La société réenchantée, Marc Luyckx-Ghisi

La société réenchantée, Marc Luyckx-Ghisi

Au-delà de la modernité, du patriarcat et du capitalisme, (sous-titre)
Editions L'Harmattan, 2001, 197pages 
Texte en Open-source ici   

Luyckx.jpegQuatrième de couverture: Nous vivons un changement de société rapide et profond car la rationalité moderne, l'approche patriarcale et le capitalisme ne peuvent plus répondre aux problèmes de notre temps. Si l'Europe comprend que la modernité qu'elle a contribué à créer touche à sa fin, elle peut entrer dans la société de la connaissance en capitalisant sur tout ce qui apparaît aujourd'hui comme des handicaps: la diversité culturelle, la solidarité sociale et familiale, la promotion de la femme, la solidarité avec le Tiers-Monde, le sens du beau et des valeurs humaines et spirituelles. En apparaissant sage, l'Europe peut contribuer au réenchantement du monde.
Marc Luyxkx-Ghisi, philosophe et docteur en théologie, né en 1942 en Belgique, prêtre catholique, membre de l'Unité de prospective de la Commission Européenne crée par Jacques Delors.  

p.12: Introduction: L'idée de ce livre est que nous changeons de paradigme et que nous sommes à la veille d'un réenchantement du monde... Nous sommes dans une période de transformation globale de nos sociétés. Et cette transformation est rapide et profonde, probablement plus importante que la Renaissance…. Ce livre se veut une invitation à regarder le futur et le changement sans plus nous voiler la face. Il voudrait ouvrir l'horizon et susciter l'espérance puisque nous allons peut-être vers une nouvelle Renaissance. Ce point de départ est intéressant et semble être partagé par plusieurs intellectuels, dont le sociologue Michel Maffesoli (auteur du livre "le ré-anchantement du monde, éd.Babélio, 20087). Le monde moderne est en bout de course et va inéluctablement être remplacé par un monde postmoderne via une révolution copernicienne, balbutiant mais déjà en germe et se mêlant au vieux monde moribond.     
p.13: Le terme "mondialisation " est un chef d'œuvre de concision analytique et empirique qui ne dit rien sur les changements qui surviennent. La manière moderne-rationnelle de chercher à apporter des solutions aux problèmes consiste à les saucissonner en composants analysables. La charge d'opérer la synthèse incombe ensuite au citoyen lui-même, prié ainsi d'oublier systématiquement les dimensions "qui n'existent pas". Cet essai découle d'un autre choix, sur une approche holistique, destinée à permettre à chacun de relier les intuitions éparses sans accepter plus longtemps de subir le joug des "faiseurs d'opinion" prétendant qu'il n'y a pas d'alternative….        

                               I. Au-delà de la modernité:

                Chapitre essentiel pour comprendre que notre "Histoire" est l'aboutissement d'un long processus évolutif,  construit sur une mythologie, puis sur une théologie, puis sur une connaissance scientifique. Cette construction s'est appuyée sur des récits et des paradigmes, pour aboutir au système actuel que nous ne comprenons pas sans en avoir fait préalablement la "généalogie". C'est cette généalogie qui nous permet de comprendre ce qui relève de la nature ou de la construction sociale, ce qui est changeable ou inchangeable. C'est l'apport essentiel que nous propose Marc Luyckx. Il donne là une assise solide à la proposition postmonétaire de changer de civilisation et d'oser remettre en cause cinq mille ans de pensées et de pratiques…    

Une définition des paradigmes:
p.16: Un paradigme, est la base de la manière de percevoir, de penser, de juger et d’agir qui est associée à une vision particulière de la réalité. Les paradigmes déterminent non seulement nos pensées, mais la manière même dont nous percevons la vie. Lorsqu'une civilisation quitte un paradigme pour un autre, ce basculement touche au cœur même de nos vies. L’hypothèse de ce livre est que nous sommes en train de changer de paradigme de manière extrêmement rapide. N'est-ce pas exactement l'hypothèse que posent les postmonétaires?...
p.17: La prémodernité: Le paradigme prémoderne est vertical et autoritaire, patriarcal, intolérant donc exclusif, mais stable et poétique (tout à un sens, il n'y a pas de crises de valeur, tout se reproduit de génération en génération). Il est enchanté car il reflète la gloire de Dieu et promet le paradis. Le clergé en est le garant et la théologie est la science.
p.20: Toutefois, contrairement à ce qui se vit dans la modernité finissante, la prémodernité fournit aux citoyens une raison de vivre et de mourir. Elle ne connaît pas de crise majeure de valeurs car celles-ci sont sacrées et parfaitement stables : ne sont-elles pas fondées sur Dieu qui est éternel et ne change pas ? …  Par contre, des coalitions peuvent voir le jour entre prémodernes lorsqu'il s'agit de s'opposer aux modernes et aux « athées ». D'entrée Marc Luyckx s'exprime en tant que prêtre, chrétien catholique. Cela induit quelques prérequis incontournables qui le différencient de ceux d'entre nous, "postmonétaires mécréants" peu enclins à imaginer des structures étatiques centralisées et pyramidales comme les institutions religieuses. Mais là n'est pas l'essentiel.      
p.21: La Révolution iranienne a été une révolution de clercs prémodernes contre un gouvernement, celui du Shah, qui était le plus moderne d’Asie.  ….  En tout état de cause, la critique interne [encore actuelle] des clercs par les femmes musulmanes est, suivant notre expérience, beaucoup plus dangereuse pour le pouvoir clérical que toutes les critiques occidentales – modernes – des associations des droits de l’homme. …  Au sein du judaïsme, les rabbins qui détiennent le pouvoir en Israël sont prémodernes. Par contre, la majorité des citoyens israéliens, des intellectuels et des rabbins de la diaspora sont modernes et sécularisés.
p.23: Enfin, le protestantisme est l'unique composante du christianisme qui a complètement et profondément accepté la modernité et la sécularisation. Quatre siècles avant les catholiques !...

2. La modernité: Il faut cesser d'être moderne, entrer progressivement dans l'univers de la transmodernité, pour ouvrir les yeux et parvenir à prendre enfin la mesure de l’impact idéologique, politique, culturel et économique de la modernité. Le terme de transmodernité est intéressant et recouvre assez bien le concept de "désargence" que nous utilisons pour parler non pas de ce que serait le monde postmonétaire, mais du travail mental nous permettant de nous désintoxiquer du paradigme monétaire. Le dé- privatif de désargence désigne plus le sevrage que l'abolition de l'argent.  
p.24: Comment ne pas voir que la modernité a comme engendré une religion implicite de la laïcité et de la sécularisation ? Que la modernité refuse toute forme de religion et tout discours public portant sur la dimension spirituelle de l’homme a de quoi mettre la puce à l'oreille. Sous ce jour, la modernité apparaît alors soudain extrêmement intolérante et agressive. Je préfère, pour ma part, laisser de côté la question épineuse de la laïcité. Une société sans argent ne peut être viable que dans une démocratie directe, capable d'intégrer les particularismes individuels, y compris religieux.    
p.25: Les combats entre paradigmes se retrouvent dans chaque groupe, partout. Étonnant !  …   J’étais convaincu que la modernité était tolérante. Après tout, la modernité n’a-t-elle pas inventé les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit ? N’a-t-elle pas œuvré à la libération de la femme ? 
p.26: Que la modernité eût mis fin au Moyen Âge et, surtout, à l’obscurantisme du clergé, voilà bien une conviction qui m'était chevillée à l'esprit. Prigogine m'a soudain dessillé les yeux. Il montre, en effet, que la modernité a attribué à la science un pouvoir quasi divin. [Référence à Ilya Prigogine, Nobel russe de chimie, dans son livre "La fin des certitudes"   
p. 27: La modernité est verticale et autoritaire, patriarcale,  intolérante, sécularisée, en recherche de progrès, désenchantée. La fonction du clergé a été remplacée par celle des technocrates et laisse aucune place au sacré. Le projet postmonétaire ne renierait pas la notion de sacré mais en lui donnant un autre sens, plus large que sa référence à une divine transcendance. Ceux qui se refusent à imagine un quelconque "arrière monde", le sacré peut tout aussi bien s'incarner dans "notre monde". La nature, les écosystèmes, les espèces (humaines et non-humaines) sont aujourd'hui, et de plus en plus, revendiquées comme étant sacrée.    

