L'illusion de la finance verte, Alain Grandjean & Julien Lefournier
Editions de l'Atelier, 2021, 248 pages
Alain Grandjean et Julien Lefournier interrogent la promesse et les mécanismes de la finance verte en mettant en lumière l'impasse derrière les illusions. Les marchés financiers livrés à eux-mêmes ne peuvent pas nous sauver du désastre écologique. « Plus ça change, plus c'est la même chose », nous montrent finalement les auteurs en se situant délibérément à l'intérieur du paradigme financier.
Commentaire de Gaël Giraud: Cet économiste de renom, à la moralité irréprochable (il est en même temps jésuite) a préfacé ce livre:
"À l’image de ces entreprises qui se sont mises au « vert », au « durable » ou à l’« écoresponsable » de manière superficielle, ne fait-elle pas qu’exploiter un nouveau filon ? Une grande variété d’acteurs et d’observateurs ont l’intuition que le récit proposé par la finance verte ne colle pas à la réalité, mais le fonctionnement des marchés financiers est opaque et mal connu. Alain Grandjean et Julien Lefournier interrogent la promesse et les mécanismes de la finance verte en mettant en lumière l’impasse derrière les illusions. Les marchés financiers livrés à eux-mêmes ne peuvent pas nous sauver du désastre écologique. « Ce livre a vocation à devenir un phare dans le brouillard et la confusion constamment entretenus autour des marchés financiers et de l’écologie »
Les deux auteurs, Alain Grandjean et Julien Lefournier, sont deux économistes de haut vol. D’une façon totalement étonnante, ils nous démontrent l’impasse de l’argent et n’en tirent pas la conclusion qui s’impose. En résumé, ils nous disent que les acteurs économiques ne peuvent faire autrement que de maximiser les profits. C’est le paradigme du risque-rendement… qu’ils nomment responsabilité fiduciaire et dont on ne peut sortir sans remettre en cause tout le système. Qu’est-ce qu’ils causent bien ces économistes !
Ils interrogent la promesse et les mécanismes de la finance verte en mettant en lumière l'impasse derrière les illusions. Les marchés financiers livrés à eux-mêmes ne peuvent pas nous sauver du désastre écologique. « Plus ça change, plus c'est la même chose », nous montrent finalement les auteurs en se situant délibérément à l'intérieur du paradigme financier. Cela découle d'une impasse logique qui oppose la transition écologique qui nécessite un surcoût et les aspirations sociales, qui exigent une baisse des coûts. Ils nous démontrent que le slogan sur l’alliance écologistes-Gilets jaunes, "fin du monde, fin du mois, même combat", ne peut avoir de sens dans un cadre monétaire et marchand. Bravo ! Les postmonétaires n'auraient pas dit mieux…
Alain Grandjean est polytechnicien, docteur en économie de l’environnement, associé au cabinet conseil Carbone 4 et fait partie du Conseil économique pour le développement durable auprès du Ministère de l’écologie. Julien Lefournier est diplômé de l’école des Mines de Paris, travaille depuis vingt ans sur les marchés financiers et s’est spécialisé dans la finance verte…Nous pouvons donc faire confiance à ces deux économistes quand ils nous disent qu'il ne faut rien attendre de bon tant que nous serons dans ce cadre monétaire.
La question qui se pose alors aux Postmonétaires, c'est de comprendre comment, avec de telles compétences et le constat de telles contradictions internes, on peut en arriver à éviter de penser à la fin du régime marchand, de l'argent, de la politique que cela sous-tend.
Gaël Giraud explique que la finance verte a été lancée par les théoriciens du libéralisme, pour déplacer les enjeux environnementaux sur le terrain de la communication. Cette stratégie a complètement désorienté à la fois les critiques classiques du capitalisme (des réformes vont suffire) et les écologistes (les politiques vont peut-être finir par nous écouter). Si Giraud a accepté de préfacer ce livre, c'est parce qu'il fait la démonstration que la finance n'est pas verte et ne pourra pas l'être. Cette stratégie n'a pas d'autre but de faire croire que l'on peut de nouveau faire confiance dans la banque. Les banques ont compris qu'aller trop vite dans la transition écologique signait l'arrêt de mort de leur propre business-système. Et comme elles ne veulent pas changer de modèle, elles sont condamnées au green-washing!
La seule issue est de préparer une société post-monétaire avec suffisamment de rigueur et d’attractivité pour qu’elle soit immédiatement réalisable au lendemain de l’effondrement. La tâche est rude quand on voit ces deux auteurs se garder soigneusement de tirer les conclusions qui s'imposent. Je les ai toutefois cléssé dans la catégorie "du pas suspendu de la cigogne" car, avec de telles compétences et un tel sens critique, nul doute qu'un jour ou l'autre ils sauteront le pas!