La société réseau, Davy Hoyau

La société réseau, Davy Hoyau

Editions Indépendently publishes 2017, 224 pages

Hoyau.jpeg J'ai rédigé un long commentaire de ce livre, plus pour les questions qu'il pose que pour les réponses qu'il propose. Chaque phrase citée en noir mérite un long débat. C'est ce qui fait de cette lecture, à la fois l'intérêt et les limites.

4ème de couverture: Le système social actuel n’est ni un système, ni social, ni vraiment actuel puisque ce n’est qu’une sédimentation de principes archaïques, faite de trônes, pouvoir, hiérarchies, conquêtes, dépossession… L’argent est synonyme de privation, la valeur des biens n’est qu’illusoire, et le principe du commerce transforme la nature en déchets. Il n’y a rien de rationnel. Un vrai bond évolutif aura eu lieu quand la civilisation sera définie comme un réseau fonctionnel, coopératif, proactif, libre, muni du pouvoir de contrôler son propre destin, et soucieux de tendre vers l’harmonie. Cette révolution consistera en une urbanisation systémique, qui vise l’optimisation et un gain providentiel de performance, grâce à des principes simples et fondateurs, qui résolvent des pans entiers de problèmes de façon générique, et s’articulent ensemble en formant un système fonctionnel, viable et pérenne. Les principes fondateurs d’une société-réseau sont une gestion publique des ressources, un droit des systèmes sociaux, un mécanisme de la valeur, et la correcte identification des besoins que permet la gratuité.

Cette quatrième de couverture est quasiment postmonétaire contrairement au texte. Pourtant, elle est certainement écrite par l'auteur, puisqu'éditée à compte d'auteur via "Independently Publishes". C'est ce qui m'a décidé à classer cet auteur dans la catégorie "du pas suspendu de la cigogne".     

                « La Société-Réseau » apporte des solutions originales à des problèmes complexes, et permet de visiter les rouages d’un monde imaginaire et fabuleux, prolifique et pacifique, et qui est à portée de mains…

Extraits commentés:

p.16: "Un système est un réseau, comme une montre ou une radio: un ensemble de composants liés les uns aux autres. Les activités entre composants sont simples, compréhensible  et prévisibles, l'ensemble du système-réseau est plus mystérieux… Les tenseurs qui font le réseau social sont la hiérarchie, le respect d'un contrat, la confiance, la générosité, la compassion… La radio-réseau ne fonctionne que si ses éléments ne sont pas structurés de façon rationnelle. Elle produit du son ou ne sert strictement à rien si l'un des éléments coupe le lien qui le relie aux autres."
Quand nous parlons des systèmes marchands, monétaires, politiques, c'est exactement ce qui se passe et cela annonce une fragilité structurelle de tels systèmes complexes. La machine sociale peut s'enrayer à tout moment à partir de la défaillance du plus anodin de ses composants (de l'électricité ou de l'informatique dépend l'ensemble), autant que par une conjonction de défaillances (une pénurie de cuivre, une crise politique, un déficit budgétaire…), d'un effet domino entre les composants (une pénurie d'eau entrainant des problèmes sanitaires, entraînant une pénurie de personnel etc.)… La première conclusion c'est qu'un effondrement du système est imprévisible, potentiellement brutal et nous mettrait dans l'incapacité de réguler tous les dominos en même temps. L'anticiper est donc la moindre des choses, croire qu'on trouvera toujours des solutions, la pire des options.
p.17: "Avec les mêmes composants, mais un ordonnancement différend, il est possible de produire une émergence qualitativement bien meilleure."    Aie! L'auteur répond, quelques paragraphes plus loin, à mon objection. Si l'ensemble du système se met à dysfonctionner, il est possible de le reconstituer autrement sans changer tous les composants. C'est ce que l'on entend à chaque élection et pour chaque candidat, pour la fonction de maire à celle de la présidence. On voit bien que cela ne fonctionne pas me mettant en perspective les programmes politiques de ces cinquante dernières années et la dégradation du système global…
p.18: Ouf, l'auteur se ravise: "Bien souvent, les idées nouvelles sensées sauver le monde ne vont consister qu'en une seule proposition, sans remettre en cause l'essentiel et finissent absorbées par le système-argent, dans lequel ces innovations se dissolvent. C'est pour se hisser à une échelle révolutionnaire qu'il faut penser le monde en terme de réseau."    Si Davy Hoyau cherche à se hisser à une échelle révolutionnaire, c'est qu'il ne croit pas trop à "l'ordonnancement différent du système"!...