p.31: Postmodernité: Deux conceptions totalement différentes de la postmodernité existent. La postmodernité est sceptique.  […]  En réalité, la vision postmoderne est une transition entre deux paradigmes plutôt qu’un paradigme à part entière. C'est bien vu: en effet, si une part de plus en plus importante de la société (mais encore très minoritaire) a compris que la "parenthèse moderne" est en train de se refermer, rien n'est vraiment définit de ce que sera le contenu de la parenthèse suivante. Les "lendemains qui chantent" ne sont pas encore clairs et c'est plutôt "l'écoanxiété" qui replace "le progrès". Rien n'est encore suffisant pour construire un quelconque projet politique ou de civilisation. Les transmodernes sont dans la transition, encore bien encrés dans les structures mentales modernes, souvent dans le politique, les postmonétaires sont déjà dans l'attente du nouveau cycle, aux paradigmes inédits. C'est justement le travail que prétendent opérer les postmonétaires: inventer l'inédit, imaginer ce que la perte du paradigme monétaire et marchand induit poétiquement, prosaïquement, axiologiquement... 
p.34: La transmodernité: Paul Ray a distingué trois familles de valeurs chez les Américains: 28% de conservateurs, 49% acceptent le système comme il est et y croient et une troisième catégorie tout à fait nouvelle qu’il appelle les "cultural creatives", une nébuleuse de 24% de la population, avec un noyau plus dense de 10% qui sont en train de créer les nouvelles valeurs. Une lame de fond est en train de changer le paysage et les valeurs du monde ! Il est probable que ces mêmes proportions doivent se retrouver au-delà de la seule Amérique. Mais cela ne dit rien quant à la dynamique de ces "familles". Les "cultural créatives" forment pour l'instant une sorte d'archipel hétérogène à la trajectoire très aléatoire. 
p.36: Parabole de l'image cachée: une illustration présentant un chevreuil dans un bois, accompagnée d'une question. Où est le chasseur. Ce n'est qu'en retournant le dessin que l'on finit par découvrir le chasseur au milieu du feuillage. C'est difficile à trouver mais une fois qu'on l'a vu, il est impossible de ne pas le voir. C'est là  une excellente parabole de notre temps. Quantité de choses échappent à notre analyse du monde moderne et ce n'est qu'en tournant et retourant l'image, en en scrutant soigneusement chaque élément que l'on découvre l'évidence, que nous sommes en train de passer d'un cycle à l'autre, de la podernité à la postmodernité.  Ce qui nous semble évident reste trop caché aux autres pour que "le chasseur" soit démasqué! La postmodernité ne devient évidente qu'à posteriori!... La parabole est intéressante. C'est bien ce qui se passe quand on commence à réfléchir à l'argent! 
p.39: La société de demain pourrait être "eudémocratiquée", chacun pouvant s'assoir à la table pour discuter "ensemble" des problèmes "communs". Elle est postpatriarcale, pas non plus matriarcale. Elle est tolérante et inclusive. Elle introduit une relation apaisée entre la politique (les affaires de la maison) et la croyance (religion, philosophie, éthique). Elle tend à réenchanter le monde et non à l'exploiter. La science décloisone les disciplines et devient transversale. Elle réintroduit le sacré autant que le poétique. Voilà une bonne définition de la démocratie que nous souhaitons! J'ai traduit cela dans trois schémas:       Luyckx-schéma.jpeg           

 Prise de conscience: Pour l'auteur, elle est venue tardivement (années 1990) suite à une enquête européenne sur les religions.

Découverte de la prémodernité:
p.45: Chapitre consacré aux différentes religions qui identifie la culture et la foi, ce qui marque un reste d'attachement aux périodes anciennes, et ce dans les trois religions du livre, y compris chez certains scientifiques croyants.
p.52: « Le terme de postmodernité témoigne d’une insatisfaction croissante au sujet de la modernité. Elle indique que la modernité a eu non seulement un début, mais qu’elle pouvait aussi avoir une fin. La postmodernité met au défi la modernité. On peut dire que celle-ci a commencé avec le mécanicisme du 17e siècle, qu’elle s’est ensuite progressivement pétrifiée avec le rationalisme du 18e siècle, le positivisme du 19e siècle et le nihilisme du 20ème.» et plus loin:  
p.53:  «La post-modernité n’est pas un retour en arrière vers la prémodernité. Elle est au contraire une synthèse créatrice qui combine le meilleur de la modernité et de la prémodernité dans des concepts nouveaux, aux avant-postes de la pensée holistique »     (Charles Birch, intellectuel australien, généticien et démécologue )
Le diable étant dans les détails, on peut penser que cette "synthèse créatrice" qui séduit tant d'intellectuels aujourd'hui est un fait un frein. S'il ne s'agit pas, selon nous, de tout jeter avec l'eau du bain, de faire "du passé table rase", il est évident que ce passé doit au moins être étudié soigneusement pour y désenkyster les restes de paradigmes anciens qu'il recèle. Changer de paradigme ne peut se faire qu'à ce prix. La fin de la modernité ne peut passer que par le recyclage de chaque chose en déchet ou matière récupérable comme on le fait d'un vieil ordinateur obsolète. 

