Une révolution politique, poétique et philosophique , Aurélien Barrau

Editions Zulma, 2022, 31 p.

Barrau.jpegSeulement 31 pages pour dire autant de choses, cela mérite bien une heure ou deux pour le lire attentivement. Il n'y a que des faits bruts et indiscutables, suivis de réflexions pour le moins" utiles". Pour être sûr que ce livret n'échappe pas au plus grand nombre, je l'ai réduit à 4 pages, en espérant que la "traduction" ne soit pas une "trahison" mais qu'elle incite à recourir à l'original.                

                « L'idée d'un effondrement est correcte. Nous sommes en plein dedans! Nous avons éradiqué  -sur des échelles de temps différentes- plus de la moitié des mammifères sauvages, des poissons, des insectes et des arbres. C'est fait. Chaque année, 800 000 personnes meurent de la pollution en Europe et un rapport récent évoque une cause environnementale pour un nombre voisin de décès annuels dans le bassin méditerranéen.  Le discours catastrophique nbarrau_0b56b.jpge relève pas d'une crainte pour l'avenir mais d'un constat quant au présent. Il s'agit d'une réalité qu'on pourrait dire factuelle. » Difficile, alors, de ne pas penser qu'un autre système, résilient et non destructeur, est non seulement nécessaire mais urgemment!

                «Ce courant de pensée [la collapsologie] ne doit simplement pas être confondu avec sa caricature annonçant la disparition imminente de l'espèce humaine. Préparer la chute de la civilisation thermo-industrielle fait sens! »    Si la situation semble dramatique, il ne faudrait pas qu'elle nous conduise à la tétanisation. Il reste des choses à faire, à imaginer, à construire. Tout le monde a droit de se tromper et l'on veut bien admettre que la thèse postmonétaire est une erreur, mais alors trouvez-en une autre aussi radicale et globale! 

                «Ce n'est pas l'effondrement  en temps que tel qui serait dystopique : un effondrement différentiel pourrait être parfaitement acceptable, et sauver le "monde tel qu'il est", avec ses injustices délirantes et son architecture néocoloniale, ne me semble pas particulièrement souhaitable. Le problème tient à ce qu'il est possible que les structures de solidarité s'effondrent plus vite et plus fort que les schèmes de prédation. De toute façon, la situation actuelle ne peut physiquement pas perdurer… »   On se demande vraiment pourquoi Aurélien Barrau se refuse à donner ouvertement quelques clefs de compréhension d'un monde possible autant que souhaitable, fondé sur la solidarité plutôt que sur la prédation. 

                «Les "petits gestes" et autres "initiatives individuelles" sont certainement bienvenus. Mais un problème systémique ne peut avoir de solution que systémique. Dans un jeu où nous sommes sûrs de perdre, il n'est pas utile de faire un bon coup, il faut changer les règles. Le reste relève du détail ou du "cache-misère"…» A défaut d'un discours clairement postmonétaire, voilà au moins deux scientifiques qui posent le problème en termes systémiques, Barrau et Arthur Keller. Les "alternatives classiques" font partie du système et doivent a minima être d'urgence revisitées.   

                « Le champ lexical importe. Je suis las de l'emploi quasi systématique de termes édulcorés pour désigner des drames majeurs tandis qu'une diabolisation immodérée de toute subversion se déploie parallèlement (migrants pour réfugiés par exemple). Le concept "d'anéantissement biologique global" émane de chercheurs spécialistes […] L'espèce humaine n'est ni plus ni moins singulière que chaque autre espèce. Il ne fait aucun doute que du point de vue des poissons, les pieuvres sont tout à fait singulières! Dans ce cas, voir et comprendre la continuité entre vivants relève de la rigueur et de l'humilité…» Changer de type de société, abolir un paradigme aussi central que l'argent, nécessite une recherche lexical qui actualise le sens de certains mots (banque, crédit…), en range d'autres au rayon des antiquités (mafia, monnaie…), en invente des nouveaux…    

                 « Le retournement nécessaire ne passera pas par les structures politiques usuelles. Moins encore par les réseaux  sociaux ou les ouvrages -pullulant ces derniers temps!- où la narration de l'anecdote personnelle s'exhibe en lieu et place d'une analyse théorique approfondie. Il va falloir être enfin un peu sérieux, audacieux, séditieux. Si la direction ne change pas, le chemin suivi importe peu. » Il faudra surtout que s'instaure une réflexion transversale ne négligeant aucun champs de connaissance ni aucune forme sociale. L'élite intellectuelle a autant besoin de la société civile ordinaire, que l'inverse et quel que soit les niveaux de culture ou de pratiques professionnelles… 

