avons fait le pari qu'un
 tel discours peut devenir audible, et à brève échéance. Stiegler nous dit au contraire qu'il s'agit de créer une activité économique nouvelle, industrielle aussi bien qu'artisanale, agricole et de service, fondée sur  une démarche transitionnelle et en profondeur, non par la technologie, mais pour faire que la technologie renforce les capacités des individus et des groupes à lutter contre le désordre actuel (l'entropie). 

Chap.I: Anthropocène, exosomatisation et néguentropie.
      Un titre utile pour briller dans un repas entre amis où la conversation que le climat arrive au moment d'asthénie postprandiale (coup de barre d'après repas) générale! Nous traduirons au fur et à mesure de l'avancée --du texte...  
          Steigler y fait allusion au "Contributisme" ce qui présage la fause piste caractérisée: Il s'agit de promouvoir une économie où la création de valeur serait dédiée au bien commun et non au profit que la capitalisme appelle satisfaction des besoins primaires. La formule est belle et généreuse mais elle s'est toujours avérée aussi efficace que le ruissellement de la richesse vers les pauvres!  C'est apparemment la thèse de ce livre: créer un système économique qui permettrait à tout citoyen de contribuer au bien commun. Si c'est cela, rien ne sert de "bifurquer", le système monétaire produira toujours les mêmes effets: condensation de la richesse, rotation monétaire impliquant une permétuelle croissance, profits nécessitant quelques "dégats" et dommages collatéraux ! Mais voyons la suite...       
p.78: Le travail hors emploi doit être valorisé économiquement dans une économie de la contribution. Les activités qui ne sont pas encore marchandisées, comme la cuisine faite par les parents ou l'accompagnement au centre sportif de ces enfants, ou l'allaitement au sein de l'enfant par la mère et plus généralement tout ce qui est bénévolat, devrait être rémunéré au titre de la participation à la bonne marche de la société.
     Nous pensons au contraire qu'avec l'argent, toute activité devient un travail, quand sans aucun argent, tout emploi deviendrait activité. A vous de choisir entre l'économie contributive de Steigler et l'économie postmonétaire, l'échange marchand étant remplacé par l'accès sans condition au biens, services et savoirs.  

Chap II: Localités, territoires et urbanités à l'âge des plateformes et confrontés aux défis de l'ère anthropocène:
p.83: Nous faisons ici la même hypothèse quant à ce que l'on pourrait appeler l'urbanité numérique que celle qui concerne l'économie contributive en général: l'efficience de l'automatisation doit permettre la libération d'énergies et de temps mis au service de la délibération urbaine, à toutes ses échelles, et dans l'esprit de la coopération telle que les technologies contributives la rendent possible. Notre brillant philosophe a intégré le numérique dans sa vision d'une autre économie, mais en espérant qu'il libère nos énergies et notre temps. Nous pensons que c'est un outil fabuleux pour la gestion des ressources, tout en nous méfiant de sa consommation énergétique et sa capacité à centraliser les pouvoirs. Steigler ensisage deux scénarios  
1°) un scenario qui rend la ville automatique littéralement inurbaine, court-circuitant l'urbanité elle-même par une mise en œuvre immature de la technologie et de fonctions automatisées détruisant les relations urbaines (civiles et en cela civilisées)
2°)  Un scénario réinventant l'intelligence au sens du 18° siècle, lorsqu'il désignant d'abord et avant tout la sociabilité…
     A juste titre Steigler est tout aussi méfiant: la disruption constante, où les avancées technologiques prennent de vitesse les avancées sociales… Elle n'est pas soutenable en elle-même sur ses bases actuelles, qui créent de l'insolvabilité aussi bien que de l'incivilité.en biologie 
p.86: Il est possible d'avoir deux visions opposées de la ville: la ville comme machine et la ville organisme. A présent, la machinisation de la ville n'est plus seulement métaphorique. Il ne s'agit pas de choisir entre les deux, mais d'inventer une nouvelle dynamique urbaine organique dépassant une approche fonctionnaliste mécaniste…
      Nous voyons donc que Steigler est dans la même posture que nous vis-à-vis de l'informatique tant décriée par les écologistes comme particulièrement énergivore et gourmande en terres rares. En sortant du système capitaliste et marchand, il est possible d'imaginer une société à la fois écologique et technologique si on s'en donne les moyens et si on pose dans les structures politiques de cette société des limites cohérentes.   
p.87: L'homme vivant en société construit et institue lui-même des organismes exosomatiques de dimensions supérieures au sein desquels vivent des groupes humains. Certains exorganismes complexes sont petits et éphémères (comme un bateau et son équipage), d'autres sont vastes et durent des siècles (comme une ville). Exosomatique : exo-hors de,  et -somatique, qui traduit physiquement les effets d'un dérèglement, comme quand on dit qu'on en a plein le dos, qu'on a les boules ou que ça nous prend la tête...). Appliqué à la ville, des organismes physiques (immeubles, quartiers, rues...) influent sur le comportement des habitants).   
p. 27 : Les technologies de scalabilité et les économies d'échelles dans les localités urbaines réticulées:. La data économie permet de traiter des milliards de données simultanément et au niveau planétaire, réalisant ainsi des économies d'échelle sans précédent (et ajoutons: …sur le dos des systèmes de niveaux inférieurs (pays, ville, communautés, individus) qui fournissent les données qui alimentent les algorithmes… (Scalabilité: capacité d'un système à être utilisé à des niveaux de taille supérieurs ou inférieurs. localités réticulées: dont les éléments sont remiés entre eux, en réseau) 
p.90: Le programme de recherche contributive ici proposé consiste à consolider localement une conscience urbaine des nouvelles fonctions numériques en faisant de celles-ci des objets de capacitation en non d'incapacitation - et cela en concevant des services et des fonctionnalités sollicitant et renforçant systématiquement les capacités délibératives des divers groupes que forment les habitants du territoires. C'est semble-t-il ce que proposent les postmonétaire en disant qu'il faut inventer de nouvelles structures sociales et sociétales qui redonnent aux usagers la maîtrise de leurs usages. Pour ce faire il est nécessaire d'inventer des organes de débats, d'organisation, de recours à tous les niveaux géographiques et spécifiques et c'est bien ce que propose l'auteur... Ce serait une véritable révolution, toute la structure sociale actuelle étant hiérarchique et pyramidale...   

