Covid-19: La grande réinitialisation, K. Schwab, & T. Malleret
Edition 1.0 du ForUm Économique Mondial
PDF de 223p., Davos 2020.
(Catégorie Radoteurs)
Klaus Schwab: Né en 1938 en Allemagne, ingénieur et économiste, l'un des fondateurs du Forum Économique Mondial de Davos (WEF) qui réuni le gotha mondial des acteurs économique susceptible de développer un projet de planification économique au niveau mondial (le Great reset, la grande réinitialisation). Le WEF est une fondation à but non lucratif et une organisation de lobbying qui réunie une fois par an des chefs d'entreprises, des politiques, des intellectuels, des banquiers, des milliardaires, le gratin de l'aristocratie néolibérale, pour "améliorer l'état du monde". Le dernier Davos a eu lieu du 15 au 19 janvier 2024 (54° édition). Depuis 2005, le club de Davos organise en parallèle le "Young Global Leaders", qui regroupe plus de 750 dirigeants du monde âgés de moins de 40 ans, chargé d'un plan d'action permettant de définir ce que sera le monde en 2030. Emmanuel Macron en a fait partie. En 2011, le Forum a mis en place le Global Shapers Community, une communauté de jeunes dirigeants de 20 à 30 ans dotés d’un grand potentiel pour jouer un rôle dans l'avenir de la société. Ce forum est régulièrement critiqué pour sa débauche de luxe, son empreinte carbone, sa vision économique très consensuelle et son opacité (si ce n'est dans les productions officielles, du moins pour ce qui se passe dans les couloirs, en off) !
Thierry Malleret: Né à Paris en 1961, il est titulaire d'un doctorat en sciences économiques et participe à de nombreux think-tanks anglais, américains, français. Auteur d'un livre sur la randonnée pédestre, de quelques polars et de ce livre coécrit avec Schwab. Il a été consultant pour le cabinet de Michel Rocard à Matignon (1988-90) alors premier ministre de Mitterrand.
Quatrième de couverture: Depuis ses débuts sur la scène internationale, la COVID-19 a radicalement bouleversé la manière de gouverner les pays, de vivre avec les autres et de participer à l'économie mondiale. COVID-19: la Grande réinitialisation est un guide pour tous ceux qui veulent comprendre dans quelle mesure le nouveau coronavirus pourrait être source de perturbations et de souffrances, et quels changements sont nécessaires pour créer un monde plus inclusif, plus résilient et plus durable. Ce livre propose une analyse inquiétante et pourtant pleine d'espoir. La COVID-19, la plus grande crise de santé publique de ce siècle, a entraîné une catastrophe économique phénoménale et empiré les inégalités déjà présentes. Mais la force de l'être humain réside dans sa clairvoyance, son ingéniosité et, du moins dans une certaine mesure, sa capacité à prendre son destin en main et planifier un avenir meilleur. Ce livre nous montre par où commencer. Le Professeur Klaus Schwab est le fondateur et président du Forum Économique Mondial. Défenseur de la première heure du capitalisme des parties prenantes, il est l'auteur de plusieurs ouvrages, y compris La quatrième révolution industrielle. Thierry Malleret est le directeur associé de Monthly Barometer, un service d'analyse prédictive succincte. Il a écrit plusieurs ouvrages économiques et articles universitaires et a publié quatre romans.
La polémique du Great Reset: Ce livre est intéressant, moins par son contenu fort peu émoustillant intellectuellement, que pour la polémique qui l'entoure. Le terme de Great Reset a été médiatisé essentiellement par l'attaque de plusieurs groupes authentiquement complotistes. C'en est venu à un point où l'on peut se demander si ces attaques complotistes n'ont pas été commanditées par les victimes elles-mêmes. Il faut dire que ces deux auteurs cultivent l'ambigüité: Ce sont deux authentiques néolibéraux qui professent en même temps un souci social digne des meilleurs socialistes, un souci écologique digne des Soulèvements de la terre, un altermondialisme digne de la Confédération paysanne. Sortant de lecture de ce texte, on est à la fois atterré par les dangers de la société qu'ils souhaitent pour les prochaines décennies, et étonnés de retrouver des thèses et des ambitions qui ne dénoteraient pas dans le programme la FI, parfois même dans celui du NPA! Qui se moque de qui dans ce pamphlet syncrétique?....
