Voyage en Misarchie, Emmanuel Dockès

Edition du Détour, 2019, 560 pages

Dockès.jpegEmmanuel Dockès est professeur agrégé de droit français, spécialisé dans le droit du travail. Il enseigne à Lyon où parallèlement, il est co-fondateur de l'Université Populaire. C'est donc en juriste qu'il s'est attaqué à cette fiction, ce qui ne manque ni d'intérêt ni d'originalité. 

Sébastien, le héros du livre, est professeur de droit, se rend à Sydney pour un congrès. Son avion tombe en panne et doit atterrir d’urgence dans une zone très peu peuplée. Il quitte les rescapés pour aller chercher du secours. Il trouve une maison, une vieille femme, dans un misérable accoutrement, mais parlant français... et connectée ! Elle appelle les secours en espagnol...Sébastien a atterri en Arcanie ?!..., et en misarchie : mais que signifie miso et archos?... Un régime politique qui déteste les chefs, la domination, le pouvoir.

        Le refus de toute autorité induit un changement global de tout ce qui fait société, individuellement et collectivement. C'est le point de départ de l'auteur: une "expérience de pensée" pour imaginer une chose qui ne s'est jamais réalisée dans une société moderne. Il ne se demande pas comment c'est advenu, comment l'idée à émergée, et le voyageur n'y comprend rien. Il va découvrir, parfois horrifié, parfois enthousiasmé, que la "misarchie" est aussi évidente pour ce peuple que l'argent, la ploutocratie, la domination par l'argent l'est chez lui.
      Les Postmonétaires se sont attachés à comprendre le paradigme de l'argent, et Dockès s'est attaché au paradigme du pouvoir. Le pouvoir et l'argent sont tellement liés que ces deux points de départs apparemment opposés se rejoignent constamment. Si l'auteur ne remet pas en cause l'argent et l'intègre dans sa société idéale, il le canalise assez fortement pour que les effets pervers mécaniquement produits par le système monétaire et marchand ne puissent être envahissants. Nous avons donc grand intérêts à analyser cette vision "misarchique" pour mieux préciser notre vision "postmonétaire".Il serait intéressant de convaincre Emmanuel Dockès d'examiner notre expérience de pensée à la lumière de la sienne. Une synthèse des deux devrait être possible et serait d'une grande utilité pour la santé mentale de tous!...

pp.78-92: Le pays est divisé en associations, maximum 200 personnes sur 100 hectares, chacune avec ses règles propres. On peut changer comme on veut d’association. L’argent sous forme de billets a été supprimé mais les échanges sont réalisés par paiements électroniques gérés par une unique banque centrale.
        Il est évident qu'une société réellement démocratique, sans pourvoir oligarchique d'aucune sorte, ne peut se structurer sur le mode pyramidale, pas plus qu'une société sans argent. Dockès nous prouve par là que l'on ne peut espérer abolir l'argent sans repenser totalement l'organisation territoriale, l'urbanisme, la fonction publique, les infrastructures dont nous avons hérité à partir du XVIII° siècle avec la financiarisation généralisé de la société.
p.93: les flux financiers sont absolument transparents, mais l'internet est totalement opaque.
p.103: Sébastien est "néo-immigrant " et a droit à une bourse de subsistance pour quelques mois. Ensuite il devra s’inscrire à une bourse de travail et prendre une adhésion syndicale.
La question des "néo-immigrants" que pose ici Dockès est rarement traitée par les postmonétaires. C'est d'autant plus regrettable que les pourcentages de "néo-immigrants" risquent fort d'exploser avec les réfugiés climatiques (montée des océans et inondations), des hordes affamées par la sécheresse, la stérilisation des terres, etc.
p.109: Sébastien découvre peu à peu qu'il n'y a pas d’institutions mais des organisations, des collectivités : les associations auxquelles on adhère librement et les districts définissant un territoire (on est obligé d’appartenir à un district mais on peut déménager). On peut être exclu d’une association mais pas d’un district. Les "districts solidaires" sont des associations institutionnelles qui gèrent un commun (l’énergie, l’habitat, les routes...). Il n’y a pas d’État. La haute cour, la caisse centrale, la police sont des districts solidaires et sont indépendants, ce qui garantit l’absence de pouvoir souverain centralisé. Les responsables sont tirés au sort et contrôlés par les "comices", les assemblées populaires de districts. Il y a aussi des experts élus pour leurs compétences. Le risque du tirage au sort, c’est la démagogie ; le risque de l’élection, c’est d’éloigner l’élu de la base. Il faut donc mêler les deux.