p.21: "Un réseau, contrairement à un système, a une identité, des pratiques et surtout des utilisateurs."  […]  "C'est en pensant en terme de logiciel clairement dissocié de l'humanité qu'on a le plus de chance de produire un résultat qui, non seulement n'aura pas le fâcheuse tendance à vouloir plier les volontés à son fonctionnement, mais au contraire leur donnera une liberté, réelle et évolutive."
p.24: "De la même manière que le système-argent s'appuie sur l'irrationalité de la valeur pour pouvoir procéder à une rationalisation de la gestion, nous, en ajoutant un grain de complexité à cela, ne faisons que repousser l'endroit où se positionne l'irrationalité. On essaie de gagner du temps sur le néant et l'inconnu dans lequel on baigne."
p.26: Notre problème se situe à un niveau plus profond de cette construction invraisemblable qu'est le système actuel (le capitalisme] qui mène le monde à la ruine… […] système fondé sur "le droit de posséder" qui induit celui d'échange, la liberté de contrat, et en second l'utilisation d'une monnaie d'équivalence avec les produits. […] Les possédant prêtent, louent leur argent. L'exception devient la règle et tout l'argent qui circule devient location de ce qui n'est qu'un produit de consommation à part entière (l'argent). C'est uniquement parce que nous n'avons pas fait les bons choix que nous avons des problèmes. La communauté de biens est beaucoup plus pertinente et efficace que le capitalisme.
p.28: la valeur: Un simple terme dialectique qui relate le coût, l'estime, le besoin, la rareté et un pourcentage inconnu réservé au bénéfice. C'est un mécanisme qui incline les gens à se mettre d'accord sur un prix. (il n'y a pas d'étalon et ne peut y en avoir, rien ne l'empêche de devenir délirant). Le prix à lui seul ne garanti aucune valeur. Le prix est toujours le plus élevé possible. Quand une pub parle du "prix le plus bas", c'est seulement par rapport à la concurrence. Un T-shirt peut coûter 10 centimes à la production et être vendu 100€. La tendance logique est de celle du prix maximum pour la qualité la plus basse possible. Peu importe la valeur de l'objet de transaction, si elle emploie des esclaves ou dévaste des écosystèmes.
      C'est bien sur ce principe qu'à la COP 29 à Bakou (Azerbaïdjan) le 11 novembre 2024, il sera question d'argent (de profits et de coûts) bien plus que d'environnement. Note: Azerbaïdjan en perse, signifie "feu sacré"!  Logique pour un pays majeur au niveau mondial dans l'exportation d'hydrocarbures…
p.29: l'argent c'est une équivalence qui permet d'opérer des trocs multi-réciproques. La seule chose qui soit réellement gratuite c'est la ressource naturelle (pétrole, eau, pomme…). Dans la chaine de production consommation, la prise au tas dans la nature et les déchets en sortie ne sont pas comptabilisés. Seuls l'exploitation, la production, la consommation ont besoin de l'argent. En résumé, la finalité de la valeur est dans son acception économique consiste à créer de la valeur où il n'y en a pas et d'en ôter à ce qui en a véritablement.
p.31: En gros, le primitif qui a pondu la légende de "la main invisible du marché" a laissé un grand impact dans la mémoire culturelle. Il a touché sans le savoir une loi des systèmes qui est transcendante… […] Tant que les moyens d'agir sont motivés par le profit d'argent, alors, même les projets destructeurs sont avalisés avec entrain.