                    Radiographie du nouveau paradigme
 p.57: Le paradigme d’une civilisation détermine la manière dont celle-ci se perçoit, dont elle voit la nature de la réalité, la société, le monde qui l’entoure et le but de l’existence. …  Lorsqu'une civilisation quitte un paradigme pour un autre, ce basculement touche au cœur même de nos vies.  …  Aucun pouvoir politique, économique ou militaire ne peut se comparer à la puissance d’un changement au niveau de notre esprit. En changeant délibérément leur image de la réalité, les hommes sont en train de changer le monde. … Mais les effets de cette transformation sont relativement invisibles. (Rébus du chasseur). …   Les citoyens qui naissent au moment d'un changement de paradigme ne parviennent même pas à imaginer le monde dans lequel leurs grand parents ont vécu, ni celui dans lequel leurs propres parents sont nés. Nous sommes en train de vivre une transformation de ce type… La transmodernité pourrait être caractérisée par la reconnection de ce qui était séparé, l’harmonie avec soi-même, avec la nature, le monde, le futur, la profondeur.
p.61: Idée neuves: simplicité volontaire, lien social, réintégration de l’écologie dans l’économie, caractère sacré de la nature,  être prêts à gagner moins, réconciliation aussi de la science et de la spiritualité, vision plus holistique, optimisme quant à l'avenir, xénophilie, refus de la croissance, de la consommation, de la concurrence, anticapitalisme, féminisme, vie en réseau, bifurcateurs…. On peut ajouter à cette liste les bifurcateurs, les pratiques en réseaux, les expériences de gratuité, et bien d'autres choses qui sont pour l'instant des "cygnes noirs".... Ils ne constitue pas une preuve du changement si on ne les analyse pas dans un tout cohérent
p.64: "Good news is not news" disent les médias américains! Si on discute avec des journalistes qui réfléchissent, beaucoup reconnaissent que le système moderne ne fonctionne plus, mais la plupart sont incapables d'imaginer ce que l'on pourrait faire d'autre… 25% de créateurs culturels, 75% de conservatistes, cela fait croire aux créateurs qu'ils sont marginaux….  C'est une étonnante lapaliçade ! Par définition, un créateur est qu'elqu'un qui produit une chose inédite, donc à laquelle personne n'avait encore pensé. Voilà cinq milles ans que l'argent impacte nos modes de pensée, il serait donc fou de penser qu'une majorité adhère à son abolition sans un long travail de "désargence" comme nous le disons.      
       C'est ce qui explique sans doute le syndrome du "pas suspendu de la cigogne", visible chez ces intellectuels qui nous donnent toutes les clés d'une sortie du capitalisme, pour produire ensuite un "altercapitalisme" qui ne changera rien ! Marc Luyckx nous donne ensuite un tableau qui nous aide à repérer les nouveaux paradigmes en gestation:
pp.65-67:             
Cosmos constitué de matière inerte,   Vs   un organisme vivant
Espaces vides   Vs   écologie de l'univers
Conscience dérivée de la biochimie  Vs   capacité réflexive à toute entité
Succès matériel                                  Vs  équilibre entre vie extérieure et intérieure
Avoir assez d'argent                           Vs  se réaliser dans la participation
Identité défini par la possession         Vs  croissance du "buen-vivir"
Autonomie personnelle et mobilité    Vs   équilibre entre Je et du Nous
Individu séparé et seul                        Vs  illimité, unique et relié
Ressources illimitée et gratuites          Vs       bien commun à préserver
Compétition féroce                              Vs       coopération et entraide
Mass média aux ordres                        Vs       médias indépendant et engagées
Nations "canots de sauvetage"            Vs       éthique planétaire
 Le marché indépendant                      Vs       commun mondial

J'ai tenté de résumer ces items en gardant l'esprit du moment et en adaptant les sujets, pas toujours très clairs dans le tableau original de Luyckx. Chacun pourra le prolonger, le modifier en fonction de sa culture et de ses observations personnelles. Mais le principe reste intéressant et devrait être repris par les postmonétaires. Par exemple ajouter:

Réflexion analytique         Vs       réflexion systémique et holistique
Échange marchand           Vs       mise en accès des biens et savoirs
Systèmes hiérarchiques     Vs       systèmes en réseaux
Guerre économique          Vs       convivialisme
Croissance                        Vs       décroissance
Autonomie                       Vs       interdépendance…. (à suivre…)
p.67: La révolution de la communication est en marche vers un saut qualitatif: une conscience écologique globale. J'aurai personnellement pensé en premier  au passage du  PIB (indicateur de richesse) au BIB (bonheur intérieur brut, indicateur de bien-être) ou BNB (bonheur national brut). Selon une étude de l'OCDE (indice créé le 24.05.2011), la France serait à la 5ème place de PIB et à la 18ème place de BIB…
p.70: En 1990-91, une grande enquête a été réalisée par Ron Ingelhart sous le nom de World Values Survey": Elle conclut sur un «changement dans les stratégies de survie qui passent de la maximisation de la croissance économique à un choix de maximiser la survie et le bien-être par des transformations du style de vie.»
p.73: Il semble que l'auteur est convaincu que l'UE était une bonne idée et pourrait se réformer. Et pourtant, il a eu mainte fois l'occasion de constater le contraire. Ainsi il explique que: En 1997, la Commission européenne a invité Paul H. Ray à Bruxelles. Elle a invité son Office statistique, Eurostat, à effectuer une enquête préliminaire dans les quinze pays membres de l'Union européenne. …  Malheureusement, cette enquête préliminaire n’a toujours pas été prolongée par une étude plus approfondie. En outre, elle ne couvre pas tous les sujets. Enfin, Paul Ray n’a pas été associé au dépouillement des résultats et à l'interprétation des tendances.  L'enquête a montré que 90% trouvent qu'il faudrait faire plus pour l’environnement même si cela doit coûter de l’argent. Les choix stratégiques de la Commission européenne et du Parlement aurait dû tenir compte de cet étonnant résultat. Cela fait penser aux millions de pages des "cahiers de doléances" remplis par les citoyens après l'épisode Gilets-jaunes à la demande de Macron et qui dorment depuis dans les Archives Départementales ou dans certaines Préfectures. Un déni démocratique pour ne pas dire un "foutage de gueule" qui aurait mérité un coup d'État!                 