        La question de l'État centralisé divise encore les Postmonétaires. Si Dockès supprime l'État dans sa fiction, c'est bien parce qu'il est impensable d'imaginer un État qui soit à la fois centralisé et au service du plus grand nombre. De la même façon, s'il ne peut y avoir de système monétaire sans État, il ne serait pas prudent de garder l'État après l'abolition de l'argent. Toutes les institutions centralisées devront être remises en question et vraisemblablement éclatées en unités de bases, fédérées ou associées, mais pas centralisées…
p.127: La loi et les codes sont réduits aux "fondamentaux", une centaine de règles qui s’imposent à toute l’Arcanie. Un "code supplétif", code général, précise un petit millier de règles.
      Dockès a résolu la débauche de lois et règles qui inévitablement s'accumulent en un mille-feuille totalement stérilisé par sa complexité et devient très vite une arme de pouvoir pour les experts juristes qui seuls peuvent en avoir les codes… Tôt ou tard, si l'idée d'une société postmonétaire émerge, il faudra refaire une constitution, des lois, des codes de justices adaptées. C'est un chantier immense qui réclamera des années de réflexions et de débats. Aucune société humaine ne peut se passer d'un cadre et aucun cadre ne peut survivre sans une société qui y adhère…
p.131: Rotations infantiles : les enfants sont régulièrement échangés avec d’autres familles afin de ne pas être formatés par une unique famille. Ils changent d’associations, de districts et donc de règles, de style de vie. C’est pacifiant !...
       Il est devenu banal aujourd'hui de parler de "séparatisme", de communautarisme, de "sauvageons de banlieues qui mettraient en danger la République. Dans une société sans argent, si l'on veut éviter ces "fractures sociales", il serait bon de penser des structures permettant aux enfants et aux jeunes citoyens de vivre des expériences diverses, dans des cultures hétérogènes, faute de quoi, des inévitables "séparatismes" entraîneront de la violence…
p.141: il y a des niveaux de richesses, de langues et de cultures différentes, mais pas classes sociales bien marquées. C'est pour cela que les postmonétaires ont tendance à récuser le terme d'égalité au profit de celui d'équité. Dès le départ dans la vie, il y a des inégalités physiques, intellectuelles, psychologiques. Il suffirait que ces inégalités ne soient pas compensées par des pratiques équitables pour qu'une autre forme de "lutte des classes" émerge, même sans argent.
p.190: La publicité, jugée totalement inutile, n'existe pas dans ce pays.
p.218: En cas de litige, ce qui est inévitable, il y a des avocats gratuits, pour que riches ou pauvres soient défendus de la même manière. Il en va de même pour tous les services: santé, éducation... Les écarts de revenus vont de 1 à 3 au maximum.
       S'il y a avocats et plaignants, c'est bien que l'amour généralisé, les gars du monde qui se tiennent par la main, c'est un rêve inutile et impossible. Certains postmonétaires ont été plus loin que le juriste Dockès sur ce sujet avec les "comités de conciliation", pratique exhumée de l'ancien régime monarchique et adaptée au contexte a-monétaire que l'on préconise…
p.234: La peine la plus sévère qu'un déviant puisse se voir infliger, c'est une "réprimande publique" ! C'est ce que jadis, on appelait la vergogne. Vivre "sans vergogne" c'est prendre le risque de se retrouver seul. Dans l'idée d'une société a-monétaire, il est évident que les tous besoins d'existence de base ne peuvent être garantis si un quidam se met volontairement hors du jeu commun. Enfreindre les usages, ce serait prendre le risque de la solitude absolue, d'une situation de Robinson. Cela vaut largement toutes les peines corporelles et privatives de liberté que les humains ont inventé jusqu'à maintenant…
p.235: Il y a bien quelques prisons mais peu utilisées: 10 000 personnes incarcérées pour 80 millions d’Arcaniens…
p. 239: Les Arcaniens expliquent à Sébastien que la violence de la société accroît la violence du système répressif, mais que l’inverse est aussi vrai...C'est donc un cercle vicieux dans lequel il vaut mieux ne pas entrer…
p. 244: Le système scolaire propose des matières très variées et apparemment au choix : math, philo, cuisine, musique, jeu de go... Il n'y a pas de cycles, pas d’âge limite. L'école est donc adaptée adapté au travail pour les adultes, les plus de 14 ans. Le travail, c’est 16 h par semaine. Mais jusqu’à 25 ans on est obligé d’apprendre quelque chose. Les examens de niveaux sont organisés par matière. On peut ainsi devenir prof de math à 17 ans ou avoir touché à tout jusqu’à 25 ans, reprendre d’autres études à 60 ans. Très peu de vieux arrêtent totalement les études (2 à trois heures par semaine, cela évite au cerveau de se rabougrisse.