p.33: Pour évoquer le vrai fondement du capitalisme on parle d'argent et de propriété privée, mais jamais du pire et du plus central, le commerce. C'est lui qui englobe tout.
p.33: Le commerce est la pire avidité qui puisse être. Il n'y a pas d'égalité entre le vendeur et l'acheteur, seulement de l'intéressement à profiter de lui. Dans une transaction il y a forcément une rivalité, même si les prix sont solidement fixés. En général on ne peut que les subir.  Conditionner la distribution d'un bien vital à des motifs intéressés, cela revient à de la torture, finalement.[…] Et pourtant, le consommateur n'est-il pas coresponsable des crimes cachés derrière le produit qu'il consomme? Il ne s'agit donc pas de rivaliser contre les dispositions du libre échange, mais de rivaliser contre le fait même de pratiquer le commerce, c’est-à-dire de tirer profit du travail des autres, de leur détresse ou de leur soumission.  Sur le plan systémique, tout ce qui nous intéresse c'est de pouvoir localiser les besoins en termes de lieux et de rythme. Cette information centralisée, à elle seule vaut son pesant de cacahuètes!
p.35: Le capitalisme, c'est une tendance franche à profiter de l'ignorance des gens pour mieux leur faire les poches. Cela engendre méfiance, défiance, tensions, promesses, procès, insécurité. Voilà comment de petites causes engendrent de gros effets, là où la simple et gratuite gentillesse aurait tour réglé.
p.37: Quand deux systèmes, chacun ayant leur logique, sont en concurrence, il se passe un effet de rejet mutuel entre eux. Sur leurs frontières respectives, se jouent toutes les injustices. Et pour les résoudre, il faut gagner du terrain sur l'autre. […] Le capitalisme est en concurrence avec le système social (celui de mise en commun des ressources) qui a porté la civilisation jusqu'à la révolution industrielle. En toute logique est apparu l'État providence qui redistribue les richesses…
p.39: Les peuples se rendent de plus en plus compte de l'arnaque que constitue le capitalisme, quand des progrès indubitablement profitables pour tous sont réservés au plus petit nombre, alors qu'ils ne coûteraient rien de les multiplier, ou quand le gain de productivité amené par la robotique leur vole simplement leur travail. […] A force de vouloir s'immiscer dans la moindre activité humaine comme boire, manger, se soigner, s'instruire, le capitalisme crée une dépendance faite pour qu'on ne puisse pas s'en passer. En réalité, l'ennemi du capitalisme, c'est la gratuité, la générosité, le partage. […] La réforme du système social est inexorable. On peut la retarder, mais pas y échapper. 
L'auteur a écrit en 2012 un premier livre Je rêvais d'un autre monde" dans lequel il montrait comment le modèle économique forçait à utiliser le plastique, quitte à ce qu'il se retrouve dans les estomacs des consommateurs.  
p.41 : Dès lors qu'on s'oblige soi-même à devoir évaluer une contrepartie, une valeur, une équivalence, alors on s'oblige à entrer dans un mécanisme pernicieux qui consiste à jouer sur le symbolisme de ce qui est vendu. On croit être rationnels, et immédiatement après on se retrouve en train de nager dans le symbolisme. Historiquement, des requins aux dents longues allèrent échanger quelques caisses de whisky contre de vastes contrées. Le vendeur croyant que l'homme blanc était stupide (puisque la terre ne se vend pas et n'appartient à personne) on accepté le whisky. Mais l'acheteur s'est cru propriétaire et a bien rit des autochtones qui n'avaient aucun sens du commerce. Les indiens ont compris trop tard qu'il y avait un malentendu !... Les blancs ont perdu la raison et se sont persuadé que ce qui était légal dans leur société avait plus de valeur que la morale, l'éthique, l'intelligence. Apparemment, ils ne s'en sont pas remis...Notre société est encore obscurantiste, alors que les peuples premiers sont dans l'éthique.