              Au-delà du patriarcat et du capitalism
                              Le malaise des fondements:
p.80: Dans notre civilisation moderne dominée par la rationalité, le niveau le plus profond, celui de l’âme et de l’éthique, est celui qui a été le plus interdit, du moins dans le domaine public.  …  le mur hermétique qui séparait le public du privé se fissure et il y a résurgence de l’éthique, voire de la dimension spirituelle, dans la sphère publique. … 
p.81: Un horizon fermé: … Gagner un niveau encore plus caché et plus profond de transformations. Un niveau qui est moins accessible car il touche aux récits symboliques fondateurs de nos civilisations.  ...  le nombre de pauvres et d’affamés ne fait que croître… notre civilisation ne parvient pas à poser et, a fortiori, à résoudre le problème fondamental de sa propre survie…
p.82: Passer de l’instinct de mort à l’instinct de vie, d'une culture de violence à une culture de paix s'avère, aujourd'hui, indispensable pour assurer la survie même de l'espèce humaine. Mais comment faire…?
p.83: …Des civilisations nettement moins violentes et plus conviviales, axées sur les valeurs de vie, ont existé en Europe, en Inde et en Chine entre 7000 et 3500 ans avant notre ère. Ces civilisations reposaient sur une autre articulation entre le féminin, le masculin et le sacré…. Il y a eu, jusqu'à un passé récent, des civilisations ayant contourné intelligemment deux paradigmes, celui de l'échange marchand (donc de l'argent) et celui du pouvoir. On peut citer les Sans d'Afrique, les Jarawas des îles Andaman dans l'océan indien, les Inuits du cercle arctique, quelques peuples d'Amazonie, ceux d'une zone du Sud-est asiatique regroupés sur un territoire dénommé Zomia par l'anthropologue James Scott, etc.
p.84: Selon Riane Eisler (historienne Viennoise) et Françoise Gange (sociologue française), l'histoire du péché originel serait l'un des exemples les plus typiques du récit construit pour opérer une transition entre le récit symbolique matriarcal et le récit symbolique patriarcal. Je n'ai jamais trouvé dans les civilisations orientales une quelconque mention d'un éché originel, ce qui n'a pas empêché toutefois la paradigme monétaire et marchand de s'y développer...  
p.85: Le récit de la Genèse va s’efforcer d’inverser, de subvertir totalement le sens profond des symboles (la femme, le serpent, l'arbre de la connaissance, l'homme et la relation homme-femme, la faute.) La femme est maudite à jamais pour avoir poussé l'homme à la faute par ses atouts sexuels. L'homme sera depuis en droit (et en devoir) de dominer la femme. Le serpent est un démon déguisé en animal. La sexualité est dangereuse. La connaissance n'est bonne que pour les Dieux. La souffrance et le travail sont le résultat de la faute, comme la réussite est le résultat du mérite. Nous sommes toujours prisonniers de ce récit qui continue à fonder nos vies individuelles et collectives.
p.87: En exhumant les récits antérieurs à la Genèse, Eisler et Gange délégitiment les récits patriarcaux violents et centrés sur la mort qui nous étaient présentés comme les seuls possibles. Dommage que l'auteur ne cite pas ces récits antérieurs, ne pensant qu'au message christique, et en plus en oubliant que ce message a été dévoyé dès le 1er siècle pour s'adapter aux cultures politiques et philosophiques dominantes du moment, celle de la  bible et celle de Rome. Il existe un texte antérieur écrit à Babylone qui montre que la Genèse n'en est qu'un copier-coller, à peine modifié pour le dénaturer dans la logique du patriarcat hébraïque. Et ce n'est pas le seul texte à proposer autre chose. Au temps de Platon, beaucoup de Grecs pensaient qu'au départ les humains étaient hermaphrodites et qu'ils ont été séparés en hommes et femmes par un Titan malveillant. C'est ce qui expliquerait l'attirance des sexes qu'aucune civilisation n'a pu réprimer et qui s'expliquerait par la recherche de constante de notre moitié perdue… A défaut d'être scientifique, cette explication est éminemment intelligente et bien plus égalitaire… Mais tout ceci prouve, si c'était encore nécessaire, que beaucoup de choses que nous prenons pour naturelles, ne sont en réalité que des conventions sociales.                     

Les quatre niveaux de changement:
p.96: Une civilisation en décadence n’a point de projet d’avenir. Jamais. … Pourquoi le monde passionnant des universitas, ces universités dont les professeurs, tous théologiens parlant le latin, se déplaçaient à travers toute l’Europe pour échanger leurs idées et s’enrichir mutuellement a disparu pour n'en garder que la pale copie d'Erasmus? Justus Lipsius, recteur de l’Université de Louvain, l'un des fleurons de la théologie scolastique qui dominait l’Europe et le monde, s'est écrié en 1624 : « Omnia cadunt », tout s’écroule ! La réponse alors était l'imprimerie qui met la science entre les mains de n'importe quel laïc, qui fera perdre la mémoire, disait-on, car tout le monde aura à terme des livres auxquels se référer, qui remplace le latin que tout le monde comprend (sauf la majorité illettrée), par les langues vernaculaires etc.
p.100: Dans le contexte européen, il me semble capital d’insuffler de l’espoir en prenant le risque d’affirmer que nous sommes potentiellement à la veille d’un réenchantement, voire même d’une probable élévation du niveau de conscience de l’humanité ! Tant que le réenchantement ne sera pas porté par un récit fédérateur, il sera possible mais sûrement pas probable.
      Lors d’un changement de paradigme tel que celui qui marque notre époque, c’est la relation de chaque valeur avec toutes les autres qui se modifie. Cela nécessite donc une vision systémique du monde et non analytique, ce qui ne s'improvise pas et prendra possiblement plus de temps que l'effondrement global ne nous en accordera.
p.101: Le changement se caractérise ensuite par sa direction. Les valeurs partent d’un point vers quelque part. Les valeurs centrales changent en suivant un axe, un vecteur ou, en termes simples, une flèche. C'est l'un des rares points sur lequel je diverge sérieusement avec les propos de l'auteur. Cette vision du temps comme une flèche marquant une direction est spéciale à l'Occident. Dès que l'on sort de la sphère occidentale, le temps est cyclique, plus rarement en spirale ascendante, jamais linéaire. Nous ne sommes plus en position d'imposer au reste du monde une vision du monde et de son évolution en forme de flèche,  que la flèche aille du yang au yin ou d'un début vers une fin.
      Nous avons trop saucissonné les problèmes pour prétendre les résoudre. Notre civilisation a été trop loin dans les valeurs de conquête, de soumission des opposants. Le choix de la tranche plutôt que du saucisson entier donne d'un côté la médecine occidentale (une maladie-un remède) et la médecine orientale (ayurvédique par exemple). Il faudra beaucoup de temps pour penser une médecine qui prenne les bons côtés des deux options du Levant ou du Couchant…
p.102: Ajoutons aussi, une fois encore, que personne ne connaît le futur. Les bibliothèques sont emplies de livres qui, écrits à la veille des première et deuxième guerres mondiale, prédisaient des lendemains qui chantent !  Comme il y a de pleines bibliothèques de livres prédisant le collapse généralisé et qui engrange en permanence des légions de collapsologues déprimés ou sidérés ?...
p.106: Les études de Willis Harman (ingénieur américain) suggèrent que nous sommes à la veille d’une deuxième « révolution copernicienne » dans la mesure où c'est toute la conception philosophique de l’univers et du cosmos qui bascule sous nos yeux, sans que nous nous en rendions compte.  …  La métaphysique à laquelle nous sommes habitués se retrouve ainsi retournée comme une chaussette. Je reste suspicieux quant aux développements d'un ingénieur américain chantre de la Silicon Valley, mais je lui laisse le bénéfice du doute n'ayant rien lu de lui…
p.108: Aujourd’hui, pour recourir à la guerre, le guerrier doit, au préalable, vraiment démontrer à l’opinion publique qu’il n’y a pas d’autre solution. Avant, c'est au pacifiste qu'il incombait de se justifier. Sur ce plan, notre monde a réellement changé. Tout le monde a le droit de se tromper, M. Luyckx a écrit cela en 2001. Qui peut répéter la chose après l'agression décomplexée de l'armée israélienne sur la bande de Gaza et le peu de réactions internationale (exceptée celle de l'Afrique du Sud)?
p.109: La vision moderne repose sur la conviction d'un progrès sans fin. Désormais, les yeux de scientifiques et philosophes toujours plus nombreux s'ouvrent…  Il n'y a pourtant pas de quoi pavoiser…Rien ne dit que les élites scientifiques soient unanimement prête à "changer de monde". 
p.117: Du commerce au partage:   Dans la société industrielle, le commerce est monétaire: une marchandise en échange d’une somme d’argent. Or, dans l’échange d’information, on ne perd pas l’information qu’on partage ! Mais on en fait tout de même du profit. Sur le net, quand une information est gratuite c'est que nous sommes le produit! D'ailleurs l'auteur poursuit avec cette remarque: le retour n’est pas essentiellement de l’argent, mais bien de l’information. Les "marchands" ont bien compris qu'une chose qui n'est pas essentiellement de l'argent peut l'être au moins un peu. Et vu le nombre des échanges, 1 centime multiplié par un milliard fait tout de même 10 millions! De quoi s'acheter les services dociles d'une armée de petits soldats… Cela fait partie du piège de la techno-utopie sociale de la communication que cite très justement l'auteur. Cette petite phrase montre que Marc Luyckx fait de l'argent un pivot central, bien au-dessus de l'argent. 
p.118: L'économie se transforme: Dans la nouvelle société de l’information, le pouvoir se déplace et le commerce se redéfinit. … Il ne s’agit donc pas de s’opposer à l’économie traditionnelle, mais bien plutôt de commencer à écrire de toute urgence, des chapitres nouveaux sur la société de la connaissance ou, si l’on veut employer les termes actuels, sur les intangibles. Aie! L'économie aussi est impactée par les paradigmes millénaires. Mais comme c'est aussi une religion, avec ses dogmes et ses thuriféraires, on risque de l'oublier et se contenter de faire quelques pas en arrière vers un simple "altercapitalisme"…
p.120: Une des caractéristiques majeures de la production de connaissance est qu’elle s’enrichit par le biais du partage de l’information. Pour l'instant, et faute de remettre en cause l'échange marchand, l'ascenseur social lié à la connaissance est en panne. Les riches se cultivent plus vite que les pauvres et, au mieux, l'ascenseur des riches monte plus vite en valeur que l'ascenseur des pauvres. Toutes les statistiques le montrent. L'exclusion est donc plus réelle que l'inclusion. Même une école qui favoriserait la créativité ne changerait rien à la vitesse des ascenseurs des uns et des autres…
p.122: Avec son « Big Brother », Orwell n'a-t-il pas fait œuvre de visionnaire ? Ce n’est absolument plus à exclure. Par conséquent, il est capital d’en avertir les citoyens. Orwell a écrit 1984 en 1949, soit il y a exactement trois quarts de siècle. Que peut-on faire de plus pour en avertir les citoyens?