       Sur ce point au moins, la société a-monétaire est plus judicieuse que la société misarchique. Il suffit qu'il n'y ait plus de contrainte financière, donc d'obligation d'être employable, pour que les rapports maîtres-élèves changent, que l'organisation matérielle de l'école s'adapte aux besoins individuels et pas l'inverse…
p.253: Les congés de paternité sont triples que les congés de maternité pour lutter contre le sexisme.
p.254: Le plein emploi est effectif et si des personnes sont sans emploi, c'est seulement à titre "transitionnel", entre deux métiers. Ce sont généralement des transitions courtes car le travail est utile et agréable.
p. 267: Quand Sébastien parle de la société française, elle est perçue par les Arcaniens comme un régime capitalo-despotique, croyant à des esprits régulateurs qui habitent les marchés et supermarchés et n'ont rien compris aux droits fondamentaux de l’être humain : liberté d’expression, liberté de circulation... C'est là sans doute le passage ou nos deux positions se rapprochent le plus. S'il y a pouvoir, argent et pire argent & pouvoir, il ne peut exister autre chose qu'un "capitalo-despotisme".
p.270: En Arcanie, il n'y a pas d’héritage, système jugé particulièrement barbare!
p.341: La suppression de toute "propriété comme moyen de domination" est effective. Il ne peut y avoir de propriété privé sur une chose qu’un autre utilise. En revanche, est soigneusement préservée la "propriété-moyen d’autonomie"; en tant que propriété utile, propriété d’usage. Il est expliqué à Sébastien que, tant qu’il y a des propriétés, il y a des inégalités.Et tant qu’il y a des inégalités il y a des dominations. Donc, au décès d’une personne, ses biens reviennent au "Fonds transitionnel". Une propriété ne peut durer plus longtemps que la personne. La propriété est donc réduite à un usufruit et le "Fonds" n’est pas propriétaire titulaire d’une nue-propriété. Il doit vendre aux enchères les biens dans un délai de trois mois après le décès. Des contestataires critiquent les enchères qui favorisent les plus riches et se battent pour instaurer une répartition de ces biens. Aucune société n'est parfaite, et sans cesse, il faut réajuster les règles.
       Et là, nous sommes bien d'accord, c'est bien de la propriété privée ou de la propriété d'usage dont il est question. Et la propriété héritée du droit romain, avec usus, fructus et abusus, est devenue totalement obsolète!
p.355: il y a deux sortes de propriétés : la propriété stable et la propriété fondante. La valeur d’une propriété immobilière diminue en même temps que l’espérance de vie. Le droit sur une œuvre fond en cinq ans. Si on vend sa maison, on ne peut la vendre à la valeur relative à l’espérance de vie. Si on vend la maison aux enfants avant de mourir, ceux-ci ne récupèrent que son droit de propriété limité et son droit s’éteint à sa mort et non à la leur (à moins que l’on verse une prime de prolongation au Fonds transitionnel).
      Il est curieux de voir que Dockès, faute d'imaginée l'abolition pure et simple de l'argent pour n'en conserver que l'outil de compte dématérialisé, en arrive à parler de "propriété fondante", expression généralement réservée à la monnaie. Cette idée pour autant reste intéressante puisqu'elle limite l'usage privatif d'un bien sans limite de temps… .
p. 359: A titre d'exemple, un acheteur de 30 ans d’une maison à 100 000 dont le propriétaire a 60 ans va payer 40% au Fonds et 30% au propriétaire.
p. 364: il y a des emprunts possibles mais sans intérêts. Les contestataires demandent que les emprunteurs bénéficient d’un taux d’érosion de leur prêt, que le prêt soit aussi fondant… C'est en débat. Ouf! La misarchie n'est pas achevée mais en perpétuel évolution…
p.367: un appartement qui reste vide deux années entières est réquisitionné par le Fonds et mis aux enchères. Le propriétaire touche le revenu de la vente : "Qui délaisse perd, qui use acquiert".