p.45 : Le pouvoir, autoritaire par définition est un très bon mari pour cette vénale compagne qu'est l'argent.Les deux se sont toujours codemplétés à la perfection. C'est la clé de la domination du monde.
p.47 : Noam Chomsky a étudié comment les alternatives au capitalisme ont été phagocytées et réduites à néant, tout au long de l'histoire. Dans le secteur de l'énergie, pour le pouvoir de l'argent, peu importe la solution (nucléaire ou autre) pourvu qu'elle soit centralisée et contrôlable d'un seul endroit, de façon à donner du poids au chantage. Ils ne peuvent que régler la vitesse du bateau, pas sa direction, même au prix d'un désastre écologique. L'histoire montre que c'est dans l'hétérogénéité des solutions que se trouve le meilleur rapport écologique. Or, il ne peut y avoir de contrôle sur des systèmes hétérogènes.
p.48 : Il n'est pas besoin d'aller très loin pour voir que la paix elle-même est l'ennemi de la finance. Depuis 2015, les politiciens occultent le désastre d'une crise mondiale systémique et inéluctable. Pour faire illusion, ils font des lois, y ajoutent des amendements inacceptable. Le peuple réagit, manifeste, on abroge ces amendements, le peuple est content, la loi passe.
p.52 : Le simple principe de la « propriété privée » aura été dans l'Histoire, la plus grande cause de dépossession, des terres, des richesses naturelles, de perte de contrôle de son avenir et de sa liberté.
p.64 : La principale raison de changer de système est que nous avons besoin de traiter avec les vrais objets de l'économie, non avec leur seule « valeur ». C'est que le principe du commerce n'est pas afapté aux grands chantiers de l'humanité. Que les moyens d'agir doivent relever du Droit. Que l'organisation rationnelle de la gratuité est l'assurance pour chacun de contribuer positivement au monde. Que l'abondance pour tous est désirable. Que nous avons besoin d'avoir un véritable contrôle sur l'orientation de notre travail en direction des buts concrets à long terme. Que ces buts sont la satisfaction des besoins.Tout l'opposé des buts du capitalisme. p.69 : Si on veut refonder un système, on va immédiatement intégrer une fois pour toute les fondements de l'éthique et de la dignité humaine qu'est l'assistance sociale. Actifs et inactifs doivent se sentir fier d'appartenir au même monde, du début à la fin de sa vie. 
p.73 : Le capitalisme s'est mué en totalitarisme marchand quand les structures politiques n'ont pas eu les épaules pour supporter le poids du commerce érigé en principe. Toute organisation humaine doit bénéficier de la non ingérence des autres organisations sociales, quelle que soit leur taille. Elle dispose du droit de sa liberté de choix, de méthode, de croyances, d'idéaux.
p.74 : Toute ressource naturelle appartient au bien commun en tant que propriété internationale et n'a pas à tenir compte des frontières autres que naturelles.
p.76 : Les architectures de pouvoir actuelles ont des dizaines d'échelons intermédiaires qui se sont intercalés et ont fini par couper la tête de la réalité du sol sur lequel elles se tiennent vaguement.
Ce sont les objectifs qui doivent être hiérarchisés, pas les humains, ni même les groupes d'humains. …
p.78 : Au maximum un groupe peut rester solide jusqu'à 12 personnes. Au-delà, ne pas fragmenter les groupes revient à tous les déshumaniser. De nombreuses études ont été faites sur ce sujet et, si le nombre de 12 est effectivement une limite, passer un autre seuil (par exemple au-delà de 20) le fonctionnement du groupe change et redevient viable, jusqu'au seuil suivant. Il est généralement admis que le groupes fonctionnent bien de 1 à 3, de 4 à 12, de 18 à 30, de 50 à 150, de 300 à 500 etc. Pour les villes, si elles intègrent des subdivisions en îlots, quartiers, zones... la cité idéale serait autour de 50 000 habitants. Ce phénomène de groupe a bien été documenté sur les fratries : un enfant unique pose plus de problèmes que 2 enfants, 3 enfants plus que 4, 7 beaucoup plus que 6... Cela semble étrange et pourtant, les statistiques l'affirment et les psychologues en proposent des explications logiques...
p.82 : Au sujet des structures sociales, Davy Hoyau est parfois pertinent, parfois hors sol ! Ce n'est pas une critique, mais un avertissement : rien n'est plus complexe que de fondé des structures sociales idéales...
