Inégalités de revenus et de richesse en France,  B. Garbenti &  J. Goupille-Lebret

Inégalités de revenus et de richesse en France, B. Garbenti & J. Goupille-Lebret

Ce court PDF de 20 pages a été rédigé par
B. Garbinti (banque de France et CREST) et
J; Goupille-Lebret (Université de Lyon et CNRS).
Téléchargeable ici

Garbinti-Goupille.jpeg«C’est à travers la question des inégalités  que se cristallisent les débats relatifs à la méritocratie, l’égalité des chances et la justice sociale, notions au cœur du modèle social français.» disent ces deux experts en préambule. De ce fait, on ne peut étudier l'évolution des inégalités sans les replacer dans un contexte économique, historique et social. Ils examinent la période1800 à 2014, celle plus restreinte de la 1ère guerre mondiale aux années 1970, puis la période de 1980 à nos jours. Ils s'appuient sur la comptabilité nationale  "seul cadre existant dans lequel les concepts de revenus et patrimoines sont définis de manière cohérente sur une base internationale. " Au final, les graphiques qu'ils proposent et leurs analyses peuvent nous être utile pour comprendre le sens de cette histoire économique:
1°) Tableau de la concentration du patrimoine en France de 1800 à 2014, pour les plus riches, la classe moyenne et la plus pauvre.
2°) Composition du patrimoine des plus riches (actifs financiers, professionnels, immobiliers)
3°) La part du patrimoine détenue par les plus riches (1800-1970)avec la variable de l'épargne (1970-1984)
4°) La hausse irrégulière du revenu national par adulte 1900-2014
5°) La part des revenus selon le niveau de richesse 1900-2014
6°) La part des revenus des 1% les plus riches 1900-2014
7°) L'écart de revenus du travail entre femmes et hommes  1970-2012 
8°) La part des femmes dans les groupes de plus hauts revenus 1970-2012
9°) La part de revenus du travail et du capital des 1% 1970-2014
10°) Revenus comparés de 10% des plus riches et des 50% les plus pauvres en France et aux USA
           L'analyse la plus intéressante est celle qui est établie sur le long terme (1900-2014). Cette période a connue le capitalisme classique, le keynésianisme, le libéralisme, le néolibéralisme, a traverser des périodes de guerre et de paix, de crise économique et de prospérité.  Quelque soit le contexte historique, politique, économique, on constate que les courbes vont toujours dans le même sens: favorables aux plus riches, défavorables aux plus pauvres. Cela peut servir à la démonstration que l'on tente, sans grand succès pour l'instant, que les aménagements du système, les configurations politiques, se réparent rien et que l'on est face à une configuration par nature inégalitaire qui n'évoluera qu'en changeant de système et non pas le système. Même les périodes fastes, telle celle des Trente glorieuses, ne sont en rien une solution, juste des temps d'acmé, d'euphorie, toujours suivis d'une chute, de dépression…Capture.JPG      On peut être banquier et mathématicien, chercheur et enseignant et produire des équations savantes (ci-contre) pour démontrer la constante évolution des inégalités, force est de constater que le monde ira de plus en plus mal jusqu'à l'ultime "grande dépression"…. 
         Les auteurs expliquent la concentration extrême des niveaux de revenus du travail par le niveau de compétence qui en moyenne baisse, par l'automatisation constante, par le déclin des syndicats et des processus de négociations, etc. Ils n'ont pas tort, tout ceci a certainement joué, mais cette démarche intellectuelle qui consiste à mettre en équation des données politiques ressemble à s'y méprendre au sentiment de puissance et de maîtrise que l'enfant éprouve sa tête caché par un arbre. S'il ne voit pas ses parents, c'est qu'eux-mêmes ne le voient pas. Mais comme les parents (en l'occurrence les gens de pouvoir) jouent le jeu et font semblant de ne pas voir la couche-culotte dépasser de l'arbre, l'enfant se croit invisible. Nos économistes qui élaborent de si belles théories mathématiques resteront longtemps persuadés, sans doute jusqu'à l'effondrement, que "les effets des politiques publiques, telles que les politiques en matière d’éducation et de santé par exemple, peuvent influer sur les inégalités avant impôts…"
       Cette longue étude sur les inégalités enfile ainsi des données chiffrées impressionnantes, mais qui ne disent rien de constructif. Les effets étant pris comme des causes, aucune solution n'émerge, ces vingt pages de constat laissent le lecteur sur sa faim. Comment font-ils pour ne pas dire clairement que la seule et unique cause à ces dérives sociales dramatiques c'est le système monétaire et marchand? Il eut été plus simle et plus opératoire de démontrer que le fonctionnement même de l'échange marchand fabrique de l'inégalité. Le simple passage marchandisé d'un objet d'une main à l'autre, ne serait-ce qu'une baguette de pain, introduit un coût de matières (farine, sel, levure), de production (investisement, énergie pour le four, temps de travail), de rémunération du travail (des employés), de taxes et impôts, et à la fin du profit de l'entrepreneur. Tous ces coûts peuvent être des "variables d'ajustement" qui peuvent être modulées de façon différentes entre le producteur et le consommateur. Il est impensable que le prix in fine soit aussi juste pour l'un et l'autre partenaire de l'échange. Sauf cas exceptionnel d'un échange où les deux parties sont également gagnantes, il y a toujours un gagnant et un perdant, l'un qui s'enrichit, l'autre qui s'appauvrit.
      C'est exactement ce que décrit la bible à propos du "Jubilé" (Livre du Lévitique § 25/23-55, le 3ème livre de la Thora vraisemblablement des événements antérieurs au V° siècle av.J.-C.). Job pleurant sur son tas de fumier tandis que Salomon se prélassait dans son fabuleux palais, les Juifs décidèrent de tout remettre à plat de temps en temps et de répartir toutes les richesses du peuple, or, myrthe et encens, maisons, terres, récoltes, esclaves, serviteurs, etc. L'idée était aussi bonne que celle qui est préconisée par Garbenti et Goupille-Lebret: Un an après l'année du jubilé (de la redistribution), Job était de nouveau sur son tas de fumier, et Salomon dans son palais. C'est un effet mécanique (comme le fait de ressortir mouillé quand on plonge dans l'eau) qu'aucune institution humaine ne peut durablement réparer. Archimède aurait dit: Tout corps plongé dans l'eau ressort mouillé  et les Postmonétaires disent: Dès le premier sou mis en circulation, l'argent se condense entre des mains de plus en plus riches et de moins en moins nombreuses. C'est un fait mathématique, vérifiable sous toutes les configurations politiques, à toutes les époques, en tous lieux et quelle que soit les qualités humaines des usagers. On peut radoter des siècles durant, rien n'y fera, les riches s'enrichiront toujours plus vite, les pauvres s'apauvriront sans cesse, inéluctablement. Et si l'on peut citer parfois des exceptions, c'est juste pour justifier la règle!