Politiques et institutions: Le plus grand parti politique est désormais, dans nos démocraties, celui des abstentionnistes.  … le nombre de citoyens qui apprécient le fonctionnement concret des institutions actuelles tombe, lui, dangereusement sous la barre des 50%. 
p.124 Un graphique montre trois courbes: celles de la technologie, de la démographie, des institutions. Si les deux premières évoluent rapidement, la dernière est d'une extrême stabilité et fait preuve d'une étonnante force d'inertie. Il faudra pourtant bien réformer les institutions ou en inventer d'autres, mais elles risquent de résister longtemps à toute évolution. Elles sont, en outre, faites pour cela… Et la solution n'est pas de les rendre intelligentes, mais de les démocratiser. Le tableau de la p.126 décrit le changement de paradigme en politique: déclin des souverainetés, cohésion entre les politiques étrangères et nationales, entrée d'acteurs non étatiques, interfaces entre États, frontières fixes mais perméables, transparence… J'en ferai la même critique que pour les sujets ci-dessus, toute tentative réformiste sera bloquée par des intérêts financiers contraires si la finance est conservée sur le mode marchand que nul n'a réussit à réguler depuis que des intellectuels l'ont décrite par écrit, soit depuis le V° siècle avant J.-C.,  et ce n'est pas un hasard.
p.127: Les frontières étant stables et inviolables, les conflits prennent plutôt la forme de guerres commerciales, tant il est vrai aussi que le pouvoir est lié à la possession de capital et de technologies. Une fois de plus on voit les limites imposées par le refus de remettre en cause l'argent et l'échange marchand. La guerre économique fait plus de morts que la guerre armée, car sans trêve ni paix possible, mais à bas bruit et sans aucune comptabilité. Tout le monde sait approximativement le nombre de morts de la 1ère et de la 2ème guerre mondiale, mais personne ne connaît le nombre de mort dues à la révolution agricole dite verte, aux médicaments inutiles mais juteux, le nombre des morts de l'amiante, des perturbateurs endocriniens, et autres avancée technologiques mortifères… La jeune génération est en train de perdre considérablement de son champ de vision naturel à force se scruter les minuscules écrans de smartphones. Qui le dit, qui sait à quel niveau…? Personne! Trop d'argent est en jeu!       

                    Crise de la logique capitaliste
p.132: Nous ne sommes déjà plus tout à fait dans le capitalisme. Sans doute les structures de pouvoir et les outils employés demeurent-ils encore industriels et capitalistes. Toutefois, le mécontentement populaire qui enfle au sein de la classe moyenne des pays riches pourrait bien être l'indice, sinon d'une rupture brutale, en tout cas d'une évolution décisive et irréversible. Décidément, en politique le sieur Luyckx n'est pas bien informé ou déformé par la fréquentation abusive des européistes et des instances de l'UE. Un tel rouleau compresseur antidémocratique est capable de ramener au néolibéralisme des gens de gauche, des écologistes, des humanitaires, alors pourquoi pas un théologien?...
p.137 Inadéquation de la théorie économiste capitaliste : Dans leur immense majorité, économistes et intellectuels vont, de congrès en réunions, répétant les mêmes concepts surannés, sans véritablement mesurer la lame de fond du changement ni l'urgence de créer un nouveau cadre de référence. Peter Drucker est l'un des rares visionnaires. Petre Drucker (1909 à Vienne-2005 en Californie), journaliste, enseignant en politique et philosophie, conseiller chez Général Motors, professeur de management. Jusqu' au bout Drucker est resté ardent défenseur du néolibéralisme, de la gestion managériale des entreprises, du libre-marché, "Pour lui, la recherche du gain financier ne devait pas primer sur la création de valeur" a déclaré un journaliste économique à son sujet. Dans un conteste libéral, toute création de valeur est source de gain financier. C'est même sa fonction première… Le "Mal travail" que François Ruffin décrit dans son dernier livre relève aujourd'hui d'une évidence. Le management entrepreneurial sur le mode Drucker tue, au sens propre du terme….S'il y a inadéquation du capitaliste, cela saute aux yeux quand on voit les conséquences des thèses de Drucker.
p.138: Ceci implique que ni la liberté du commerce (free trade) ni le protectionnisme ne fonctionneront par eux-mêmes comme politiques économiques. L'économie de la connaissance semble nécessiter une combinaison des deux, en équilibre. La liberté du commerce, c'est le droit d'éliminer le concurrent le plus faible, la guerre économique permanente et sans limites. Le protectionnisme, c'est le repli sur soi, la fin de toute solidarité internationale. Liberté et protection dans le même "pacage" c'est deux inconvénients qui s'ajoutent. La solution a-monétaire, c'est au contraire l'alliance de la coopération économique et de l'entraide entre nation. Une révolution copernicienne difficile, certes, mais c'était bien le souhait de Marc Luyckx au début de son ouvrage. Il reste cependant de ce livre une belle description, in vivo, de la nécessité mais aussi de la difficulté à changer de paradigme,  et surtout de tous les paradigmes simultanément.

p.140: Autres critiques du capitalisme:
- Critiques sociale: le système engendre et fait croitre trop d'inégalités. Critiques écologiques: le système ne prend pas en compte la planète et les générations à venir. 
- Critiques méthodologiques: la science économique a un fondement philosophique dépassé. Critiques monétaires: Il faut, et vite, redécouvrir les monnaies alternatives. Bernard Lietaer est l'un des penseurs en la matière.  Les critiques féministes: qui reprochent au système de ne protéger ni la vie ni le rythme de la nature.
- Critiques philosophiques: qui reprochent au système la domination et le saccage sur la nature  avec des arguments philosophiques.
           Notre propos est plutôt de chercher les critiques au sein même des fondements du capitalisme (l'argent et la valeur, l'État et le marché, la marchandise et salariat). Tant que ces catégories clairement analysées par les marxistes, puis par les marxiens du groupe Krisis ne seront pas abolies, toute tentative de changement de paradigme sera compromises par le pouvoir mortifère qu'elles recouvrent et induisent.                    