p.92 : La ville, représentation sociale de l'organisation industrielle et économique de la société: Les effets de l'introduction des technologies numériques dans la ville sont rarement médiatisés. Les liens profonds existant entre la production et les transformations de la ville sont rarement envisagés.
       Il est intéressant de s'attarder sur la ville du Moyen âge où l'arrivé des moulins et le développement de la mécanique transforment tout, jusqu'à la construction de grandioses cathédrales avec tout ce que cela implique dans la formation des artisans, la forme de l'habitat, etc. La ville s'est organisée en fonction des besoins de main d'œuvre et selon les modèles de développement. La mécanisation entraîne les serfs à quitter la campagne pour le bourg… Au 18° siècle, les processus de production conduisent à la séparation de la fabrication et de la commercialisation telle que l'avait installée l'artisanat dans la ville du 16° siècle.
       Nous avons en effet à apprendre du passé, à analyser le présent, à inventer le futur pour trier ce qui est à rejeter (et non plus faire table rase) et ce qui est à garder (et non plus dans une optique du "bon vieux temps).   
p.97: La nouvelle division du travail et la bataille pour ou contre le contrôle du nouveau génie urbain pourrait se restructurer autour de deux scenarii: de grandes entités de productions régionales fabriquant des pièces variées et pour de nombreuses marques en continuité avec les fablabs et indépendantes des industriels et des petites entités de proximité pour la fabrication de la marchandise, dépendant de la contribution du consommateur (adaptation au besoin, personnalisation, finition, montage…). 
      Là, nous percevons une différence notable entre la vision Stiegler et la nôtre: S'il doit y avoir de "grandes entités de productions, ce serait uniquement pour des contraintes techniques et cela nécessiterait des systèmes de contrôles pour veiller à ce que division du travail ne signifie plus une constitution de classes professionnelles étanches. La production en outre ne doit pas dépendre de la contribution du consommateur mais des besoins réels. La notion même de marques serait abolie du simple fait que sans argent, il ne peut y avoir de propriété industrielle et donc de brevets. Tout objet devant être fabriqué pour répondre à un besoin bénéficierait de ce qu'il y avait de meilleur dans tous les anciens brevets... Cela change beaucoup de choses, tant dans la production elle-même que dans le répartition et la quantité de travail nécessaire collectivement et individuellement. Notre vision d'une société débarrasée de l'encombrant argent évite non seulement la course au profit, mais la réduction du temps de travail nécessaire, la limitation des productions aux stricts besoins possiblement comblés en fonction de l'intérêt commun... Cela rendrait les conventions professionnelles et les redistributions de biens et services beaucoup plus souples, hétérogènes et  adaptées au contexte local... Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué!"  Supprimer l'argent supprime le salariat, la spécialisation forcée, le temps de travail normalisé, l'obligation de justifier d'une utilité sociale pour survivre, etc. Les Maussiens serait heureux de voir disparaître l'utilitarisme dans les sciences humaines et sociales...
p.102: Si ces transformations industrielles présentent le risque d'une standardisation de l'urbanisme et des modes de vie urbains (perte de biodiversité humaine!) elles ouvrent aussi de nombreuses potentialités pour la construction de nouvelles formes d'intelligence urbaine. Involontairement, Steigler nous donne raison: l'argent entraîne une standardisation de l'urbanisme, son abolition nous en libère. Quant à penser qu'une quelconque standardisation puisse entraîner de nouvelles formes d'intelligence urbaine, je demande à voir! La libération de l'homme de la nécessiter de "gagner sa vie" et de consommer immodérément pour que son salaire en soin assuré, c'est une perspective autrement émancipatrice!  
p.109: Dans le contexte de l'ère Anthropocène, plus que jamais, il appartient aux politiques d'élaborer un projet social, de définir une trajectoire cohérente et de se réapproprier les technologies utiles… Une approche holistique est ici requise. Est-ce possible?  Cette question, à ce point ancrée dans nos esprits par des siècles de lutte pour la centralisation des pouvoirs, n'a pas fini de nous diviser, y compris au sein des réformateurs que des révolutionnaires. Ce qui appartient "aux politiques" n'appartient donc plus au peuple. Or un projet social ne peut être opératoire que s'il est intégré par tous comme une condition de survie. Si l'ensemble de la collectivité ne signe pas le contrat social, si elle se contente de signer un bulletin de vote qui ne dit rien du contrat, le peuple est ingouvernable et les politiques sont incontrolables quelques que soient les contre-pouvoir que l'on puisse imaginer. J'insiste et me répète, il s'agit de rendre aux usagers la maîtrise de leurs usages, qu'il s'agisse de politique ou d'informatique!    
p.112: …tenir compte de la dimension "pharmacologique"  de toute technique: Toute technique en effet peut être à la fois une possible solution ou un problème, à la fois remède et poison, donc à peser soigneusement avant usage. Voir l'association d'habitant de Seine-Saint-Denis: Territoire Apprenant Contributif  (TAC) dirigée par (l'IRI).  L'Institut de Recherche et Innovation(IRI) s'oppose aux modèles dit "collaboratifs" et tente d'inventer une économie de la contribution, de bifurquer pour un avenir soutenable (formation, débats, ateliers d'écriture, valorisation des savoirs, ….).
C'est une idée intéressante: la population n'a pas à collaborer avec mais à contribuer à… Contribuer, c'est participer, partager avec d'autres une action, une recherche, une prospection, avoir part à quelque chose… Collaborer, c'est venir soutenir une instance supérieure, aider un chef d'entreprise. C'est une nuance aussi importante que celle qu'il y a entre un  syndicaliste et un partenaires social ! Il n'y a pas des sachants qui viennent former des ignorants, mais des scientifiques qui élaborent une idée conjointement avec des gens du peuple.  
p.114 : La noétisation: (vient de Noétique: étude ou théorie de la vie psychique dans sa composante intellectuelle). Ce que Steigler entend par noétisation, c'est une capacité "d'intellectualisation". La coopération entre des scientifiques et des personnes ne possédant pas les outils, le langage, le structures mentales, permet de partit d'une observation commune et d'élaborer des projets, des actions bien pensées, bien structurer, bien meilleur que n'importe quel projet conçu par le sachant seul ou l'homme de la rue seul. C'est ce que démontre n'importe quelle Convention citoyenne, l'émergence d'une Intelligence Collective (IC) qui s'avère toujours plus utile que l'intelligence artificielle (IA)...     
             l'économie de la contribution
p.126: Répondre au défi de l'anthropocène est impossible dans le cadre qui s'est constitué depuis 50 ans et cela suppose un nouveau modèle économique. Reste alors à définir ce que serait ce modèle économique. Les postométaires pensent une économie "a-monétaire", en opposition avec tous les "monétistes" qui n'arrivent pas à admettre la faisabilité d'une abolition pure et simple de l'argent.  Cela paraît en effet difficile, mais nécessaire puisque toute proposition "monétiste" trimballe avec elle quantités de scories du monde marchand qui la limite, la pollue, la handicape....    
p.130: Repenser le travail, l'ouvrage au-delà de l'emploi.