La pandémie de Covid-19 « représente une fenêtre d’opportunité rare mais étroite pour réfléchir, ré-imaginer et réinitialiser notre monde […] Il n'est pas question du sortir du régime démocratique, mais au contraire d'aller vers des sociétés plus équitables…» Y aurait-il un postmonétaire, un militant de gauche, un écologiste, un économiste atterré pour dire le contraire!
« Les 7 milliards de personnes qui vivent sur notre planète ne vivent plus dans une centaine de bateaux [pays] distincts ; elles vivent dans 193 cabines à bord du même bateau. » « Si nous sommes aujourd'hui 7,5 milliards de personnes les unes sur les autres sur un bateau de croisière infecté par le virus, est-il logique de nettoyer et de récurer uniquement nos cabines personnelles tout en ignorant les couloirs et les conduites d’aération extérieures, par lesquels le virus voyage ? La réponse est clairement non. Pourtant, c'est ce que nous avons fait. ...Puisque nous sommes maintenant dans le même bateau, l'humanité doit prendre soin du bateau mondial dans son ensemble. » Je signe moi aussi pour nous prenions soin du bateau mondial, qui a plus l'allure d'une barcasse de boat-people que d'un navire de croisière!
«Dans ces conditions, l'affirmation selon laquelle un risque économique sera confiné à la sphère économique ou qu'un risque environnemental n'aura pas de répercussions sur des risques de nature différente (économique, géopolitique, etc.) n'est plus défendable. Nous avons tous en tête les risques économiques qui se transforment en risques politiques (comme une forte hausse du chômage entraînant des foyers de troubles sociaux), ou les risques technologiques qui se transforment en risques sociétaux (comme la question du traçage de la pandémie sur les téléphones portables source de réaction brutale au sein de la société). Pris un à un, les risques individuels - qu'ils soient de nature économique, géopolitique, sociétale ou environnementale - donnent la fausse impression de pouvoir être contenus ou atténués ; mais en réalité, la connectivité systémique montre qu'il s'agit en fait d'un concept artificiel. Dans un monde interdépendant, les risques s'amplifient les uns les autres et, ce faisant, ont un effet domino. C'est pourquoi isolement ou confinement ne peuvent rimer avec interdépendance et interconnexion...» Bravo, les bons néolibéraux Schwab et Malleret sont aussi bien que nous dans une optique systémique. Qui l'eus tu cru ?....
«L'interdépendance a un effet conceptuel important : elle invalide la « pensée en silo ». Étant donné que ce qui compte en définitive, ce sont la convergence et la connectivité systémique, il est insensé et futile d'aborder un problème ou d'évaluer un problème ou un risque séparément des autres. » Enfoncez-vous bien ça dans la tête, messieurs les désargentistes qui vous dites systémiques!...
«Cette nouvelle culture de l'instantanéité, obsédée par la vitesse, se manifeste dans tous les aspects de notre vie, des chaînes d'approvisionnement "juste à temps" aux transactions "à haute fréquence", du speed dating aux fastfoods. Il est si répandu que certains experts appellent ce nouveau phénomène la "dictature de l'urgence"». Mais qui nous a entraînés dans cette course folle sinon les habitués de Davos?...
«Dans son roman "Le soleil se lève aussi", deux personnages ont la conversation suivante : Comment avez-vous fait faillite ? demanda Bill. De deux façons, répondit Mike, progressivement... puis subitement…. Il en va de même pour les grands changements systémiques et les perturbations en général : les choses ont tendance à changer progressivement au début, puis d'un seul coup. Attendez-vous à la même chose pour la réinitialisation "macro". A quelques détails près, nous appelons cela l'effondrement du système capitaliste entraînant l'intégralité de l'humanité dans un chaos inimaginable. Cette phrase ressemble au loup qui entre dans la bergerie en criant au loup pour que les moutons n'identifient pas de suite l'intrus!