                 « Même si les cadres s'évertuent à nous le faire oublier, ce que nous avons élaboré est contingent. Tout pourrait être autre. Nous ne sommes pas obligés de faire ce que nous faisons. Nous donnons des pouvoirs immenses à des dirigeants, certes éduqués et raffinés, celui de perpétuer -avec distinction et savoir-vivre- un système d'aliénation et d'exploitation mortifère…Nous serions des Sisyphe condamnés à rouler sans fin la pierre du consumérisme. Ça n'a aucun sens. De même, il existerait des "réalités économiques". C'est faux. Il ne s'agit que de conventions, très aisément déconstructibles. Nous ne pouvons plus nous permettre le luxe du sentiment d'innocence dans la culpabilité. Notre génération est celle d'un "crime contre l'avenir"...» C'est le problème de toute révolution "copernicienne" qui exige un niveau d'élaboration et de conceptualisation, sans lequel la révolution n'est guère possible…, à moins que les humains y soient contraints par les événements et dans l'urgence extrême…

                «… Il ne faut pas renoncer à la croissance, il faut la redéfinir. Il y a quelque chose de profondément débile à nommer croissance une éradication systématique de la vie sur Terre. L'amour, la créativité, l'entraide, la connaissance, les explorations artistiques et scientifiques peuvent évidemment croître. Elles le doivent. Mais la production délirante d'objets inutiles, devenue une fin et non plus un moyen, doit être nommée pour ce qu'elle est: une maladie. S'il faut la nommer croissance, alors voyons-la comme une croissance tumorale. » Ce qui nécessite d'entraîner une majorité dans l'élaboration des questions fondamentale (que faisons-nous? Pour quoi? Pour qui? Comment? A quel prix? Dans quel cadre? Qu'acceptons-nous de perdre d'un côté et d'innover de l'autre?...). Et ce avant toute recherche de "solutions".

                «Que les délinquants en costume osent qualifier de "progrès" le délire techno-nihiliste qui consiste à attendre le bus en parcourant son mur Facebook et sa galerie Instagram à proximité d'une poubelle connectée alors même que les chants d'oiseaux ont presque disparu et que lire devient une quasi-anomalie relève de l'aliénation. L'enjeu n'est pas de se restreindre: il consiste à s'interroger sur ce qui est désirable et à s'enivrer, sans réserve, de nouveaux enchantements. On arrête tout, on réfléchit et ce n'est pas triste! Les bouffons ne sont pas ceux qu'on croit! »    Mais les bouffons ont parfois pignon sur rue et ne seront pas facile à déplacer dans des secteurs où ils n'auront pas les moyens de nuire… 

                «La question de fond est simple : ce monde mérite-il d'être sauvé? S'il s'agit de se poser en gardien de la société telle qu'elle est, la réponse est négative. Le défit consiste à fonder un autre monde, à empêcher ce monde-ci de fonctionner sans quoi aucune révolution ne peut advenir. Il est temps de désenchanter Prométhée et qu'un nouvel Eschyle conte sa connivence secrète avec l'aigle caucasien…»[1] Et pour l'instant Prométhée à de nombreux "followers", l'Eschyle postmonétaire est bien seul!....

                «Qu'il soit possible de sereinement considérer que la mort de millions d'espèces et de milliards de milliards d'individus sensibles soit sans importance parce que quelques ultra-riches sans scrupules  pourraient s'en sortir, dépasse littéralement mon entendement. Musk et Bezos sont les exemples archétypaux de voyous nuisibles, cyniques et dangereux. Ils parviennent à maculer le dernier refuge que l'on pensait encore sacré et intouchable: le ciel nocturne et sa sidérante beauté… » Heureusement, les Musk et Bezos sont des colosses aux pieds d'argile, aussi proches de leurs chute que le cadre capitaliste qui les a produits…

                «Le climat n'est qu'un petit aspect du problème. Même sans le moindre degré d'élévation de température nous demeurerions dans la sixième extinction massive de la vie sur Terre. Sauver le climat sans revoir totalement nos valeurs et notre manière d'habiter l'espace n'aurait aucun intérêt. Disposer d'une source d'énergie inépuisable et propre -par exemple avec la fusion nucléaire (projet ITER)- constituerait la pire catastrophe possible, le coup de grâce. Le seul problème réside dans ce que nous faisons de l'énergie, pas dans son origine. Que la forêt soit détruite avec une énergie propre (des bulldozers et des tronçonneuses électriques) ou non est secondaire si elle est in fine rasée. Tant qu'un parking  construit en lieu et place d'un espace gorgé de vie sera un progrès, le bilan carbone n'aura guère d'importance…  » Ce qui rejoint l'idée précédente que les questions sont plus importantes que les solutions, ou toutefois, le préalable à tout le reste. Un problème insoluble vient si souvent d'une question mal posée!...