      Le travail doit ici être entendu au sens de l'ouvrage (work) et distinguer du labeur (labour). Il s'agit d'aller vers l'acquisition de compétences, une capacité d'innovation, d'invention, de création, c’est-à-dire désautomatiser les automatismes, afin de produire de la nouveauté, de "bifurquer".  Produire des singularités culturelles et sociales et des nouveautés historiques, c’est-à-dire produire de la néguentropie. Il s'agit donc d'élaborer un modèle économique et comptable capable de reconnaître la valeur positive des bifurcations, ce qui s'inscrit dans un contexte de transition et sur une recherche contributive.
      Qu'en termes élégants ces choses là sont dites! L'entropie: c'est le désordre, la néguentropie son contraire, le retour à l'équilibre (attention, Steigler utilise aussi le mot Néganthropie, soit le contraire de l'anthropie -l'action de l'homme, de l'anthropos, sur son environnement). Comment ne pas voir que depuis cinq milles ans, tout ce qui est touché par l'argent, de près ou de loin, finit dans l'entropie totale. Abolir l'argent, c'est éviter tous ces désordres, c'est donner aux individus le temps et les moyens d'acquerrir les savoirs et les outils de création, c'est favoriser la bifurcation au lieu de la marginaliser, c'est pousser à la contribution et à l'entraide au lieu de pousser à la concurrence. Encore faudrait-il le dire clairement, ce que ne fait pas Bernard Steigler qui ne mérite que la case "du pas suspendu de la cigogne". S'il n'était pas décédé si tôt, sans doute y serait-il arrivé...  
p.132 : Repenser la richesse: la valeur pratique des savoirs:
Pourquoi repenser la richesse quand on a compris que la richesse des uns faisait la pauvreté des autres? Et ce qui fait les riches et les pauvres, c'est l'argent qui donne une valeur marchande à tout, y compris à l'homme, à l'activité humaine, à lui même puisque l'argent est aussi une marchandise !!! Cela me fait sauter le chapitre sur le revenu contributif, l'économie contributive, des territoires en contribution, l'élaboration de "chantiers de capacitation", des labellisations de scenarii, des représentants mésoéconomiques, des centres réticulés de coûts et profits... Avouons  que la comptabilité postmonétaire est plus simple. Elle se réduit à trois questions: Il y a ou pas?  C'est utile ou pas? C'est renouvelable ou pas? 
Plus interessant est le paragraphe sur les technologies:  
p.161: Les technologies ont conduit à la prolétarisation des ouvriers, puis des consommateurs, puis de l'encadrement, puis du secteur tertiaire, puis des managers eux-mêmes, et finalement des scientifiques eux-mêmes. Nous pensons en effet que l'un des principaux avantage d'une abolition de l'argent et de l'échange marchand, c'est de rendre obsolète toute manoeuvre de prolétarisation. En outre, nous pensons que cela se fera naturellement,  sans atelier collaboratif sophistiqué, du simple fait que nul n'aura à vendre sa force de travail pour survivre.
       Steigler cite Aristote et sa théorie des 4 causes: matérielle, efficiente (ou technique), formelle et finale. Les désordres de l'Anthropocène devraient pouvoir être classés dans cet ordre des causes : Cause matérielle (l'espèce anthropos a cette capacité totalement unique dans la nature de pouvoir éradiquer en 50 ans la moitié des autres espèces vivantes),  cause technique (l'ignorance totale des lois de la thermodynamique dans l'industrie), cause formelle: (le système monétaire qui induit la croissance sans fin), cause finale ( l'argent induit mécaniquement les trois premières causes)

p.179, § 65: Introduction et rappel
               Les localités, à leurs diverses échelles, du hameau à la planète devraient expérimenter des démarches de recherche contributive et de créativité sociale visant à surmonter les limites de l'ère Anthropocène, au sein d'un dispositif institutionnel que nous appelons "Internation". Au chapitre 2, nous avons posé comme thèse que la légitimité de la décision collective est ce qui distingue les exorganismes complexes. Ce chapitre 5 posera des jalons théoriques pour l'émergence de l'internation comme exorganisme supérieur de référence.  Ce qui revient à sortir du modèle macroéconomique dominant par le processus d'expérimentations territoriales concertées basée sur la recherche contributive décrite au chapitre IV.
Internation: concept introduit par Marcel Mauss en 1920 (dans "La Nation ou le sens du social") auquel le "Collectif Internation" ajoute les contraintes thermodynamiques, organiques  et exosomatiques que Mauss ne pouvait pas connaître en 1920.
p.183: Premier temps de l'internation: 
      Le libéralisme ayant réduit le monde au marché a finit par le rendre immonde. La globalisation aplatit les mondes en niant les promesses anti-anthropiques et toute possibilité de bifurquer. L'internation fait de la nécessité de repenser les localités et les nations comme niveaux sur l'échelle des localités sa priorité.[...]  L'internation n'est ni l'a-nation ni le nationalisme. L'internation doit se poser bien au-delà du solutionnisme technocratique et de la singularité technologique des libertariens transhumanistes. C'est là une façon d'envisager l'intégration dans un même espace commun, le local et le global et non dans une opposition d'échelles. C'est en ce sens que le concept d'internation peut parfaitement s'intégrer à l'imaginaire postmonétaire…
Ce concept a toutefois des limites. Aussi séduisant soit-il, ne peut advenir dans un contexte marchand et monétaire qui met tout en relations hiérarchiques de dépendances et de dominations, de concurrence et non d'entraide. L'internation ne peut exister que dans une société a-monétaire. L'idée d'internation est aussi bonne que le slogan révolutionnaire de 1789 "Liberté, égalité, fraternité" dont on voit bien ce qu'il en reste 235 ans plus tard. Si l'internation était mise en œuvre en 2024, on peut parier sans risque qu'en peu de temps, elle serait aussi immonde que le libéralisme, si tant est qu'entre temps l'extinction de l'espèce humaine n'ait pas réglé la question environnementale.