En général on entend que des critiques vis à vis de l'ONU, sûrement légitimes mais au fond c'est l'exemple le plus lumineux, du genre d'organisation sociale vers laquelle il faut tendre.
Pourtant, force est de reconnaître que l'ONU remplit rarement les objectifs qu'elle s'est elle-même fixés. Y a-t-il une seule guerre qui ait été empêchée grâce à l'ONU ?... Un manquement aux règles posées qui est été corrigé ?... L'ONU n'a qu'un pouvoir déclaratif et de ce fait, elle ne peut être plus satisfaisante que le plus incorrigible État parmi les 193 qu'elle ait reconnus. Et c'est normal dans un monde d'argent. L'ONU est financée par les États, les plus puissants ayant des moyens de chantage du simple fait de la part de budget qu'ils garantissent (sans parler du droit de veto qu'ils se sont accordés). Les donateurs privés ont les moyens de placer à la tête des principaux services des gens à leur botte : un magna du pétrole chargé de l'écologie, un exploiteur notoire chargé de l'Organisation Internationale du Travail, etc. Le type de structure sociale dont on se dote est essentiel, mais cette structure est tout de même impactée par le type d'économie dans laquelle elle s'inscrit. L'ONU ne remplira le rôle qu'elle est sensée assurer qu'à la condition de sortir du capitalisme et plus globalement, du système marchand et monétaire. C'est d'ailleurs ce que l'auteur explique au paragraphe suivant :
p.83 : Formatées, traumatisées, bousculées, les cultures du monde ont souffert d''un "sociocide"  sans pareil dans toute l'histoire de l'humanité depuis que le capitalisme est roi. C'est presque juste. Presque car, bien avant le capitalisme il y a eu des sociocides, ne serait-ce que par la colonisation de pays aux cultures radicalement différentes de la nôtre, que l'on a soigneusement éradiquées. Et le phénomène de colonisation a commencé très tôt, dès qu'un État est devenu assez puissant pour dominer ses voisins (voir les Mongols, les Huns, les Arabes, les Espagnols, Portugais, Français, Anglais...).
    Après un chapitre sur la démocratie trop généraliste pour être utile, l'auteur analyse « la nature de la gratuité ».

p.90-95 : La nature de la gratuité : Franchement, devoir s'assurer qu'un produit est labellisé bio pour éviter de s'intoxiquer est une preuve de l'échec du modèle économique. […] Ce qui est gratuit est ce qui n'est pas payant, ce qui n'a pas de valeur pour le système commercial. C'est presque méprisant ! […] Par sa nature de recherche de profits, le capitalisme a réussi l'exploit de faire ressembler la réalité à l'idéal qui le justifie, un monde de rareté et de pénurie. Un remake du bon, la brute et le truand... [...] L'argent, c'est le vol. Il permet la gratuité à ceux qui sont riches, l'interdit à ceux qui en ont insuffisamment. Le système s'apparente aux privilèges, il n'y a pas de justice, juste l'argent. […] Ce sont on a besoin c'est que la gratuité ne soit pas synonyme d'absence d'organisation. […] On peut même affirmer qu'une acquisition gratuite donne une vision plus précise des besoins réels. […] En se croyant responsable des choix de consommation, les gens vivent dans l'illusion d'avoir une responsabilité. Le consommateur ne peut agir ni sur le prix, ni sur la qualité, ni sur le mode de production-distribution. […] Dans la société d'argent, les gens croient ne plus rien à devoir aux autres quand ils ont payé. C'est la fin de toute solidarité possible... 
p.96 : Un État se comporte comme une propriété privée, sur le modèle des château-forts du Moyen-âge. Cela mène à quoi, sinon à une planète à vendre ?... Remettre en cause la propriété privée c'est remettre en cause le principe de nation et de frontière...