p.371: Les propriétés stables, celles qui concernent les meubles, les objets d’art..., n'ont pas de décote due à l'âge Les propriétés stables peuvent être transmises aux héritiers.
p.392: Concurrence : Les Arcaniens ne croit plus à la sainte religion de la concurrence. Elle n’amène qu’à la concentration des pouvoirs, mécaniquement.
p.402: Mais certains Arcaniens peuvent partir à l’étranger faire ce qui est interdit en Arcanie (du profit par exemple sur l’import export.)
p. 408: Les actionnaires de l’entreprise n’ont pas de droit de vote en AG. Tout employé a une part prélevée sur son salaire pour racheter une part de la dette de l’entreprise. A terme, tous les employés sont égaux y compris le créateur de l’entreprise. Si l’entrepreneur s’enrichit, les employés aussi.
Ce passage sur la comptabilité des entreprises est complexe mais faisable. C'est au moins le moyen de pérenniser l'égalité de revenus puisque, in fine, aucun employé ne peut le rester éternellement et aucun patron ne peut négliger trop longtemps ses employés.
p.415 Dans le système arcanien, il ne peut y avoir de prédation au niveau des entreprises. On voit mal pourquoi les employés iraient contre les intérêts de leur entreprise, pourquoi une entreprise chercherait à en couler une autre...
p. 419 Les profits peuvent être conservés en réserves ou investis dans l’entreprise. Ils peuvent servir à rembourser des prêteurs qui ont aidé à la création, ils peuvent rembourser une partie de la dette des employés ou la dette de l’entrepreneur, ce qui diminue le coût d’une part de dette des travailleurs, ils peuvent enfin servir à augmenter les salaires.
p.421: Les écarts de salaire ne peuvent dépasser de 1 à 15 même dans les très grosses entreprises. Ce n’est pas l’égalité, mais ce n’est pas non plus le capitalisme, ou la liberté d’entreprendre sans le capitalisme!.
p.439: Il est prélevé 20% de TVA sur toute production pour financer les services publics gratuits.I
p.483: Sébastien propose la gratuité pour tous les biens essentiels. Mais on lui répond que la gratuité entraîne le gaspillage. Mais fixer des limites, c’est accorder un pouvoir terrible aux gens chargés de fixer le rationnement. Comment créer de l’assistance sans créer des assistés ? Ce passage peut laisser entendre que Dockès s'est aussi intéressé à l'abolition de l'argent mais a eu la crainte, surtout partagée par les écologistes et décroissants, que la gratuité entraîne le gaspillage et la surconsommation. Nous pensons au contraire que ces abus de consommation ne sont dus qu'à l'usage de l'argent et que sans, il n'y aurait plus aucun intérêt à gaspiller ou thésauriser…
p.486: Le revenu universel a été essayé, puis supprimé quand la société s’est retrouvée coupée en deux, les travailleurs et les "rentiers". Très vite, il n’y a pas eu de rotation entre les deux. Le RU est devenu un simple revenu de subsistance : un maintien pérenne dans ces positions d’infériorité. Le partage du travail vaut bien mieux que le simple partage du revenu. L’absence de temps libre est une horreur, mais l’absence de salariat reconnu n’est pas plus enviable.
      Visiblement que l'on parte du paradigme du pouvoir ou de celui de l'argent, le RU n'a de sens que dans un contexte capitaliste. Le prôner, c'est donc de facto, défendre le capitalisme, n'en déplaise à des anticapitalistes comme Bernard Friot.

E. Dockès a été interviewé par Olivier Berruyer sur le Site Elucid. Voir  ici En résumé, quelques extraits de ses explications: 

       "L'égalité et la liberté sont deux notions qui marchent ensemble, de temps en temps! Ces deux valeurs de base ont un vrai point commun, c'est d'être contre le pouvoir. Quand on a beaucoup de pouvoir l'égalité ce n'est pas terrible et si vous êtes soumis, vous n'avez pas beaucoup de liberté. C'est donc sur la crainte du pouvoir qu'il faut construire quelque chose."