La souveraineté:  La souveraineté est conditionnée exorganologiquement par l'internation comme communauté noétique des savoirs néguanthropiques mondiaux, qui appartient à une échelle de localité supérieure à celle de la nation-locale, mais qui pose en principe qu'elle ne peut maintenir sa supériorité que lorsqu'elle respecte la souveraineté de ses nations-localités précisément comme des localités noétiques constitutives d'une noodiversité primordiale.
      Ainsi dit, cela ne rissque pas d'emballer les foules et d'enthousiasmer les militants. Pourtant, en français ordinaire, l'idée n'est pas ininterressante. Du plus local au plus global, chaque communauté (hameau, village, ville, nation, monde), par son intelligence collective (noètique) est conditionnée par les organes physiques (urbanisme, infrastructures...) extérieurs (donc exorganologiquesaux personnes biologiquement vivantes et groupes humains. Quant aux savoirs néguanthropiques c'est ceux qui font baisser le degré de désorganisation du système mondial (contraire d'anthropie).  On peut surtout retenir de ce jargon que l'institution globale de l'Internation (une future ONU par exemple ) est souveraine à la condition que toutes les échelles inférieures soient tout autant souveraines (des nations aux plus petits hameau)". Il reste à définir quel pouvoir peut avoir une telle organisation et quel contre-pouvoir pourrait en contrôler les modes opératoires. Ce n'est pas gagné, à moins de croire à la vertu des membres éminents d'une telle structure!   
p.189 :  Seule l'humanité dans son ensemble peut répondre aux crises mondiales qui nous attendent. Mais les localités seules peuvent éviter l'entropie par des répondre localement adaptées. Des liens entre les différents niveaux sont la seule garantie de réussite, du plus petit au plus grand et l'inverse. 
    Cela fait penser aux deux approches opposées au sujet de la "Grande muraille verte du Sahel", celle théorisée et mise en œuvre par l'Union Africaine grace aux milliards des fonds Internationaux (15km de large sur un couloir de 7 800km sur onze pays) sans grand succès et l'initiative locale de Yacouba Sawadogo, l'homme qui a arrêté le désert au Burkina Faso, qui a reconstituer une immense forêt sans aucun moyen technique ou financier. Quantité d'experts occidentaux viennent consulter le paysan illettré Yacouba.  L'entropie institutionnelle d'un côté, l'institution locale à la pointe du progrès de l'autre, Les fonds internationaux d'un côté, un homme seul de l'autre... 
  
p.199: Ce qui constitue une nation-localité, c'est la vie quotidienne qui est partageable, sujette à transformation et constituant en cela des communautés d'expériences et des savoirs en tout genre. Cependant une localité-nation, en tant que lieu spécifique de l'objectivation spirituelle, existe à différentes échelles et ne peut donc pas être homogène, ni spatialement, ni temporellement. On n'appartient jamais à une seule nation-localité, mais souvent à plusieurs localités-nations…. Idée intéressante à développer dans un cadre postmonétaire pour trancher nombre d'interrogation sur l'identité nationale, les migrations, les particularismes régionaux, etc.
p.202 :  Les fondements de la "supériorité" L'état-nation apparaît en Occident à la Renaissance (14 et 15° siècle) sous l'influence des Lumières qui ferment la parenthèse de la période féodale et ouvre progressivement la parenthèse d'une autre période (la modernité). La parenthèse de l'époque Moderne est en train de se refermer et va s'ouvrir la parenthèse d'une autre période. Toute la question est de savoir qu'elle période voulons-nous ouvrir : postmoderne, postmonétaire, mondialiste, écologique, convivialiste, misarchique, communiste…
p.201:  Rehabiliter la raison La supériorité moderne aura été la supériorité de la science considérée comme étant le trait spécifique de l'Occident, étayant ainsi l'universalité de ses catégories économiques et politiques. La preuve de cette supériorité (sa reconnaissance) c'est le progrès, tous reconnaissant alors l'industrie comme une positivité fondamentale dont surgira le courant positiviste: le scientisme trouve sa forme supérieure.
p.213 : Évolution du processus d'individuation Face aux défis que constitue la nécessité de lutter contre l'entropie, seule une nouvelle union des nations permettra de rouvrir une perspective capable de mobiliser aussi bien les opinions publiques que les jeunes générations apprenantes  et chercheuses, les investisseurs économiques  et les institutions publiques dans l'accompagnement de territoires laboratoires  candidats à des expérimentations contributives. (ce qu'Einstein avait appelé "l'Internationale de la science"). Ce discours donne envie d'y adhérer.  Mais quand on voit les guerres intestines au sein de la communauté scientifique, les chercheurs transformés en vulgaires influenceurs par l'appât du gain, les contre-vérités diffusées par les revues scientifiques les plus sérieuses (celles qui finissent après l'orage par avouer quelques manipulations de la "vérité scientifique") seuls les naïfs y croiront longtemps... A moins qu'une révolution abolisse l'argent, donc la vénalité qui sans argent n'aurait plus guère d'intérêt...   
p.215 : La nouvelle internationale de la science: Les questions du rôle de la science dans ses rapports avec la politique et l'économie ont bien changés. Il est évident que les activités scientifiques ont été largement soumises aux prescriptions d'une économie industrielle devenue massivement productrice d'entropie et fondée sur la prolétarisation refoulant la question de la localité. Il s'agit donc de remettre la science au service du bien commun. C'est ce que disait André Gorz en parlant de "l'économicisme"! C'est aussi ce que disait Aristophane dans sa comédie "Ploutos". Et n'oublions pas ce que disait Périclès, le stratège inventeur de la démocratie quatre siècles avant J.-C.: "Quand on veut quelque chose que l'on n'a jamais pu obtenir, il faut faire quelque chose que l'on n'a jamais fait!" On veut une société saine et inclusive, ce qu'on n'a jamais eu, il faudra bien que l'on fasse ce qui n'a jamais été fait, par exemple abolir le système monétaire et ses marchands! 