La société de la connaissance, une nouvelle économie.
p.143: La logique du monde qui se dessine à toute allure est complètement différente de celle qui avait cours auparavant. Et pourtant, notre monde continue, imperturbable, son petit bonhomme de chemin traditionnel : il utilise sans trop d'état d'âme les concepts d'hier, l'ancienne économie continue à le régir.     Tout le problème est de savoir quelle stratégie fera sauter le pas jusque là suspendu d'un système à l'autre. Pour Luyckx, il s'agit de passer de la société capitaliste à la société de la connaissance. Après la société des communs, du convivialisme, de la décroissance, cette société de la "connaissance" propose des notions théorique, générales qui couvrent tant de choses différentes qu'on a du mal à s'en faire une idée: elle vise à privilégier les biens immatériels, l'échange des savoirs, l'abondance, l'inclusion, la propriété individuelle ((et non aliénée) des moyens de production, une croissance qualitative, une reconnexion au cosmos… Par quel moyen? Mystère.
p.114: Vers l'immatériel : Tout dans se monde est réduit à l'aspect matériel par une mesure quantitative, € ou $, et l'apprentissage sera difficile!
p.145: Au-delà du commerce, vers l'échange et le partage: Au Moyen-âge la notion de commercium englobait donc beaucoup plus que les seules transactions d'argent. Dans la société industrielle, le concept de commerce s'est rétréci et la dette réciproque, ciment social, a disparu.  Or, dans la société de l'information, si j'échange de l'information, je ne la perds pas. Cette vision reste malgré tout commerciale, n'élimine en rien la question de la valeur. Si on échange un œuf contre un bœuf, celui qui a cédé son œuf reste en dette, et pour longtemps. Le bœuf n'est pas l'idée du bœuf, pas plus que l'image de la pipe de René Magritte n'est une pipe. Personne n'acceptera l'oubli de la dette du bœuf cédé contre une information, à moins que cette information permette d'acquérir un autre bœuf ou quelques milliers d'œufs. Tout objet matériel qui se donne est perdu pour le donneur. A ce jeu là, les plus malins auront un beau troupeau, les moins malins, les yeux pour pleurer leur vache. Il ne peut y avoir d'échange matériel non marchand tant que la valeur marchande a cours, donc tant qu'il y a de l'argent qui matérialise et symbolise en même temps la vache et l'idée de la vache.
p.146: Voilà qui, à n'en pas douter, annonce une redéfinition fondamentale du rôle de l'argent dans la société de demain. On est là visiblement dans la situation du "pas suspendu de la cigogne". Faute d'imaginer la suppression de l'argent, on tente d'éliminer l'argent de l'échange de connaissances, puis de transmuter cet échange au domaine matériel. C'est changer le plomb en or, une alchimie qui relève du rêve. Des centaines de chercheurs consacrent des milliers d'heures de travail à tenter d'insérer la logique de la connaissance dans la logique moderne capitaliste. Leurs efforts peuvent-ils être porteurs d'avenir ? C'est tout sauf évident !  Et des centaines de chercheurs consacreront ensuite des milliers d'heures de travail à tenter d'insérer la logique de l'argent dans les usages de la connaissance.
p.147: Quand bien même les humains auraient compris que la valeur ajoutée de la connaissance s'acquiert lorsqu'elle circule, et que  plus on partage l'information, plus elle s'enrichit, ils constateront aussi que ce qu'ils ont échangé contre une bonne information est pour eux à jamais perdu. Très vite ils s'apercevront que l'argent n'a pas plus de sens que la connaissance s'il ne circule pas. La rotation monétaire reste "l'effet maître" du commerce et de la connaissance. Si donc l'argent doit sans cesse circuler pour faire sens, tous les travers de la société capitaliste réapparaîtront en dépit de tous les généreux efforts des intellectuels.
        Au-delà de la rareté: A l'évidence, le capitalisme fonctionne sur la base d'une logique de rareté de l'argent et d'exclusion. Tout au contraire, la société de la connaissance semble devoir se fonder sur une logique diamétralement opposée d’abondance et d’inclusion. La même critique que la précédente sur la rotation monétaire, s'applique à la rareté de la monnaie. Si la monnaie n'est pas suffisamment rare, il est alors possible d'utiliser des feuilles d'arbres accessibles à tous comme médium de l'échange, ou pour faire plus moderne, autoriser chaque citoyen à imprimer les billets de Monopoly dont il a besoin dans son appartement. On voit vite la limite d'un argent qui ne s'appuie pas sur la valeur, la rareté, l'État, le profit… et in fine sur l'exclusion des uns, l'enrichissement des autres. Et s'il y a des riches et des pauvres, il ne peut y avoir plus de partage de la connaissance que dans le capitalisme. Retour à la case départ assuré.
p.148: Dès lors, il [le débat] ne sera pas facile à instaurer. Et c'est le moins que l'on puisse dire. 
Au-delà de la propriété privée: L'information est poreuse, transparente. Elle fuit. Elle a une tendance inhérente à fuir. Et plus elle fuit et se répand, plus nombreux sont ceux qui en ont connaissance. On peut rester sceptique sur une fausse idée comme celle-ci, censée apporter une avancée sociale. Si l'auteur a le droit de penser que l'information est poreuse il devra aussi admettre que la fausse information aussi est poreuse et donc qu'elle se répand et s'incruste dans les esprits autant que les bonnes. Notre Histoire est ainsi pleine de mythes indéboulonnables. Par exemple: si le peuple se nomme des représentants il sera en démocratie! Jeanne, la petite bergère vosgienne illettrée a bouté l'Anglais hors de France! Les Gaulois sont nos ancêtres! L'Europe, c'est la fin du chômage, la croissance et la démocratie!...Ce dernier exemple montre à quel point il est difficile de corriger une fausse bonne idée!
Peut-être le temps de concepts plus ouverts (la notion de propriété collective, de patrimoine de l'humanité, de propriété de la planète Terre) est-il venu. La propriété collective, celle d'un État, d'une corporation, d'une Église, d'un lieu, n'a jamais empêché les inégalités, les guerres, le saccage de la nature. Pourquoi cela serait différent si on n'éradique pas ce qui a induit tout cela?
p.149: Propriété personnelle des moyens de production: …la société de l’information : il n’y a plus d’aliénation du travailleur par rapport à la propriété des moyens de production. Il n’y a plus non plus moyen d’être propriétaire des moyens de production. C’est en même temps la fin du capitalisme et du marxisme! …Ce n’est plus ni le « capitaliste » ni la « collectivité » qui sont propriétaires des moyens de production, mais la personne individuelle. C'est beau mais incompréhensible. Si chaque individu travaillant dans une usine est propriétaire d'une part de l'usine, il devra lui-même investir dans l'achat et l'entretien des machines, se payer son salaire. On va là bien au-delà de la SCOOP qui est une propriété collective. Il est difficile d'imaginer une entité aussi cohérente qu'une usine de production qui soit gérée par des individus atomisés, à moins que tous sans exception ait un sens du commun et de l'intérêt général, une capacité à prévoir à long terme l'orientation de la production, de faire les bon choix entre des intérêts contradictoires (l'intérêt de la production et l'intérêt écologique par exemple. Quand bien même l'idée serait séduisante, elle exige un héroïsme individuel, une éthique parfaite et une capacité à se relier aux autres hors du commun. Un peuple ne peut être un rassemblement de saints et de héros, sauf dans les fictions.
p.150: Redéfinir le progrès qualitatif: Dans la société de la connaissance, un progrès quantitatif n'aura pratiquement plus de sens ! Il faudra donc nous habituer à nous servir d'un concept nouveau : le progrès qualitatif. Au nom de qui et de quoi? Les gens n'auront intérêt à développer leurs connaissances autant que leur pouvoir de consommer que dans la mesure où ne se pose plus le problème de la répartition des biens, laquelle, si elle peut être équitable, ne pourra jamais être égalitaire sans être injuste. Le progrès qualitatif n'est pas quantifiable. Il faudra donc trouver le moyen de contraindre tous les citoyens à la notion d'équité, donc de différence, de besoins inégalitaires, ce qui pour le coup exige des humains dépouiller de toute jalousie, de tout désir de puissance, etc. Ce serait l'homme nouveau annoncé par le communisme et jamais advenu. C'est sans doute aussi le meilleur moyen d'aboutir à une société autoritaire,  et pourquoi pas, dotée d'un goulag!...
p.153: Ingénuité, c'est portant ce qui définit les projets espérant que l'homme change de "nature" en vertu d'un message vertueux. Un précédent célèbre est bien connu, celui d'un certain Nazaréen, parfait communiquant, capable de soulever des foules par ses pouvoirs exceptionnels et ses récits métaphoriques aussi simples que profonds. Deux millénaires après, on en parle encore mais rien n'a fondamentalement changé. Les meilleures sociétés n'ont jamais connu l'homme qui devint Dieu et ceux qui l'ont connu n'ont pas réussi à comprendre que l'homme change avec son milieu, car il est ontologiquement adaptatif, pas via la métaphysique, la philosophie, la foi. Il y a encore des guerres de religions, mais la "nature de l'homme" s'inverse instantanément quand il y a une catastrophe naturelle. Certes ces effets sont aussi circonscris que la catastrophe, et c'est pour cela que seule un changement de société, sans attendre l'homme nouveau, peut changer la nature humaine d'une manière durable.                       