                « Le mot "environnement" est une horreur. Comme si la vie non humaine n'était qu'un grand parc de loisirs destinée à notre distraction…Comme si la forêt n'était qu'un organe ayant pour fonction de nous faire respirer. Elle est une large partie du monde lui-même. Il n'est pas rare que de longues discussions d'universitaires, dédiés à l'écologie, oublient purement et simplement les non-humains, les réifient, les effacent. L'idée d'un "développement durable" est scientifiquement intenable. Une croissance exponentielle relève en physique d'une "instabilité" et cela mène au crash du système considéré.» D'où ma remarque sur la sémantique et le travail sur les mots.

                « De quel développement parle-t-on? Le temps a-t-il été pris de s'interroger sur la direction que nous considérons comme méliorative. Durable ou pas, la "snapchatisation"[2] du monde est-elle vraiment un développement? Cette question n'est pas sans lien avec celle de la réversibilité: comment la mort de milliers de milliards d'êtres vivants sensibles pourrait être réversible?» Développement, progrès, réversibilité.... Les mots valises, qui peuvent prendre le sens que veut bien lui donner le lecteur, n'aide en rien à la compréhension du système aussi complexe que la civilisation... On gagnerait beaucoup à crecruter un linguiste dans l'équipe... 

                «Albert Camus a raison: Le travail sur le langage est vital. Ne serait-ce que pour décoder ce que nous dit le président Macron en intitulant son ouvrage programmatique Révolution! Nous nous sommes fait voler les mots. Ils sont dénaturés, dévoyés, mutilés. Reste le choix d'être poète (exigeant, intransigeant, exploratoire), ce que nos adversaires ne savent pas faire. A ce jeu de la vie, ils ont déjà perdu. » Aurélien est bien optimiste quand il dit que nos adversaires ne savent pas... S'ils ne sont pas poètes, ce qui reste à prouver, ce sont au moins des communiquants doués et bien formés. Ils savent dénaturer, dévoyer, mutilés les mots pour que l'on prenne nos vessies pour des lanternes... 

                «L'art a un rôle essentiel à jouer en tant que machine de guerre totale contre l'univocité du sens. Il ne s'agit plus de commenter ou de comprendre le réel : il s'agit de produire du réel ! C'est beaucoup plus important. Nous avons plus besoins d'artistes que d'ingénieurs face au désastre en cours : notre problème n'est pas technique, il est axiologique et ontologique. Il est temps de trahir l'héritage qui interdit l'ailleurs. Si la science peut évidemment aider en tant qu'outil diagnostique, elle ne peut pas, à mon sens, être au cœur de l'inchoatif[3] révolutionnaire. Réagencer entièrement le rhizome du réel est une tâche bien trop lourde pour elle. » L'axiologie, c'est la science des valeurs sociales, morales, philosophiques. L'ontologie, c'est de qui nous défini en tant qu'être, mais tout autant les éléments de la nature et les objets à qui l'on donne une signification, une description de ce qu'ils sont. Opposer artistes et ingénieurs est sans doute un peu réducteur mais il n'a pas tort. Mais utiliser des mots comme inchoatif, connus de quelques rares érudits et n'ayant pour seul synonyme ingressif, aussi peu usité, ne facilite pas la compréhension du monde...

                «Je ne suis pas convaincu par les arguments évolutionnistes. L'échec auquel nous faisons face n'est pas l'échec de l'humanité mais d'une petite part de l'humanité qui emporte beaucoup d'autres dans sa chute. D'innombrables cultures humaines ont développé des rapports au monde très différents de celui de la modernité occidentale.» Si révolution il doit y avoir, elle devra être claire sur les responsabilités, bien dégagées des conditionnements au système, comme devront être prises en compte toutes les expériences, toutes les conventions humaines ayant existé ou existant encore ailleurs, ce qui nécessite de sortir à la fois de l'égotisme, de l'anthropomorphisme et de l'occidentalocentrisme…   

                «Le nouveau mythe doit s'écrire rapidement. Dans une fulgurance qui n'est pas sans risque. Le philosophe L.L. Nancy a écrit que le mythe est le nom de cosmos se structurant en logos. Dans la mythologie grecque, Cosmos est le petit-fils de Chaos. Logos, c'est le cœur du cœur de la métaphysique occidentale. Pour le meilleur et pour le pire mais ce n'est pas le concept unique de la pensée humaine. Parfois, il me semble tout étriqué, presque mesquin ou chétif devant la Maät égyptienne[4]… » Soit, construire un nouveau mythe serait une bonne chose. Comment les Grecs anciens ont-ils procédé pour construire tant de mythes qui résistent encore au temps ?... 