p.218 : A propos de l'Europe et de la performativité du récit:  Nous avons à présent besoin et de toute urgence d'une révolution noétique sur la base des nouvelles avancées scientifiques qui ont validé bon nombre des hypothèses modernes. Cette révolution doit s'accomplir en forgeant de nouveaux concepts plutôt qu'en dressant des barricades. Les scientifiques grassement payés par l'industrie et les lobbies ont perdu beaucoup de leur éthique, et la guerre entre scientifiques mainstreams et scientifiques complotistes passe largement au-dessus des têtes des manifestants aux barricades. La révolution des localités contributives devra se battre contre une oligarchie ayant concentré entre quelques mains les pouvoirs financiers, politiques, médiatiques, répressifs et judiciaires, avec l'appui d'une moitié des scientifiques, l'autre moitié étant bâillonnés. Quant à forger de nouveaux concepts, encore faut-il que le peuple puisse participer à la fête avec la bonne centaine de concepts de ce livre, "expliquant" la nécessité de bifurquer, totalement inaccessible tant qu'ils ne seront pas traduits en Français vernaculaire!!!
p.221: La vocation de l'internation n'est pas de proposer de nouveaux récits, mais de proposer une constitution transitionnelle et expérimentale qui fasse émerger un exorganisme complexe supérieur de référence approprié à la lutte contre l'entropie et l'anthropie… Demain matin, j'essayerai d'expliquer cela au comptoir du café du commerce ou lors de la prochaine manif sur le pouvoir d'achat, contre l'augmentation du gasoil agricole ou pour la défense de l'Éducation Nationale qui peine à recruter… Peut être qu'un bon slogan composé avec les mots internation, noodiversité, organogénèse et noétisation ferait  de l'effet!.... «Scientifiques  et philosophoses sans gros mots avec nous dans la lutte !»
     Une société figée finit toujours par disparaître et ne survit à elle-même que dans la marche vers un monde meilleur. Et la marche vers un monde meilleur (le progrès par exemple, ou le mieux-être) induit un déséquilibre et donc une instabilité, que cette instabilité soit de l'ordre de la transition ou de la rupture (du saut).

p.231: l'institution comme métastabilisation : Métastable: Se dit de l'équilibre d'un système stable pour de faibles actions extérieures et instable pour des actions extérieures importantes.
p.232: Pour ce qui est des organismes vivants ou des institutions, leur métastabilité doit être reconnue comme leur condition vitale, et plus que vitale (reliant les générations)… Lutter contre l'entropie n'est possible ni pour des institutions stables ni pour des institutions instables, sauf à maintenir une "métastabilité" dans un processus de transformation du même, c’est-à-dire dans la radicalité de bifurcations potentielles. L'instabilité risque de nous être imposée avec l'effondrement global soit, selon Yves Cochet, plus aucun service encadré par la loi ne fonctionnant. Cela sera peut être une opportunité de reconstruire des institutions métastables!     
p.72 : Usages et mésusages de l'abstraction: Les recommandations des experts sur l'éthique et des comités d'éthique ne peuvent aller de pair avec le business as usual ni devenir des vœux pieux qui évitent de nommer le problème en passant sous silence la façon de mettre en œuvre ces recommandations afin de les transformer en des principes éthiques efficaces. D'où la question devenue fameuse de Greta Thunberg: "Comment osez-vous?" Seul ce type de courage permettra de reconstruire et de réinventer la puissance publique en tant que milieu d'actions éthiques à l'ère des algorithmes.
     Les Postmonétaires peuvent reprendre ce paragraphe quasiment mot à mot: Comment osez-vous produire de telles critiques du système économique marchand, de telles alertes quant à la perspective d'un effondrement global et suicidaire, sans accepter de regarder en face la puissance destructrice de l'argent et sa possible abolition?... Question que l'on pourrait poser à Bernard Stiegler et à ses co-auteurs de "Bifurquer" (Paola Vignola, Mitra Azar, Maël Montevil, Giuseppe Longo, Ana Soto, Carlos Sonnenschein, Giacomo Gilmozzi, Olivier Landau, David Berry, Sara Baranzoni, Pierre Clergue, Anne Alombert, Clément Morlat; Théo Sentis, Franck Cormerais, Michac Krzykawskin Noël Fitzpatrick, Colette Tron, Glenn Loughran, Uves Citton, Edouardo Toffoletto, Vincent Puig, Suzanna Lindberg, Gérald Moore, Marie-Claude Bossière, Marco Pavanini, Daniel Ross, Alain Supiot…)

p.275 : "Tout cela ne va pas". Abstraction, localités, noodiversité.
     Un changement systémique doit être opéré dans l'approche commune de l'éthique, ainsi qu'en ce qui concerne l'usage qui en est fait par les experts et comités d'éthique travaillant […] en tandem avec le monde économique.
   Si l'argent est le pivot autour duquel tournent toutes les catégories classiques du capitalisme qui nous ont conduits vers l'Anthropocène, il n'y aura pas de changement systémique vers une vraie révolution, mais juste quelques aménagements d'intérieur. Quand la maison est pourrie et que le sol sableux s'effondre, on ne convoque pas un expert décorateur, un architecte d'intérieur, aussi compétents soient-ils.
p.281: Si l'êthos commande ainsi la vie avec la force de l'inconscient, les algorithmes sociaux la gouvernent avec la force de l'impensé. Si l'êthos nous inculque l'idée que tout boulanger honnête a le droit de vendre son pain, cela devrait nous convaincre, là où il y a deux boulangeries,  d'acheter notre pain quotidien une fois chez l'un, une fois chez l'autre, quand toute la société nous incite à calculer le rapport qualité prix, à aller au plus près pour gagner du temps (time is money). Dès que nous avons un euro en poche, notre êthos est abandonnée au profit de l'éthique marchande. Cet euro au fond de notre poche est l'objet le plus impensé de notre existence alors qu'il est sans doute le plus souvent utilisé! Une bifurcation radicale pourrait être de commencer par penser le moindre euro de notre poche: Vais-je l'utiliser dans le sens des lois du marché (êthos d'un poids impensable) ou d'une éthique postmonétaire, entrer dans l'épicerie de proximité si utile à ma vieille voisine ou chez Lidl qui est moins cher ?... Pour que ce genre de questionnement devienne commun et reflexe, mieux vaux user de l'exemple du petit commerce bien connu que de celui d'Antigone que peu ont compris ce qui s'y joue.