       "Un professeur de droit ne peut supprimer le droit! Sans droit, les plus forts prennent toute la place et très vite mettent en place un système pyramidal. C'est beaucoup plus simple qu'un système sans chefs. Ce qu'il faut éviter au plus vite c'est la pyramide avec quelque chose ou quelqu'un au sommet qui se prétend souverain. La démocratie c'est le pouvoir du peuple, mais tôt ou tard, quelqu'un arrive et déclare parler "au nom du peuple". Et là, on est très vite foutu! C'est de l'autoritarisme ou du totalitarisme. Il faut donc une société débarrassée de toute mythologie de la toute puissance. Pour supprimer le mythe, il faut des pouvoirs dont aucun ne puisse se prétendre souverain, tout puissant. Les uns doivent être limités par les autres. La première chose à faire est de couper le sommet parce qu'il n'a pas de pouvoir au-dessus de lui. Donc, pas de président, de premier ministre, de parlement…, peut être des ministères dont on va organiser la coordination sans sommet. En ce sens, la mysarchie est une forme d'hyper-démocratie. Le tirage au sort remplace assez bien les élus. Les tirés au sort ont le pouvoir de décider et donc se doivent de faire attention à ce qu'ils décident. C'est le contraire de la politique sondagière!"
       "Surtout, jamais de monisme, de simplisme, les différents modes de désignation du pouvoir ont tous des avantages et des inconvénients et le bon système est celui qui va utiliser un peu tout. Exemple un ministère de l'écologie avec des experts de l'écologie élus, et à côté, une assemblée tirée au sort en charge de questions écologiques. Le dernier mot revient aux tirés au sort."
       "Il n'y a que deux types d'organisations qui font sens: celles qui sont volontaires (l'association) et celles qui sont liées au fait d'habiter quelque part (le district). De là peut aussi sortir des lois internes et des lois externe au district ou à l'association. Donc, il y a des lois fondamentales et des lois pratiques, mais cela ne marche que si les gens sont d'accord avec les règles dont ils se sont dotés. Cela implique une grande diversité dans les modes de vie, donc du choix et de la liberté. (donc des codes supplétifs pour les cas particuliers). Il y a donc des choix de vies qui donnent des codes différents par exemple avec la mise en commun de tout ou avec le droit à la propriété privée…. Tant qu'un système ou l'autre ne devient pas despotique, pourquoi pas?..."
      "Il y a des contrôles sur la monnaie comme sur les armes à feu. La monnaie peut être pire que les armes à feu. C'est le moyen de l'accumulation puis de la domination. Donc tout doit être transparent donc il ne peut y avoir plusieurs banques, des sociétés écrans, etc. Mais cela ne suffit pas. Une banque unique et pas d'évasion fiscale possible, et ont a créé un régime despotique. Il faut donc des contrôleurs et des contrôleurs de contrôleurs! Pour que les deux pouvoirs ne s'allient pas, il faux qu'ils se haïssent => un recrutement sur des bases différentes: des contrôleurs recruté sur concours ardu en math, très jeunes, jeunes loup aux dents longues et un recrutement à l'ancienneté, par l'éthique, altruisme."
       "Si un groupe, fasciste par exempel, réussit à prendre le pouvoir, il faut lui compliquer la tâche quitte a détruire toutes les bases de données et créer le chaos provisoire. Sans contrôle des finances et des identités, un pouvoir totalitaire n'a aucune chance de durer. En misarchie, pas d'argent liquide, donc des moyens de contrôler ce que le pouvoir fait de l'argent."

       "Si on reste comme on est actuellement, avec les big-data, tout est en place pour un régime totalitaire. Il faut donc impérativement y réfléchir vite pour éliminer tout ce qui peut ressembler à un embryon de totalitarisme."
      Là c'est le point sur lequel nous ne pouvons être d'accord avec Dockès quant à l'usage de l'argent, surtout s'il n'est plus que numérique. Un gouvernement contrôlant ma monnaie via les cartes bancaires peut, en un clic, couper tout revenu à quelqu'un et lui enlever tout pouvoir de manger, de se déplacer, de communiquer… C'est la mort sociale immédiate!