                «Le mantra de la non-violence est fatigant. La question est : qu'est-ce qu'on fait de deux violences qui s'opposent? Laisser faire la violence muette ne relève-t-il pas d'une violence insidieuse plus terrible encore? Mandela a longuement expliqué qu'une stratégie pacifique ne fonctionnait que tant que l'ennemi utilisait la même approche. Que fait-on quand la violence impensée obère la liberté la plus fondamentale, celle de vivre?  » La non-violence n'a d'utilité qu'en tant qu'elle déstabilise les seuls adversaires pensant hors cadre commun. Mais le conflit restera permanent ce qui nous fait dire que la politique (au sens noble du terme), non violente ou pas reste un mode de résolution de ces conflits (au moins dans l'intention...).   

                « Qu'un système de prédation généralisée contribue à exacerber une certaine indifférence à la vie, cela semble assez évident. La crise sanitaire a révélé la caricature de l'Occidental gâté et tellement endoctriné par l'idée que "tout lui revient" que la moindre prise en compte de l'altérité lui est insupportable: archétype de l'individualisme mortifère érigé en mauvaise religion.[…] Il est beaucoup plus simple et naturel de craindre un bouleversement majeur et de s'atteler à ce que l'essentiel reste en place quand on occupe une position privilégiée dans l'architecture sociétale. Comme toujours. En revanche, la mise en place de systèmes de surveillance de masse devient extraordinairement inquiétante. Les lois françaises sur la sécurité globale et les fantasmes autour des prétendus séparatismes m'inquiètent au plus haut point. » Il est en effet évident qu'un monde uniquement fondé sur l'argent et la marchandise est par nature concurrentiel et guerrier. Pour beaucoup, il en va de leur survie que le monde soit simple, binaire, évident. S'il l'idée d'une abolition du système monétaire reste aussi rare, c'est sans doute en raison de l'argent dont l'usage est devenu totalement abusif, bien qu'aucun humain n'ait commencé même à le regarder pour ce qu'il est et non plus pour ce que des experts ont en dit... 

                « On peut grossièrement imaginer trois avenirs à court termes concernant les questions qui nous occupent ici: la continuation du scenario en cours ; une réforme substantielle ; une révolution. Le cas 1 est le plus probable. Les hypothèses 2 et 3 demeurent de pures virtualités. Le risque du scénario 1 est résumé par l'ONU: "menace existentielle directe". Le scénario 2 est plus spéculatif. Il repose sur l'espoir dépourvu de fondement, qu'un infléchissement doux des valeurs et des comportements permettrait d'éviter une instabilité globale. Ce scenario se focalise sur le maintien de la stabilité sans intégrer qu'un système puisse être parfaitement stable quoique terriblement violent. Le scenario 3 présente le risque d'une révolution qui puisse être brutale (l'Histoire ne manque pas d'exemples). Il nous laisserait néanmoins une chance, le nous étant encore à définir: les humains, les mammifères, les vivants…»    Les trois scénarios dont parle Barrau recoupent assez bien les hypothèses que les postmonétaires ont élaborées: 1° Il y a de fortes probabilités pour que le système global s'effondre sous ses propres contradictions, comme s'est effondré l'Empire Romain. Les risques majeurs s'empilent et s'alimentent mutuellement: crise financière + crise climatique + puissantes migrations + guerres + élites politiques et intellectuelles dépassées + pandémie... L'effondrement de Rome a été suivi de la longue nuit régressive du haut Moyen-âge. Le même scénario aujourd'hui provoquerait une "nuit" rapide, profonde, et incontrôlable au point de devenir une "opportunité" pour un changement radical de système, subi bien plus que choisi. 2° Le scénario d'une transition douce et progressive est certainement celui qui est le plus "souhaitable mais le moins probable. 3° La révolution est un événement qui ne se décide pas, qui est disruptif par définition. Elle nécessite de nombreuses conditions: une volonté populaire puissante, un symbole qui serve de bannière, un récit qui donne envie de s'y adonner, un affaiblissement des forces contraires et conservatrices, et enfin, un catalyseur qui la déclenche. Face à la complexité du problème et le peu de leviers qui soient à notre portée, mieux vaut envisager, comme dans toute stratégie, l'éventualité de ces trois hypothèses, ce qui pour l'instant ne semble se dessiner que dans les recherches postmonétaires…   