«Une autre conséquence importante à grande portée de la vitesse est que les décideurs disposent de plus d'informations et d'analyses que jamais auparavant, mais de moins de temps pour décider. Pour les responsables politiques et les chefs d'entreprise, la nécessité d'acquérir une perspective stratégique se heurte de plus en plus fréquemment aux pressions quotidiennes des décisions immédiates, particulièrement évidentes dans le contexte de la pandémie, et renforcées par la complexité, comme nous le verrons dans la section suivante.» Nos pauvres décideurs doivent aller toujours plus vite et n'ont plus le temps de penser au sens de ce qu'ils font. Les mêmes disent sans doute à propos des jeunes "séparatistes" banlieusards qu'expliquer ne veut pas dire pardonner. Rassurons-les, nous ne sommes pas prêts de pardonner aux pauvres extractiviste, consuméristes, productivistes, de n'avoir pas eu le temps de penser…
«Le point fondamental ici est le suivant : la complexité crée des limites à notre connaissance et à notre compréhension des choses ; il se pourrait donc que la complexité croissante d'aujourd'hui dépasse littéralement les capacités des hommes politiques en particulier - et des décideurs en général - à prendre des décisions en connaissance de cause. Un physicien théoricien devenu chef d'État (le président de la République d'Arménie, Armen Sarkissian) a soulevé ce point lorsqu'il a inventé l'expression "politique quantique", décrivant comment le monde classique de la physique postNewtonienne - linéaire, prévisible et même déterministe dans une certaine mesure - avait cédé la place au monde quantique : fortement interconnecté et incertain, incroyablement complexe et également changeant selon la position de l'observateur. Cette expression rappelle la physique quantique, qui explique comment tout fonctionne et est " la meilleure description que nous ayons de la nature des particules qui composent la matière et des forces avec lesquelles elles interagissent." La pandémie de COVID-19 a mis à nu ce monde quantique.» Soyons sérieux, Misters Schwab et Malleret, en tant que membres de l'espèce humaine, vous êtes des individus capables de "s'empêcher" comme disait Albert Camus. Votre soif d'argent, de pouvoir et de notoriété ne vous a-t-elle pas entrainés dans cette "politique quantique" qui vous arrangeait si bien?... N'ayant pas la fibre quantique je n'ai pas les moyens de payer une cotisation au WEF (44 700 euros par an) et encore moins une inscription à Davos (un ticket à 16 330€, + 117 700€ pour assister aux rencontres). C'est sans doute pour cela que je serais plus intransigeant vis-à-vis de vous que vis-à-vis des gens ordinaires…
«Notre économie contemporaine diffère radicalement de celle des siècles précédents. Elle est infiniment plus interconnectée, élaborée et complexe. Elle se caractérise par une croissance exponentielle de la population mondiale, par des avions qui relient en quelques heures n'importe quels points (permettant à plus d'un milliard d'entre nous de franchir une frontière chaque année), par des humains qui empiètent sur la nature et les habitats de la faune et de la flore, par des mégapoles omniprésentes et tentaculaires qui abritent des millions de personnes vivant les unes sur les autres (souvent sans installations sanitaires ni soins médicaux adéquats).» Que c'est triste! Puis-je vous offrir un mouchoir jetable cher Klaus pour que vous essuyiez vos larmes?… Malgré le prix des chambres à Davos, la location des salles de réunion, les frais d'hélicoptère pour que les membres soient bien mobiles, le forum affichait l'an dernier 420 millions d'€ de bénéfices, soit de quoi offrir un mois supplémentaire de RSA à 700 000 français! Une petite quête à la sortie du "grand raout" aurait été la bienvenue pour quelques millions de personnes…
« Si les gouvernements ne parviennent pas à sauver des vies, les gens qui ont peur du virus ne reprendront pas leurs achats, leurs voyages ou leurs sorties au restaurant. Cela entravera la reprise économique, avec ou sans confinement. » Les autres, ceux qui ne peuvent rien acheter, qui ne voyagent pas et ne sortent pas au restaurant, n'auront qu'à sauter quelques repas de plus. Le drame n'est pas là mais dans la reprise économique, c’est-à-dire de la sainte consommation! Vous venez de cous trahir Klaus: on ne peut être le fondateur du WEF, se dire de gauche, et se soucier des pauvres en même temps… Il y a des limites!