p.287:  Si ces questions directes s'imposent, y répondre de manière sérieuse ne peut se faire sans interroger l'organisation hyper-industrielle de ces nouvelles technologies, qui consiste en une extraction de données au-delà de tout contrôle. Nous pouvons dire la même chose et dans les mêmes termes vis-à-vis de l'êthos et de l'argent. On ne peut réfléchir sérieusement à l'état de notre société, voire de notre civilisation, sans interroger la place qu'à pris l'argent, la marchandise qui consiste en transformation de tout acteur social en acteur économique, jusqu'à le réduire à un  consommateur-producteur-exploiteur de quelqu'un, à un extracteur d'une quelconque matière, à un financier d'un capital ou d'une infime bourse…Les explorateurs géniaux de l'économie contributive oublient simplement que leur analyse du numérique renvoie inéluctablement à une analyse de l'argent en tant que qu'argent tout aussi importante à faire si l'on veut passer de l'existence capitaliste à l'existence contributive…. Et quand ils expliquent que la libération de l'êthos est la condition d'une maîtrise de soi, c'est la même chose que ce que nous disons en souhaitant redonner aux usagers la maîtrise de leurs usages…
p.288 : Comment comprendre ces changements à partir de notre temps (2020) étant donné que notre paysage est façonné par le système technologique, composé de choses de plus en plus standardisées selon la tendance à l'unification  typique des nouvelles technologies.
      Comment comprendre à partir de notre temps (2024) les changements de notre paysage depuis qu'il est façonné par la marchandisation (et depuis bien plus longtemps que par le numérique, donc bien plus profondément) au point d'être en permanence acheteur ou vendeur de quelque chose, de nous-mêmes  si nous n'avons rien d'autre que nous à vendre (via le salariat ou la prostitution) ou à acheter (via le service quand le numérique nous fait travailler à la collecte de données, en nous faisant croire que l'on est un simple client, voir usager). La gratuité dans un monde marchand, c'est quand on est soi-même le produit…. "small is not beautiful" quand on est réduit à un produit!...
p.290 : Si le système technique [ou monétaire] totalisateur, unificateur et globalisateur constitue une menace c'est parce qu'il tend à détruire les localités [ou quiconque ne joue pas le jeu de l'argent] par le biais de la standardisation. … Parce que le système technique dans lequel nous vivons est global, nous avons besoin de réglementations éthiques globales pour la conception, la production et la commercialisation des éléments de systèmes techniques.
     Comme le système monétaire, cette fois totalitaire, standardisé et mondialisé, réduit l'individu à l'acteur, nous avons besoin d'un autre système qui cette fois soit inclusif et ne rejette personne au motif qu'il n'est ni producteur, ni consommateur, sous prétexte qu'il aurait bifurque vers une autonomie totale.  La vie éthique est insoutenable indépendamment de la technodiversité. La vie éthique est insoutenable indépendamment de "l'oeconodiversité". Or, on ne peut pas dire que l'argent soit un facteur de diversité sinon celle des revenus, lesquels tendent à se condenser jusqu'à l'absurde du Monopoly qui, à la fin produit un seul gagnant, doté d'immeubles, gares, et argent, face au reste entier des joueurs, sans toit ni argent. Game over!
p.293: Le processus de production d'alimentation carnée dans les élevages intensifs a inspiré à Primo Lévi "la honte d'être un homme". En effet, l'industrie animale exclut toute possibilité d'éthique animale. Les rapports entre les hommes et les animaux devront changer. Mais le marché de l'élevage, des élevages de poissons et coquillages, bientôt d'insectes est tel que si d'un seul coup, l'humanité entière devenait végane, l'économie entière s'effondrerait et avec elle, l'État, le salariat, l'argent, la valeur, la marchandise. Le meilleur moyen de respecter les espèces animales, c'est qu'elles deviennent indispensables à notre survie. Sous cette contrainte, les humains ne seraient pas plus idiots que les lions et les requins qui, aussi carnés et prédateurs qu'ils soient, n'ont jamais éradiqué la moindre espèce. Le lion n'a pas les moyens de fumer la viande, le requin ne sait pas mettre les sardines en boites. Or, si l'économie s'effondrait et que nous prenions cela comme une chance, on pourrait abolir tout profit, tout accaparement de valeur. Il n'y aurait plus aucun intérêt à faire des l'élevage intensif des porcs ou des usines à boites de sardines à un niveau mondial. Le local peut faire ce que l'homme a fait pendant quelques millions d'année, l'électricité en plus! La production et la distribution d'alimentation artisanale, dans une société de l'accès, peuvent être anti-anthropiques et même anti-entropique…
p.304: La stabilité mentale a un coût, et celui-ci devient d'autant plus important lorsque le stress va de pair avec ce qu'on pourrait appeler "l'exosomatose", c’est-à-dire des doses croissantes de technologie. Exosomatose: néologisme composé du suffixe -ose (désignant une maladie), exo- (ce qui vient de l'extérieur), -soma- (le corps physique), donc une maladie causée par un objet extérieur à l'individu (une technologie, une drogue, de l'argent…) et subséquemment, un levier extraordinaire de marchandisation en tout genre, du trafic de drogue à la mode en passant par les objets inutiles que fabrique l'industrie, face aux multiples brisures de liens sociaux (biologie de l'attachement)…

p.314, § 114: Culture, dopamine et attention: Le nœud de ce qui ressemble à notre pathologie collective tourne autour de la relation entre la culture et la dopamine dont les fonctions participent au lien social, à la facilitation de l'apprentissage expérientiel, à l'habituation et à l'anticipation. (La dopamine permet au cerveau de s'adapter face à un stress, a une angoisse. Les études sur la relation mère-enfant dans les tout-débuts de la vie montrent que c'est la dopamine qui établit le point d'ancrage des relations sociales et adoucit les impacts émotionnels). Le besoin irrépressible de drogue, d'argent, d'accumulation, etc., serait une réponse biologique au manque de dopamine face au stress.

p.320: Sphères, bulles, écume… Dans une société addictogène, le monde partagé succombe à la fragmentation en bulles hermétiques d'îles privées, de communautés fermées et de chambres d'écho d'Internet qui permettent d'échapper au désespoir. Cette recherche d'insularité et "d'espaces sûrs". "L'encapsulation" est une troisième voie possible pour les inadaptés au combat ou à la fuite.
