Désobéir à l'argent Abelsohn & Sanders
éd. Le Passager Clandestin, 64p., 2011
Ces deux co-auteurs font partie des tout premiers initiateurs du mouvement pour une société sans argent et inventeurs du terme de "Désargence", qui fut le premier intitulé en France de la plupart des autres mouvements. Jean-Patrick Abelsohn, était conseiller en gestion à Emmaüs et Jean-Paul Lambert (1932-2018), alias Marc Sanders, était retraité de l'enseignement et plus connu sous le nom de Prosper (du titre de la revue trimestrielle qu'il avait fondé).
"Et si l’on commençait par ne plus croire en l’argent, pour lui désobéir ? Si la monnaie, et la croyance en celle-ci, étaient aussi le talon d’Achille de l’édifice inégalitaire dont nous souffrons tous ?" Les auteurs nous font remarquer que sous des formes diverses, des résistances à la monnaie et à l'inégale répartition des richesses ont de tout temps accompagné le développement de la monnaie. C'est le thème de la légende de Robin des Bois, d'Arsène Lupin inspiré du très réel Marius Jacob, et plus récemment (2009) le banquier allemand Tabubinger qui a détourné en cinq ans 2,1 millions d'euros de ses plus riches clients au profit des plus pauvres.
Des systèmes financiers prétendus plus justes, plus égalitaires ont de tous temps été inventés ou proposés. Des expériences de sociétés vivant, au moins en interne, sans argent ont été expérimentées (Fourier, Gaudin, Owen, les kibboutz en Israël, etc.). Mais partout et de tout temps, l'argent a été perçu comme un objet sacré et sa destruction comme une profanation.
Supprimer l'argent n'est pas une idée nouvelle et Thoreau en rêvait déjà en écrivant "La vie dans les bois" en 1844, visiblement influencé par "Utopia" de Thomas More publié en 1516. Partant -de là, les deux auteurs, las des alternatives qui ne font que réparer les dégâts de l'argent, esquissent ce que pourrait être une société démonétisée.
Après avoir été séduits par les thèses de Jacques Duboin (industriel, banquier, ministre sous Aristide Briand, puis parlementaire, fondateur du Mouvement Français pour l'Abondance et prônant une juste redistribution de la richesse, précurseur du revenu social), ils ont réalisé que les meilleurs idées n'obtiendrait aucun résultat tant que le moindre centime serait encore en circulation. Désobéir enfin aux dictats de l'argent était le point de départ et la clé de voute de tout progrès social.
Ce cours essai démontre clairement qu'il y a toujours eu des vraies et fausses monnaies, que depuis l'antiquité, le jeu était de prendre aux uns pour satisfaire les autres, que les monnaies alternatives ne date pas d'aujourd'hui, que les approches bancaires et financières ont été des plus variées sans que rien ne change fondamentalement (y compris les monnaies fondantes qui reviennent dans les débats actuels, que les expériences de coopératives, de communautés de travail datent du Moyen-âge, etc. Autant de choses qui ressortent sans cesse, d'époque en époque, à chaque fois présentées comme des innovations possibles.
Les deux co-auteurs aboutissent à la conclusion qu'il n'y a pas d'autre issue qu'une "démonétisation" de nos sociétés, cette "désargence" ne pouvant commencer que par la résolution des résistances mentales que trois millénaires d'usages ont cristallisées dans nos cerveaux. Se décoloniser de l'argent ne peut commencer que par une désobéissance radicale….