p.97 : Je me demande comment le modèle alternatif que je propose pourrait résoudre le conflit israélo-palestinien. La solution à trois États ? Ce serait une fédération gérant en commun les ressources et les règlements permettant la cohabitation. Un état donc à deux citoyennetés et une règle commune, décidé par autodétermination sans réelles frontières.  Un rêve après 50 ans de guerre et plusieurs génocides !... Ce fut le rêve de Camus à propos de l'Algérie. Huit ans de guerre a rendu ce rêve impossible. Deux États serait pour l'instant un progrès ! En outre, tant qu'il y aura de l'argent en circulation, la parcellisation du territoire isrëlo-palestinien serait un véritable patchwork avec des conflits d'intérêts financiers incessants !
p.102 : Le plus important c'est que nous parlons de changer de système, et que ça implique un changement de structure étatique, un passage du national au mondial. Et seule l'autonomie rend cela possible... *    L'autonomie , c'est très logiquement la pénurie de quelque chose d'essentiel. Rares sont les États qui peuvent y arriver, et encore. S'il y a une chance de réussir ce n'est pas dans l'autonomie des nations mais dans leur coopération, dans l'entraide, ce qui n'est pensable qu'en abolissant l'argent, chose que l'auteur n'a pas encore dit clairement, même quand il prône la gratuité...

p.106 : Et l'enjeu de la recherche d'un modèle viable étant de trouver un milieu entre tout privatiser et tout nationaliser, la question devrait plutôt devenir "tout orchestrer". L'auteur semble prôner alors un gouvernement central, mondial. Il y a beaucoup de chance pour que ce gouvernement se retrouve dans les mêmes problèmes que tous les États fédéraux d'importance, la guerre perpétuelle entre État mondial et État nation. « Too big to fail » disent les banquiers, « too big to be reliable » dirais-je ! Autant il me semble possible de créer des comités de conciliation pour régler des différents internationaux (non permanent mais constitués à la demande sur mandat impératif et révocable), autant je me méfierais d'un gouvernement mondial, si loin de la base qu'il en serait inaudible.

p.108 : Les transactions sociales : Dans une foule, il y a A., B.,C ., et leurs amis. B. veut le tracteur de A. dont il n'a pas l'usage. On peut comprendre que A ne se sert pas du tracteur qui est dans sa grange mais ne veut pas le céder de peur de ne plus l'avoir le jour où il en aura besoin. B. cherche un tracteur et réclame celui A qui en fait un « mésusage ». Et là, l'auteur suggère ce que je réclamais plus haut, la constitution d'un comité de conciliation neutre qui va juger de la situation et décider de l'usage du tracteur. C'est faisable, mais pour limiter la lourdeur et le temps perdu dans des controverses à rallonge, le mieux est de prévoir un dépôt de tracteurs gérés par la communauté, entretenu par des bénévoles fans de mécanique et dans lequel n'importe qui ayant besoin d'un tracteur pour un temps déterminé pourra piocher. Même un agriculteur n'utilise pas son tracteur 24h sur 24 et 365 jours par an. Ce système diminuerait le parc de tracteur d'une part non négligeable... Mais à la page suivante, l'auteur n'est pas loin de proposer cette solution. Il ne reste plus qu'à la redéfinir soigneusement, l'adapter au tracteur, à la voiture, mais aussi à n'importe quel outil (une perceuse non professionnelle sert en moyenne moins d'un quart d'heure sur toute la durée de son existence !). Un vrai gâchis écologique, de ressources, de travail, d'argent...) Si on cherche l'accès, pourquoi s'embêter avec des transactions ! On se demande bien pourquoi l'auteur en parle tout en prônant l'abolition du commerce sur la même page. Sans doute est-ce l'illustration des biais cognitifs inculqués par le capitalisme et qui empêchent de penser société a-monétaire. Le même travers se retrouve au chapitre suivant sur le Droit.