«Les réponses d'urgence économique à la pandémie étant désormais en place, il est possible de saisir l'occasion de procéder au type de changements institutionnels et de choix politiques qui placeront les économies sur une nouvelle voie, vers un avenir plus juste et plus vert. ...Cela soulève deux questions : Quelle devrait être la nouvelle boussole de suivi des progrès ? Quels seront les nouveaux moteurs d'une économie inclusive et durable ?...» Comment un système fondé sur le profit et la croissance perpétuelle peut penser en termes de progrès social son économie? C'est quoi une économie inclusive mais produisant du chômage, une économie durable mais détruisant structurellement plus qu'elle ne répare?...
….L’augmentation du PIB ne garantit pas l’amélioration du niveau de vie et du bien-être social... Or, si le PIB mondial est en baisse, y compris dans les pays peu développés, les revenus des plus pauvres commencent à les entrainer de la pauvreté à la misère, voire à la disparition physique, ce qui n'a pas grand-chose à voir avec le "bien-être"...
«Si nous reconnaissons collectivement qu'au-delà d'un certain niveau de richesse défini par le PIB par habitant, le bonheur dépend davantage de facteurs immatériels, tels que l'accessibilité aux soins de santé et un tissu social solide, que de la consommation matérielle, alors des valeurs aussi diverses que le respect de l'environnement, l'alimentation responsable, l'empathie ou la générosité peuvent gagner du terrain et caractériser progressivement les nouvelles normes sociales.» Certes, mais qu'en est-il de ceux qui ont toutes les vertus susdites mais pas de quoi remplir une gamelle?... C'est bien là le problème. La redistribution a été tentée mille fois dans l'histoire de l'humanité mais n'a jamais été concrètement mise en œuvre durablement….
Arrivé au premier quart de cette littérature, j'ai cessé de noter les passages les plus "brillants". Les trois autres quarts sont du même acabit: un magistral tour de passe-passe:
- Monsieur Schwab, pouvez vous m'expliquer comment sauver le monde?
- Oui, je le peux…
- Il peut l'expliquer, bravo, extraordinaire, applaudissons!
Du Pierre Dac dans le texte!!! Je suis donc passé, juste pour conclure, à la page 204:
«Nous sommes collectivement confrontés à des menaces nucléaires, au changement climatique, à l'utilisation non durable des ressources essentielles comme les forêts, les produits de la mer, la couche arable et l'eau douce, aux conséquences des énormes différences de niveau de vie entre les peuples du monde..... Nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Une seule voie nous mènera vers un monde meilleur : plus inclusif, plus équitable et plus respectueux de Mère Nature. L'autre nous conduira dans un monde semblable à celui que nous venons de laisser derrière nous - mais en pire et constamment jalonné de mauvaises surprises.»
Traduction en français vernaculaire: Nous sommes tous confronté au pire. Une seule voie nous sauvera, il n'y a qu'à la prendre. La solution est simple, suivez la ligne Schwab-Malleret, elle ne mène nulle part, mais il est sûr que là-bas, le monde deviendra inclusif, équitable, respectueux de la nature….. et donc sans argent, Messieurs?....
Conclusion postmonétaire Toute bonne stratégie commence par une saine connaissance de l'ennemi, de sa culture, de ses modes de pensée. Schwab et Malleret nous offrent là un fabuleux outil de décodage:
Quand on voit comment ces deux auteurs présentent un projet antidémocratique, antiécologique, antisocial dans des termes républicains, quasi décroissants et éminemment socialistes, on comprend qu'au niveau du langage, nous avons encore du chemin à faire avant d'être aussi performant!
Quand on voit comment l'informe bloc des complotistes (quiconque commet la moindre imprudence peut y être consigné à "perpette") est utilisé à la rescousse des saccageurs, on ne peut qu'en tirer des leçons de prudence.
Une simple analyse de l'occurrence de certains "mots-valises" utilisés par eux montre qu'une contre vérité assénée mille fois devient une évidence. Il est même légitime de se demander combien de gens se sont fait piéger par un discours aussi banal… Lisez Schwab, et restez postmonétaires!...