    La "capsule" est en effet une bonne image de la toxicomanie, et en même temps, des options thérapeutiques qui ont émergé et ont pris l'ascendant sur toutes autres, la pharmacologie de la substitution (subutex, métadone, etc.), dont Bernard Kouchner, alors ministre de la santé est devenu le chantre (ou plutôt, le représentant de commerce!). Les centres de soins français, jadis enviés dans beaucoup d'autres pays européens, fonctionnent aujourd'hui comme des "mondes toxicomanes encapsulés"
Les effets symptomatiques de sevrage planétaire.
        Si le changement climatique est un problème du Capitalocène limbique (Limbique : qui se rapporte à la partie du cerveau dit limbique ou cerveau émotionnel.), c’est-à-dire un phénomène de consommation addictive induite par la prolétarisation généralisée, que cela signifie-t-il alors pour la façon dont nous le traitons? Il y a un parallèle frappant dans le traitement de la crise climatique et de la toxicomanie. La logique devrait conduire à la nécessité d'une rupture radicale avec les modes de consommation existants (La consommation de drogue, comme le consumérisme ordinaire généralisé et normalisé).
     Les propositions de sortie du capitalisme pour résoudre le problème de l'anthropocène sont aussi variées et conflictuelles que les propositions thérapeutiques pour la drogue: sevrage brutal et abstinence définitive (profiter de la crise globale annoncée pour abolir l'argent et la marchandise) ; modération dans la consommation (redistribuer la richesse, devenir tous végans, sobriété heureuse, revenu universel….) ; un coaching individualisé sur le mode alcoolique anonyme (les petits gestes comme éteigne la lumière inutile, les Colibris…); inventer des modes de vie plus séduisants que la drogue (convivialistes, communautés écologiques, survivalisme…). Liste non exhaustive! Le dégoût des symptômes de sevrage a été déployée de façon circulaire pour proscrire le diagnostic de la dépendance par rapport à la consommation pathologique de médias numériques. Les auteurs environnementaux ont également insisté pour que l'abstention de consommation technologique ne puisse tout simplement pas être une option!
p.336 : Aux origines du mouvement des Alcooliques Anonymes  - la thérapie contributive
     Une panoplie émergente d'alternatives aux programmes de réadaptation dominants identiques pour tous comprend des retours aux racines des AA dans la théorie anarchiste de "l'entraide mutuelle". A quoi s'oppose la proposition de Territoires Apprenant Contributif de Plaine Commune qui permet de se transformer, de revitaliser les environnements toxiques qui donnent lieu à l'hyperconsommation, comme réponse thérapeutique au désajustement. […] La thérapie contributive devient ainsi une technique pour inventer des formes de connexion émotionnelle et sociale qui transcendent l'individualisme commercialisé, de nouvelles formes de philia liées à la poursuite du bien commun qu'évoque Aristote. La Contribution au savoir permet aux gens de devenir ce qu'ils "peuvent faire et être".
     Autant on ne peut qu'applaudir à un tel programme quant à ses fins, nous pouvons l'augmenter de quelques remarques "expérientielles" (issues d'Expérienciations existentielles ou de "laboratoire"). Expérienciation: Terme issu de l'épistémologie désignant "un moyen d’acquisition de connaissances par expérience personnelle et dans un environnement propre à l’individu." La proposition contributive, s'affiche là en tant que thérapie sociale et la thérapie par définition est résolution d'une maladie. Certes notre société est malade et ne peut que nous rendre malade. Mais au nom de quoi voudrions nous la soigner. La médecine moderne nous a pourtant appris qu'il vaut mieux prévenir que guérir. En ce sens, un vaccin qui immunise vaut mieux que le remède qui soigne quand la maladie est là, qu'une bonne alimentation est préférable à toute intervention médicale. Ma pratique personnelle du soin auprès de toxicomanes (vingt ans dans un centre dit de postcure) m'en a convaincu. La solution la plus soutenable, la plus rapide, la moins coûteuse (en souffrance et en thérapie) est de proposer une autre façon de vivre radicalement différente de celle qui a conduit vers la toxicomanie et cela dans tous les domaines à la fois (donc de  façon systémique et non analytique). Un autre environnement plus cohérent, des liens sociaux apaisés, un rapport à la chimie réduit aux strictes nécessités vitales (un vaccin contre le tétanos est toujours préférable aux effets de la bactérie Clostridium tetani !), des habitus qui banalisent la confiance en soi et aux autres, des pratiques qui valorisent l'estime de soi, des arts qui permettent "de dire" là où les mots manquent, la découverte du lien qu'il y a entre l'assiette et le jardin, et mille choses encore qui fondent notre existence. Les cures en services psychiatrique offraient une guérison par la privation, nous offrions une renaissance par la découverte d'autres possibles.
p.364: Aujourd'hui, cette vision pourrait être réinterprétée en un sens selon lequel l'expansion révolutionnaire de l'automatisation  et de l'intelligence artificielle ouvrirait des perspectives pour l'émergence de nouvelles formes d'autonomie (en occultant, pour le moment de savoir ce que cela pourrait signifier que d'aller "au-delà d'une organisation capitaliste"). Ouf! L'auteur de ce chapitre [Daniel Ross, né en 1970 en Australie, philosophe et réalisateur de cinéma, thèse sur Heidegger, il a traduit en anglais 11 livres de Steigler] (Steigler a certainement validé ce passage) est dans la posture du "pas suspendu de la cigogne": pour la première fois, il nous parle d'une possible société non-capitaliste, chose qui a été le point de départ de la réflexion de tous les Postmonétaires. Il en est encore à se demander "ce que cela pourrait signifier" et n'a semble-t-il pas encore entrevue toutes les ouvertures que cela augure… Votre pied s'est déjà levé M. Ross. Il vous suffit de suivre cette piste pour tenter, ne serait-ce qu'au titre d'une "expérience de pensée", d'en explorer les potentialitée et les faisabilités. Vous y êtes presque…
p.365 :  le capitalisme hyper-industriel de consommation.