p.120 : Le "dégagement", c'est l'art qui consiste à résoudre un problème en se positionnant à l'extérieur de son cadre d'analyse. C'est tout le problème de l'auteur qui bâtit sa société post-monétaire avec le vocabulaire issu du monde monétaire. Il fait pourtant une critique du mercantilisme dominant assez acerbe mais juste. Juste après, il constate que 50% des humains sont inactifs et les 50% restants doivent travailler pour deux bien que les salaires restent individualisés...
p.123 : Les crises systémiques convergent les unes vers les autres jusqu'à ce que leur collision prenne forme d'un effondrement systémique et qu'on comprenne la leçon : la nécessité d'une régence systémique faite pour répondre aux besoins et aux aspirations des humains . Pour ce faire Davy Hoyau propose d'abolir l'impôt, d'affranchir les entreprises de leur administration comptable, de leur charge salariale et de leur but lucratif, tout étant administrées de façon centralisée par une Banque Nationale des données. Les salaires sont administrés globalement. Toutefois, il ne pense pas généraliser une telle organisation au niveau mondial et prévoit qu'il faille commencer par le local, donc s'accommoder ou s'isoler du système-argent.
p.125 : On abolit les échanges ce qui induit deux circuits parallèles en sens inverse (le bien et l'argent) et on ne s'intéresse qu'au circuit des biens. Il ne s'agit plus que de transferts... […] Le but de cette orchestration est de répondre aux besoins, de les prioriser, et de commander la production qui peut y répondre. Les transferts de propriétés seront régulés par des comités publics, libres d'être aussi nombreux et spécialisés qu'il le veulent …p.126 : La masse monétaire n'existera plus, seule sera comptabilisé la masse d'objets de transaction. L'économie, c'est la vision objective de l'état des besoins.  Et de nouveau la page suivante, l'auteur prévoit une procédure interne qui déterminera le mécanisme de la valeur. Ce mécanisme aujourd'hui fondé sur et par le le marché devient totalement obsolète pour les post-monétaires qui évacuent la valeur en même temps que l'argent. A quoi cela sert la valeur si ce sont les besoins qui sont catégorisés, s'il n'y a plus de profits, de bénéfices, de bilans comptables ? Les seules questions qui restent, c'est « y a-t-il ou n'y a -t-il pas ? « Est-ce raisonnable écologiquement, utile au plus grand nombre, compatible avec les stocks disponibles ?...»
p.130 :L'Organisation a en charge à la fois tous les salaires de tous le monde, toutes les comptabilités des unités de production, la redistribution des richesses et l'organisation de la gratuité.   Mes détracteurs me disent souvent, « sans argent comment ferez-vous pour payer les salaires ? », et je trouvais ça idiot. Je retrouve la même forme de pensée dans ce livre qui est tout ce qu'on veut sauf celui d'un idiot. C'est sans doute le résultat de quelques milliers d'usages qui crée ce genre de biais cognitifs et seul le temps (ou la nécessité vitale) pourra y remédier...
p.131 : Les crédits permettent d'estimer les biens et de faire concorder les transactions... De nouveau, on voit apparaître un problème sémantique. Le crédit monétaire a existé dès l'apparition de l'univers marchand (voir les tablettes d'argile retrouvées en Mésopotamie, vieille du 15° siècle avant notre ère et qui ne sont que des reconnaissance de dettes). En-deçà, nous n'en avons pas de preuve matérielle, mais il semblerait logique que dès le néolithique nous ayons eu des activités spécialisées (minières ou artisanales) induisant la division du travail et une forme d'échange marchand. Alors recycler le terme de crédit dans une comptabilité a-monétaire me semble un monumental piège. Quand un mot change de sens et s'incruste sur le long terme, il n'est plus possible de le réutiliser sans précaution oratoire. Qui se rappelle que le merci qu'on se balance des dizaines de fois par jour signifiait jadis je suis ton débiteur, je suis à ta merci, ma vie dépend de ton bon vouloir ! Qui se souvient que le terme de crédit vient du credo et que la croyance en un Dieu ou en l'homme qui nous fait crédit exige la plus sévère soumission ?