       "On ne voit pas bien comment une société en misarchie peut se passer d'une police. Je n'ai pas écrit pour une société devenue soudainement bonne et honnête, mais pour une société faisant avec les travers de l'homme et donc applicable de suite si on le souhaite… et sans milice autogérée…"
      "La propriété donne quelques avantages quand il s'agit d'un outil, d'une maison, qui use quelque chose est propriétaire de ces choses. Le seul problème c'est d'empêcher l'accumulation. Il faut donc que la propriété perde de la valeur, ce qui équilibre accumulation et usage. D’où l'idée de faire de toute propriété immobilière une propriété viagère. La location au contraire doit être prohibée. Cela permet de se vendre mutuellement un appartement via le fonds de compensation. Tout s'écoule!" Ce qui veut dire que rien ne doit être figé, pas même la valeur d'un bien, ni le montant d'un compte en banque. Il n'y a donc pas d'héritage. Et c'est possible parce qu'il n'y a pas se spoliation d'un bien en viager."
    Liberté d'entreprendre sans capitalisme: "Une entreprise se monte via une personne seule => investissement en argent, en travail, de faibles revenus. Puis ça marche et il faut embaucher un employé. Dans un système coopératif, le salarié devient immédiatement coopérateur à 50%. C'est injuste => je n'embauche jamais. Le salarié est embauché comme subordonné, mais c'est logique. 15 ans plus tard il y a toujours les deux même le fondateur et l'employé. Et là, ça ne va plus: le patron s'enrichi de plus en plus l'employé stagne alors qu'ils devraient être à égalité car ils sont autant responsable de la réussite l'un que l'autre. Il faut donc un rachat impératif par le salarié. La propriété d'une entreprise est décroissante pour le patron, croissante pour l'employé. Si en outre on interdit les dividendes (rémunération du capital) et le vote des actionnaires, alors on n'est plus du tout en capitalisme. Imaginons l'entrepreneur qui met 100 000€ de sa poche au démarrage. L'employé doit alors rembourser la moitié de cette somme. Au fur et à mesure que l'employé participe à l'entreprise et vote pour les décisions, il rembourse le patron jusqu'à 50% du capital, mois après lois. Une partie du salaire est donc affecté au remboursement. Donc toute entreprise tend à l'autogestion et toutes les rémunérations sont des rémunérations du travail. L'écart des salaires dépendent du nombre d'employés (de 1 à 3 pour 2 travailleurs, de 1 à 10 pour des grosses entreprises."
       De l'importance du salariat pour Dockès : à l'inverse du RU, il veut réduire la rémunération du capital et augmenter la rémunération du travail. "C'est bien que les gens soient payés, qu'ils aient des salaires. C'est bien que tout le monde ait du travail. On a les moyens de supprimer le chômage. Même s'il est bien indemnisé, c'est une situation d'exclusion, d'infériorisation. Il n'y a du chômage que parce qu'il est mal partagé et qu'on produit trop de choses inutiles. On ne le fait pas uniquement parce qu'on est dans une logique patronale. L'autre moyen de tuer le chômage c'est d'arrêter tout salariat et de passer à l'accès. Mais ça, il ne l'a même pas envisagé
      "Forcément j'ai pensé le passage en misarchie à l'échelle d'un pays. C'est de la triche de l'immaginer au niveau mondial. C'est déjà assez difficile d'instaurer une misarchie, mais s'il fallait un bouleversement mondial d'un seul coup ça deviendrait rigoureusement impossible, impensable. La planète ne va faire "abracadabra, je suis en misarchie!".
Il faut que ça commence par un pays et que les autres puisse juger cela faisable. "
     Cela n'empêche pas du commerce international, des frontières… Dans un seul pays, même au sein d'une économie mondialisée, c'est possible. C'est pour cela que mon pays fictif n'est pas dans une île comme la plupart des utopies."
      Voilà de quoi occuper nos neurones quelques semaines! Contrairement à ce que pense Dockès, sans doute parce que cela ne lui est pas encore venu à l'esprit, le point de départ d'une abolition de l'argent simplifie considérablement la gestion d'un pays, tant sur les questions de propriété, de salariat, d'investissement, d'écologie…, que pour les questions de justice, de production, de ressources, etc. Ce qu'il craint dans la suppression du salariat comme moyen de donner une place à tous, serait totalement compensé par la porte ouverte à tous à des activités choisies, volontaires, avec encore moins de besoins en heures de travail, moins d'inégalités, moins de délits etc. Si nous avons quantités d'idées que l'on peut piocher dans la fiction de la misarchie, Dockès gagnerait aussi à connaître l'hypothèse désargentiste.