La crise mondiale d'aujourd'hui, Maurice Allais

La crise mondiale d'aujourd'hui, Maurice Allais

Editions Clément Juglar 1999, 170p

    

Allais-Maurice.jpegMaurice Allais (1911-2010) est le seul Français lauréat du Nobel d'économie, pour ses tentatives d'éclaircir les mystères des sciences économiques, incapable de tirer les leçons de ses crises, y compris celle de 1929.   Il mérite donc bien que l'on s'y attarde.

                En résumé, Maurice Allais nous dit que la création monétaire privée et incontrôlée, les changes flottants et la spéculation sur les devises, le financement d’investissements à long terme par des crédits à court terme, les déséquilibres macroéconomiques internationaux doivent tous être supprimés pour réduire l’amplitude des fluctuations économiques et, surtout, espérer pouvoir supprimer les crises financières et leurs conséquences. Les réformes proposées concernent la suppression du crédit bancaire ex nihilo, la rationalisation de la bourse mondiale, l’interdiction des spéculations à crédit, l’indexation des emprunts, des intérêts et des salaires sur l’inflation et le retour à un système international de changes relativement fixe qui abandonnerait le dollar comme monnaie de référence…

                Maurice Allais s'est lancé dans cette analyse critique suite à la crise économique asiatique de 199Allais-portrait.jpeg7, laquelle a entraîné celle de la Russie en 1998. La similitude entre cette crise et celle de 1929 réside, selon lui, dans ses causes premières, ainsi que dans les canaux qui la propagèrent dans le monde entier. L’emballement du crédit visant à financer des investissements colossaux en Asie, motivés par des rendements importants dans le contexte du décollage de la zone, fut à l’origine de la crise. Le rapatriement des capitaux occidentaux placés à court terme sur des projets de long terme, souvent trop ambitieux (usines, infrastructures, programmes immobiliers), a fait éclater la bulle asiatique et a mis la région en grande difficulté.

                Pour nous, postmonétaires, l'intérêt de l'analyse de Maurice Allais réside dans le fait, digne d'un major de sa promotion à Polytechnique (dans le prestigieux "corps des mines"), qu'il procède, de façon quasi caricaturale et bon ingénieur, par la recherche d'une solution à chaque problème qu'il soulève. C'est l'exemple type du formatage par la "science économique" qui empêche toute pensée systémique. Il serait fou de nier l'intelligence et l'étendue des connaissances des économistes, mais force est de reconnaître que l'ignorance relative des militants postmonétaire, non formatés par des maîtres, leur permet d'appréhender chaque problème dans ces relations avec ce qu'ils savent dans tous les autres domaines, même imparfaitement. Là où le scientifique cherche ce qui fonctionne, ce qui est faisable, voire durable, le béotien cherche ce qui est désirable pour lui-même.

                L'énorme handicap que nous avons face à ces scientifiques nobélisés, c'est le manque de légitimité qui découle des longues études "polytechniques". Qui peut penser que le simple informaticien, plombier ou ostéopathe a raison contre un polytechnicien, un politicien aguerri, un économiste philosophe? Et pourtant, la lecture d'Aristote, St Thomas d'Aquin, Maurice Allais, de l'Antiquité grecque à la modernité actuelle  nous démontre largement que nombre des questions économiques ressortent régulièrement à travers les époques, les configurations politiques, les cultures dans un perpétuellement recommencement.

                On voit bien pourtant que les béotiens militants sont eux-mêmes concernés par ce "problème mental", ces biais cognitifs qui les fixent dans des répétitions perpétuelles. La seule différence avec les scientifiques, c'est que leur frénésie d'inventions, d'innovations, d'actions concrètes est aussi le meilleur moyen de ne rien changer, sinon la surface des choses. Peut-être que l'intérêt du postulat, ou de l'expérience de pensée intuitive des postmonétaires est de n'être pas bridé par des codes, des cadres, des fausses évidences, ce qui les a amenés à penser l'impensable autant que l'impensé de notre temps, qu'ils peuvent être les plus réalistes en se conduisant en parfaits utopistes… Merci Monsieur Allais de nous avons donné au bout de votre existence de chercheur, matière à "décoloniser nos imaginaires" avant que "le dernier d'entre nous qui parte éteigne la lumière"….  Pour une meilleure connaissance des thèses de Maurice Allais sans subir les 170 pages de cet ouvrage, on peut se référer à l'analyse qu'en a produite l'excellent site Elucid (texte et podcast de 25:20)