p.133 : [Jean, jeune diplômé,] cherche un emploi. Sur son écran, apparaît , dans l'ordre des priorités, les travaux qu, s'il les remplissaient, lui fourniraient la meilleure rémunération...         En voulant donner un exemple concret, Davy Hoyau s'enferre ! Si le diplôme donne droit à une meilleur rémunération, c'est que le moins diplômé sera moins payé, même s'il exécute des tâches d'une importance capitale pour tous mais pénibles, salissantes, répétitives, voire dégradantes. C'est l'institution de l'inégalité sociale mise en règlement sociale !!! Et c'est justement ce que les post-monétaires cherchent à rendre totalement impossible. Et cela ne peut être une simple « coquille » ou faute d'inattention puisque page 141 il ajoute : La rémunération se fait en terme d'ouverture du tuyau permettant l'augmentation du débit d'acquisition s=de marchandises, pas forcément indispensables. Elle donne droit à un niveau de priorité dans la locatiob de lieux de vacances, aux voyages, à l'usufruit de biens rares ou luxueux tels que des résidences secondaires temporaires, ou tou ce qu'on veut. C'est la création d'une nouvelle aristocratie, ploutocratie, bourgeoisie, nomenklatura, appelons-la comme on veut, mais on sait bien que la révolution sociale sera alors aussi ratée que celles de 1789 ou de 1917 !
p.148-197 : Davy Hoyau ayant posé les bases de sa société-réseau entre dans la partie technique. Je ne l'ai pas épluchée en détail n'étant pas très compétent en matière d'informatique. J'ai repéré simplement qu'il passait de la hiérarchie au réseau, ce qui est essentiel, mais peut être incomplet. J'étais resté sur une image en trois systèmes : a. Centralisé, b.décentralisé, c. en réseau distribués ou pour parler dans le jargon numérique : a. Le big data, b. la blockchain, c. l'holochain. S'il y a un avenir post-monétaire et écologique, il est à mon sens dans le troisième formule. Pourtant l'holochain ne semble pas avoir vent en poupe. Je laisse donc les spécialiste de la question analyser, débattre et trancher, tout en imaginant, pour ma part, les avantages d'une société intégralement constituée selon le schéma c 

Hoyau-schéma.jpeg

Il me semble en effet que l'informatisation en masse des données telles que prévue par Davy Hoyau est une usine à gaz qui sera facile à pervertir, qu'elle recèle un petit côté « cornucopien » inquiétant et tout autant énergivore que ce qui existe aujourd'hui. Il serait pourtant dommage de jeter l'informatique avec l'eau de la bassine capitaliste et marchande....
p.199 : Davy Hoyau s'intéresse ensuite à la satisfaction des besoins et aux moyens pour le citoyen ordinaire d'y avoir accès sur sa console personnelle. C'est louable ! Et il propose une métaphore intéressante, celle des plaques tectoniques de la terre, l'une s'enfonçant lentement sous une autre en la soulevant, l'autre dans le sens contraire, recouvrant la première . Ce schéma de la zone de subduction des deux plaques montre une phase de transition qui finit par aboutir à des tremblements de terre, des éboulements d'un côté, des élévations du sol de l'autre, puis une phase d’accalmie. C'est une bonne illustration des périodes historique. Nous sortons de l'ère moderne (plaque a) ouverte à la renaissance et entrons dans une ère post-moderne encore inconnue (plaque b). Entre les deux il y aura sans doute une ou plusieurs phases ¨collapsologiques¨ mais en aucun cas un retour en arrière. Il reste que l'auteur reste à mon sens plus inspiré par l'ère informatique que par l'ère post-monétaire et la gratuité. Je l'ai donc laissé dans la catégorie du « pas suspendu de la cigogne », mais presque à regret. Je ne doute pas qu'un jour nous nous rejoindrons, nous en surveillant ses erreurs sémantiques, et lui nous apportant son expertise informatique....