                             Un nouveau regard
                                       Le réenchantement de la mondialisation?

p.158: Le réenchantement de la mondialisation ne relève pas de l'utopie. Il advient comme par enchantement dès que nous prenons conscience de ce fait tout simple : notre souffrance découle surtout de la persistance de structures économiques et politiques en voie d'obsolescence accélérée.   Que se passerait-il si nous dépassions la modernité tout en conservant les meilleurs de ses acquis, c’est-à-dire si nous entrions consciemment dans la transmodernité ? Quelle serait la différence par rapport à aujourd'hui qui nous voit entrer dans la nouvelle logique à reculons et à l’aveuglette, en conservant les catégories modernes et capitalistes d’hier ?
p.159: Une conception tolérante de la vérité: Depuis des siècles, l’Occident a imposé au monde entier sa manière de voir. Avec la modernité agonisante, nous prenons subitement conscience de notre arrogance et de notre intolérance. C'est vrai mais ce n'est pas en vertu d'un discours enchanteur. C'est par nécessité face à un système qui nous détruit. L'instinct de survie est plus fort que toute idée et si de plus en plus de gens "bifurquent", c'est par nécessité plus que par conviction. La conviction vient après, dans l'expérience d'une autre façon de vivre, et même à "l'expérienciation" (au sens épistémologique du terme), c’est-à-dire dans le mouvement de l'expérience autant que dans le résultat. Il en va de même pour la tolérance: quiconque a bifurqué sait le temps qu'il faut pour y parvenir, les difficultés qu'il faut affronter pour réussir la bifurcation. Cela rend tolérant bien plus qu'une idée au sujet de laquelle nous sommes sommés de se positionner pour ou contre.
         La transmodernité nous promet une nouvelle carte du monde où l’Occident ne domine plus nécessairement. Elle ouvre la voie à un authentique dialogue des civilisations en vue de résoudre les gigantesques problèmes qui obscurcissent l’horizon de l’humanité. C'est en effet en se confrontant à l'autre que l'on change. La superposition de deux cartes identiques, l'une montrant l'implantation de l'idéologie d'extrême droite et l'autre la proportion de migrants par région, montre que plus il y a de migrants, plus ils sont tolérés, moins il y a de migrants, plus les gens en ont peur et sont racistes. Il en sera de même pour une Révolution copernicienne. Ce n'est que le nombre des bifurcateurs et la place qu'ils prennent dans le groupe social qui fait bouger les lignes de fractures. Le Révolution par l'exemple des anarchistes du temps de Zola!
p.161: Au-delà de la violence vers de nouvelles formes de sacré:  La transmodernité pourrait ainsi répondre aux aspirations de la jeune génération qui, elle, semble avoir d'ores et déjà entamé une transhumance vers de nouvelle formes de sacré. … Les grandes religions officielles pourraient avoir à subir, dans les années à venir, des vents de tempête sans précédent. …  Sont-elles, en fin de compte, capables de se repenser à ce niveau de profondeur ? Poser la question c'est déjà y répondre. Les aspirations des jeunes générations risquent fort de balayer les scories de l'ancien monde, y compris au niveau du sacré: la défense d'une zone humide est un acte encore plus sacré que la défense du droit au blasphème et c'est un signe qui ne trompe pas. Les Églises en tant qu'institutions n'y survivront pas et seules resteront des visions privées, syncrétiques et tolérantes. >
p.164: Au-delà du capitalisme industriella transmodernité établit un cadre de référence nouveau où le statut même de l’économie par rapport aux autres disciplines et à la société peut et doit être repensé de manière fondamentale. … Mais alors que les pressions liées à une nouvelle vision du monde s’exercent sur la « science économique », une autre logique postcapitaliste et postmarxiste affleure en même temps à toute vitesse, dissolvant les concepts de base de la société capitaliste et industrielle. … Ces « créateurs de culture », comme les appelle Paul H. Ray, se rendent compte que le roi est nu, que le système actuel est confronté à la crise la plus grave depuis le début du capitalisme et qu’il est grand temps de travailler activement à construire des alternatives économiques valables.       Il est étonnant de réaliser à quel point toute tentative de construction d'une nouvelle société se heurte à des contradictions si elle omet de risque l'abolition de l'argent et de l'échange marchand. Systématiquement on aboutit alors à une sorte de compromis boiteux dans lequel seul le capitalisme peut sortir gagnant, si ce n'est immédiatement, à la fin d'un lent détricotage des réformes mises en œuvre. L'écart entre l'esprit du CNR de 1945 et l'esprit néolibéraliste se réduit de jour en jour coomme peau de chagrin.
p.167: Un aveu d'impuissance.  Les citoyens prennent conscience qu’il existe une fascination collective pour le mythe rationnel, cette construction abstraite et symbolique qui est comme le nœud et le pivot de notre ego collectif répressif inconscient. Cette « science économique » est, en effet, une conséquence logique de la rationalité moderne, mais aussi de la volonté patriarcale millénaire d’emprise et de domination sur la nature, sur les femmes et sur nos propres corps. Or, cette abstraction rationnelle et scientifique se révèle incapable de veiller au bien commun social et écologique global.    Les postmonétaires peuvent prendre cette phrase à la lettre, mis à part qu'ils mettent sous le mot pivot le système monétaire autour duquel tout tourne et gravite. Faute de l'avoir fait, les autres anticapitalistes se noient dans des imprécisions et dans des constructions ayant l'air postmodernes, mais reproduisent à terme les présupposés issus des mythologies de l'Antiquité.