«Quels verrous à la bifurcation? L'illusion d'une transition en cours ; le mirage d'un miracle scientifique à venir ; la peur de l'inconnu qui l'emporte sur le confort du connu ; le sentiment d'inéluctabilité qui érode les velléités d'exploration ; l'espoir d'une erreur généralisée des scientifiques ; les tracas du moment ne permettant pas de se soucier du plus long terme ; l'excuse de l'inaction des uns cautionnant l'inaction des autres ; le "progrès" étant défini à partir du connu ; l'idée que les pays du sud semblent souhaiter légitimement accéder aux scenarios 1 ou 2 ; la catastrophe globale vue sur sa seule dimension climatique induisant des solutions d'ingénierie… »  Nous sommes en effet très loin des "lendemains qui chantent" auxquels on pouvait adhérer dans les siècles précédents. Pour ne prendre qu'un exemple particulièrement parlant, le progrès  très logiquement suivait une évolution scientifique, des découvertes technologiques, des améliorations du niveau de vie global, l'expérience concrète que nos enfants seraient mieux lotis que nous. C'est aujourd'hui l'inverse, les parents sont dans le déni, les enfants dans l'écoanxiété!... 

«L'essentiel des verrous relève d'une incapacité sociétale structurelle à intégrer la contingence des constructions et donc à envisager la possibilité même d'un autre monde. La modalité d'action la plus efficace consiste à travailler sur les symboles, les valeurs et les désirs (à ce niveau, les poètes sont bien plus efficaces que les économistes). »   Les postmonétaires ont souvent été des conteurs d'histoires, des prophètes visionnaires (voir dans l'onglet Bibliothèque, Edward Bellamy pour le social, Piotr Kropotkine pour l'écologie…)

«Le système représentatif des démocraties ne permet pas de faire face à la situation. Il est donc certainement vain de chercher une modalité pérenne et durablement saine. La démocratie directe pilotée par référendum est socialement tentante mais reste tributaire de l'incompétence et du populisme. Il semble que la voie la plus prometteuse soit celle des assemblées citoyennes, à condition qu'elles soient dotées d'un pouvoir législatif. N'ayant aucun intérêt politique à choisir des mesures démagogiques et court-termistes, formées sur le point considéré  et présentes en nombre suffisant, quelques dizaines ou centaines de personnes aléatoirement choisies se révèleraient vraisemblablement en mesure de définir les cadres. Ce temps exige plus que tout autre l'entraide et la solidarité, c'est presque une question pratique plus que morale. »     Il est quasiment impossible de créer une situation pré-révolutionnaire dans un système de démocratie représentative qui tend logiquement à confisquer la parole et le pouvoir au profit d'une petite classe aristocratique et ploutocratique. Il est quasiment impossible de renverser cette classe puissante sans un peuple éduqué et expérimenté dans la pratique démocratique directe. Le serpent se mord la queue!....

«Une question reste ouverte : un système peut-il permettre sa propre refondation en autorisant la révolution qui le récuserait? Rien n'est moins sûr.  » Rien n'est moins sûr, et c'est une raison de plus pour attaquer le système de toutes parts et de trouver un levier suffisamment puissant pour soulever cette énorme masse d'énergie statique que représente le capitalisme actuel. Le levier le plus efficace, celui qui s'appuie sur le point le plus sensible et le plus impactant, est celui de l'argent. Le bras de levier le plus long, qui donc donne le plus de puissance, est fourni par les désastres que le système crée lui-même. Penser la révolution comme la construction d'un levier est sans doute la seule issue…       

 

[1] Prométhée a donné le feu aux hommes, c’est-à-dire à la technologie. Eschyle, le dramaturge grec de l'Antiquité, a été tué par une tortue tombée du ciel du Caucase. C'est un rapace qui l'aurait laissée tomber ayant confondu, vu du haut, le crane d'Eschyle avec une pierre. 

[2] Snapchatisation: tendance à la généralisation des "snapchats": applications gratuites de partage de photo et vidéos crées par la société Snap Inc sur les mobiles.

[3] Inchoatif: forme verbale indiquant que l'action est envisagée soit dans son commencement soit dans sa progression (en- dans s'endormir, -ir dans verdir).

[4] Maât: déesse égyptienne de l'ordre, la justice et la vérité. Elle est le Ka (la reine) de Ra (le dieu soleil), son énergie vitale.