p.366 : Ce que Marx ne pouvait prévoir [donc l'intégrer dans sa théorie] c'est la portée des nouvelles technologies rétentionnelles (Internet, stockage et traitement des données…) qui ont permis le contrôle du consommateur et la grammatisation sa protention…(Protension: qui est tourné vers l'avenir)
p.367: Cela allait in fine se révéler autodestructeur pour le modèle consumériste lui-même, en ce que l'épuisement de l'énergie libidunale instaure une tendance à l'effondrement de l'économie libidinale (sur laquelle repose fondamentalement le modèle macroéconomique de la croissance perpétuelle: la capacité à stimuler la croissance perpétuelle de la consommation requise par l'économie consumériste est ainsi menacée. En clair, la croissance infinie est une vue de l'esprit, une absurdité mathématique. 
p.368: Ce qui change au 21° siècle [par rapport à la publicité] c'est que les consommateurs de contenu grammatisé renvoient constamment et en temps réel des données aux producteurs. Sur la base de ces données, les producteurs peuvent calculer encore plus finement la relation entre un type spécifique de contenu et un type de réponse de la part de "tranches" spécifiques d'utilisateurs. Les producteurs peuvent ajuster le contenu de manière rapide et ciblée, ce qui était tout bonnement impossible au 20° siècle. Cela provoque des ondes de choc informationnelles et protentielles, dont l'effet au niveau noétique est analogue au "bang supersonique". Belle métaphore que celle du mur du son que les postmonétaires utilisent souvent pour expliquer que l'argent conduit inéluctablement à l'effondrement et que le seul moyen d'y échapper c'est de changer de modèle économique pour enfin franchir le mur du sou !  

p.369 : L'antipolitique du populisme ultra-industriel dans l'entropocène: 
Derrière cette intention paradoxale qui consiste à produire les consommateurs, réside la croyance encore plus paradoxale que cette masse de consommateurs est à même d'alimenter sans fin le moteur de l'économie globale à la manière d'une machine à mouvement perpétuel, et à porter l'économie vers de nouvelles cimes. Il est en effet étrange que le mouvement perpétuel est un mythe, autant que le père Noël  ou la vie éternelle, et que de brillants esprits, pourtant munis de tous les outils cognitifs, persistent à parler de croissance infinie.  
p.371 : A propos de la cristallisation des palais de cristal
     Palais de cristal: métaphore utilisée par Gilbert Simondon, philosophe français du 20° siècle, à partir de la physique. Le cristal émerge de son "eau mère" à partir d'un processus de cristallisation catalysé par un germe... Il se demande "si le cristal n'est pas le siège d'un plus grand désordre que l'eau mère", en clair et sur le sujet qui nous occupe là, si l'outil numérique n'est pas pire que le capitalisme. Par exemple, la régularité du cristal donne lieu à l'illusion de ce qui semble être une organisation luttant contre l'entropie. La question posée ici est de savoir si l'idée postmonétaire (à titre d'exemple) ne parait pas la bonne façon de concevoir une société désirable du simple fait d'une illusion et si cela ne serait pas encore pire que le capitalisme. Nous avons eu, et aurons encore longtemps, cette critique qui nous sera assénée avec l'appui de références philosophiques prises au pied de la lettre… Il faudra bien y répondre dans les mêmes termes…
p.373: La disruption et la régression contemporaine sont précisément une forme d'illusion du même type que celle produite au niveau moléculaire par la cristallisation. Ce n'est pas simplement une question des palais de cristal du capitalisme industriel, mais aussi les palais de cristal de silicium qui forment le capitalisme algorithmique ultra-industriel. Ils peuvent bien être hautement ordonnés et normalisés: derrière cette façade trompeuse ils sont profondément entropiques, esclaves du marché… La réponse du berger à la bergère: l'illusion de l'efficacité ne peut plus être invoquée par un capitaliste en plein hubris face à une proposition encore inexpérimentée et vierge de toute entropie. En terme populaire, cet argument, c'est "l'hôpital qui se moque de la charité", c’est-à-dire, se moquer du défaut de l'autre, que l'on a soi-même mais en plus grave.

p.378 : Pour une théorie générale de l'entropie:
     L'élaboration d'une théorie de l'entropie nécessite selon Steigler: une recherche contributive transdisciplinaire de grande ampleur, impliquant des chercheurs à travers une grande diversité de domaines. Malgré cette complexité apparemment effrayante, une telle théorie générale de l'entropie est devenue aujourd'hui une nécessité […]:  réinscrire en totalité les vieilles valeurs en des termes nouveaux, générer de la richesse en tant qu'elle se distingue de la valeur économique, étant entendu qu'il s'agit d'ouvrir la possibilité d'un autre avenir… C'est uniquement sur la base d'une telle théorie que des perspective d'investissement anti-entropique ayant le potentiel de nous faire bifurquer de cette situation monstrueuse et mondialement dangereuse peuvent être identifiées, imaginées, inventées et réalisées. De telles bifurcations, et la théorie générale sur laquelle elles peuvent être établies, présuppose de reconsidérer les fondements même de la division des champs de savoir. Elles exigeront également une complète réorganisation des technologies, au moins aussi profonde que celle qui a été initié par la démonstration de l'héliocentrisme au temps de Copernic, mais dans un laps de temps extrêmement court. C'est exactement le pari lancé par les postmonétaire. Et là, Bernard Steigler apporte beaucoup d'eau à notre moulin. Remerciement posthumes Bernard!... La confrontation entre notre théorie et la sienne, entre nos bifurcations théoriques et pratiques et les leurs, entre nos visions d'un autre futur possible et le notre, avec notre approche pratique en termes prosaïques, tout cela pourrait être d'une formidable richesse. Ils ont la rigueur scientifique et philosophique, nous avons la capacité à la traduire en récit…
      De là à rêver de contributifs a-monétaires ou de Postmonétaires contributifs et pourquoi pas de décroissance contributive postmonétaire pour une société convivialiste réhabilitant les communs dans un esprit libertaire, démocratique et sur le mode des systèmes complexes… Voilà qui aboutirait à des laboratoires transvers   Steigler-portrait.jpeg            Bernard Steigleraux s de bon aloi!
     En bref, il s'agit d'être capables de faire face noétiquement à l'aporie de la soutenabilité, mais sur un mode "vernaculaire", "localitarisé" tenant compte des capacités d'assimilation, d'adaptation…, et de "supportation" comme disaient les manifestants des Caraïbes en mai 2012. Je rêve d'un trio de recherche entre postmonétaires, contributistes façon Steigler et critiques de la valeur façon Anselm Jappe!