p.168: Nous nous retrouvons donc véritablement entre deux plaques tectoniques… avec tous les dangers d’explosion volcanique qui sont inhérents à ce type de lieux. La métaphore est belle. Nous commençons en effet à subir les effets des deux plaques tectoniques, celle du capitalisme et une autre encore balbutiante et fort peu analysée. Nous sommes assis sur un volcan "collapsologique, qu'on le veuille ou non. Ceci contredit largement l'idée qui va suivre et qui se raccroche désespérément à la branche au trois quart sciée qui porte le nom d'Union européenne! Conclusion, nous ne sommes pas sortis du système de la royauté en substituant un roi à un autre. Ou pour le dire autrement, ce n'est pas en améliorant la bougie que l'on a inventé l'électricité! A la conception qui a prévalue à la construction européenne nous devons substituer une autre forme de construction, une autre conception. Jamais la théorie actuelle de la relativité n'aurait émergé sans qu'Einstein, au préalable, se soit démarqué de la physique newtonienne. Jamais Copernic n'aurait produit une nouvelle cosmogonie sans s'opposer frontalement au mythe biblique de la création. Aucun des Pères de l'Europe n'étaient critiques vis-à-vis du capitalisme et de ses catégories fondamentales, quelles qu'aient été leurs louables intentions. Repartir sur les mêmes bases c'est revenir au même, désastres, hubris et effondrement compris! Une alter-Europe est aussi peu réaliste qu'un altercapitalisme, qu'une monnaie sociale, qu'un commerce équitable, qu'une écologie marchande!         
p.170: C'est toutefois l’ensemble du monde qui gagnerait à ce que l’Europe analyse, mette en lumière et soumette à la question les structures implicites de la modernité : jugements de valeur, institutions politiques, manières de penser, manières de concevoir la raison, la vie et la mort, la sexualité, le plaisir, l’amour, la spiritualité, le temps et l’espace, le pouvoir et l’argent.
Si on avait demandé à Louis XVI de bien vouloir se décapiter lui-même nous serions encore dans une royauté. Si on demande au club de Davos d'imaginer un monde meilleur, on aboutit à l'étonnant texte d'Ida Auken qui imagine un monde de riches dans des villes de gratuité et de bien-être, à côté de bourgs arriérés, peuplés d'humains superflus… (Voir le texte et commentaires dans la médiathèque). Demander une Europe "transmoderne" est aussi utopique que de demander à Emmanuel Macron de préserver les Services publics, à Elon Musk de sauver les insectes polinisateurs, à Trump d'accueillir les migrants d'Amérique latine, à la carpe de devenir lapin!
p.172: L’Europe a inventé une structure politique non identifiée que les plus grands spécialistes, politologues ou juristes, peinent à identifier. Une chose est sûre : ce n’est pas un État moderne. C'est en effet un État prémoderne qui rechigne à accepter la modernité et rechignera encore plus à envisager la postmodernité.
      Autre rupture par rapport à l'État classique, ce n’est plus le sang versé par les citoyens pour défendre et sauver la patrie qui cimente l’identité et l’appartenance à l’Union. Quoique…! La belle unanimité des "citoyens" européens pour courir au secours du dictateur de série B ukrainien, provoquant ainsi une guerre qui dure depuis le         24 février 2022, soit deux ans et dix jours au moment où j'écris ce commentaire, a fait couler beaucoup de sang d'un côté comme de l'autre. L'Europe aurait pu faire un autre choix: s'opposer aux provocations des USA et de l'OTAN vis-à-vis de la Russie, refuser de financer et de fournir en armes ce gouvernement dont on peine à voir s'il est démocrate ou fascisant… Sans notre dépendance aux USA et notre soumission à ses tendances hégémoniques, la Russie aurait pu être dans l'Europe, ce qui culturellement semble plus logique.
p.175: « Les citoyens européens ne parviendront pas à s’identifier à un marché. Si dans les dix ans qui viennent, nous ne parvenons pas à donner une âme à l’Europe, nous aurons perdu la partie ! » Quand Marc Luyckx cite ainsi Jacques Delors, c'est qu'il rêve encore d'une Europe fédéral à l'américaine, où nous serions tous Européens et non plus Français, Allemand ou Grec. L'Europe a déjà échoué à se transformer en Nation autant qu'en marché unique. C'est la preuve par A+B que le projet européen a été conçu sur des bases dépassées avant même d'avoir été définit par ses traités. D'ailleurs son dernier traité a été rejeté en bloc par les citoyens français et hollandais, puis "démocratiquement" adopté par les Chambres de ces deux pays puisque les peuples n'en voulaient pas… Une telle situation devrait être impossible dans une société postmonétaire telle que nous l'imaginons…   
p.176: Plutôt que de critiquer la politique hégémonique des États-Unis, l'Union pourrait prendre progressivement conscience qu'elle dispose d'une une taille démographique et économique supérieure à ce pays et, dès lors, commencer à assumer des responsabilités en tant que puissance. Il se trouve qu'aujourd'hui, l'Europe est un petit coin de parole par rapport aux USA, à la Chine et à l'ensemble BRICS, et qu'elle n'a plus aucune capacité à réenchanter le monde. Avec un PIB global de 15, 9 milliards d'€ en 2022, l'UE est loin d'être en position hégémonique, même au niveau des idées.
p.178: A l'évidence, la loi du profit et la logique du marché ne semblent plus suffisantes pour déterminer une politique agricole mondiale tenable à long terme. En ce domaine aussi, il faut renouer avec le sens afin de rendre aux agriculteurs la fierté de leur travail et du service qu’ils rendent à la collectivité et à la nature, tout en assurant un volume de production suffisant. L'ensemble des paysans européens se soulèvent aujourd'hui pour dénoncer la politique agricole commune qui tue l'agriculture et les petits paysans au profit de l'agroalimentaire. Même là-dessus, l'UE est en retard d'un train!          

Conclusion: Ce livre mérite d'être lu d'une part pour l'analyse qu'il dresse de l'économie libérale et d'autre part pour les arguments dont il use pour défendre un "autre monde" plus respectueux des humains et de leur environnement. Involontairement, il nous fournit quantités d'éléments argumentaires pour réfléchir à cette idée de passage d'un monde moderne à un monde postmoderne, donc a fortiori pour un monde sans argent…