Quatre scénarios futurs pour les villes, Sébastien Marot

 

 

Interview du site Circular-Métabolism

59:09 mn, https://youtu.be/Zz5eHhAoc4Y

 

Marot.jpegSébastien Marot est philosophe, spécialiste de l'histoire de l'environnement et professeur à l’École d'Architecture de la Ville et des Territoires (ENSA Paris-Est). Il est l'auteur du livre Prendre la clef des champs (Agriculture et architecture), 293 p., éd Wildproject, sept.2024.

Le site Circular Metabolism propose chaque semaine l'interview d'un intellectuel avec pour objectif de mieux comprendre le métabolisme de nos société, dans une optique systémique. On peut y retrouver Arthur Keller, Timothée Parrique, Yamina Saheb, etc. Ces interviews sont en libre accès sur Youtube et mérite d'être vus, lus, commenté....

 

L'urbanisation ne cesse d'augmenter et ça va continuer, c'est ce que nous disent toutes les études et statistiques. C'est dans le monde entier le destin de l'humanité au point qu'on ait inventé le néologisme d'urbanocène. En même temps, quand on s'intéresse aux grandes problématiques environnementales, aux risques d'effondrement, on ne peut se répartir du sentiment inverse que la poursuite de cet urbanisation est impossible. On est au cœur d'une évolution qui est à la fois inévitable et impossible. Il est difficile de vivre une telle situation. Pour continuer à réfléchir dans cette situation, il serait bon de récapituler l'histoire de ces deux grandes pratiques de domestication que sont l'agriculture et la domestication des sociétés à l'intérieur de territoires urbains. Il est certain qu'on ne pourra pas poursuivre de la même manière, il faudra bien se dépêtrer de cette situation à la fois inévitable et impossible.Marot-portrait.jpeg

C'est exactement le constat que nous faisons vis à vis de l'argent et de la croissance qui, aussi commodes qu'ils aient été, nous ont mis dans une situation à la fois inévitable et impossible.

L'agriculture et l'urbanisme ont fonctionné à partir des mines : comment relativiser la part d'usage des sols dont le modèle est la mine, pour aller dans un autre modèle rapprochant l'urbanisme et l'agriculture. Comment passer du schéma de la mine à celui du jardin. La mécanisation et les intrants ont fait passer l'agriculture dans le modèle de la mine extractiviste gourmande en énergie. L'urbanisme est tout aussi gourmand en fer, sable, béton, verre qui nécessite des industries lourdes gourmandes aussi en énergie. Résoudre ce problème, c'est une révolution considérable.

Depuis quelques décennies sont apparus des discours assez articulés sur l'agriculture sans intrants ni machines comme l'architecte laisse émerger des habitats sobres et passifs. Ce n'est pas une mode mais un début de prise de conscience du problème.

L'architecte anglais Colin Moorcraft à 25 ans (en 1972), publie un article dans la revue Achitectural Design où il décrit les trois principes d'une technologie postindustrielle : 1, qui recycle intrant comme entrants dans un système circulaire. 2 qui est flexible, cad concevable, réparable adaptable par les usagers et dans un rayon raisonnable, 3 qui fonctionne en collaboration : chaque élément joue plusieurs fonctions et chaque fonction est assurée par plusieurs éléments. C'est un vrai fonctionnalisme mais radicalement opposé au standard industriel actuel où chaque élément remplit sa fonction bien distincte des autres. C'est un alter-fonctionalisme. C'est le même principe que la permaculture mais dans le domaine industriel et ça rejoint les ambitions des postmonétaires qui veulent redonner aux usagers la maîtrise de leurs usages et ainsi s'ouvrir à des fonctions multiples. Si on pense que l'exode rural a été la signature de l'accumulation du capital, que cette accumulation a été nourrie par les mines et les énergies denses et qu'il faut sortir de la mine pour aller vers le jardin, on en arrive à penser un exode urbain.