Pour un soulèvenent écologique, Camille Etienne

                 éd. du Seuil 176 p. 2023

Etienne-Camile.jpegQuatrième de couverture: « On dit que les territoires nous façonnent. J’avais dix ans quand j’ai compris que le dérèglement climatique menaçait mon univers entier, et toutes mes histoires de famille, dont les glaciers renferment le souvenir. » Camille Étienne a grandi dans un espace en voie de disparition. Dans un de ces lieux où le danger est déjà réel, concret.

       Face à un effondrement d’une telle ampleur, il est aisé de sombrer dans la paralysie. Mais, nous dit-elle, « notre impuissance est une construction qui ne nous appartient pas », et qui sert ceux qui exercent et jouissent pleinement de leur pouvoir
      Dans cet essai, Camille Étienne identifie les mythes qui nous entravent : éco-anxiété, fracture générationnelle, déclic, fausses peurs. Les paniques morales n’ont qu’un dessein : nous distraire de la peur qui devrait nous habiter et pourrait nous pousser à désobéir, ralentir ou cesser de coopérer. 
        Camille Étienne défend une écologie libératrice, portée par une puissance collective et démocratique. L’inertie est une légende, et la potentialité d’un soulèvement en est la preuve.  
Camille Étienne a 24 ans. Pour un soulèvement écologique est son premier livre. Elle en a fait un résumé en 15 pages PDF. Accessible ici

      Camille Etienne est née en 1998 à Peisey-Nancroix, petit hameau des montagnes de la Haute-Tarentaise (Savoie), d'un père guide de montagne et d'une mère monitrice de ski (équipe de France de snowboard). Doté d'un master d'économie à Science Po Paris. Elle commence à être médiatisée suite à un clip vidéo où elle interpelle sur l'état d'urgence climatique et la nécessité d'agir (15 millions de vues,  traduit en espagnol, anglais, allemand, portugais. En juin 2021, elle porte plainte contre cinq ministres pour leur inaction face au dérèglement climatique. La plainte s'appuie sur l'art.223-7 du code pénal qui punit "de deux ans d'emprisonnement et de 30 000€ d'amende quiconque s'abstient volontairement de prendre ou de provoquer des mesures permettant pour lui ou les tiers de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes."  La plainte sera jugée irrecevable en octobre 2021par la Cour de Justice de la République, mais fit grand bruit…
      On peut s'étonner qu'une telle militante, bien qu'elle ne pense pas croire au grand soir, mais qu'elle soit dotée d'un master d'économie, fasse si peu le lien entre le système monétaire et l'effondrement annoncé : Et si le remède à notre impuissance était la peur… seule la peur partagée peut permettre une union… Le capitalisme a confiné nos émotions sur le registre de l'intime et c'est dommage… Dans émotion, il y a mouvement…Ce qui me terrifie le plus c'est de voir les gens de pouvoir se couper de leurs émotions. Il y a quelque chose de viriliste là-dedans: aux femmes l'hystérie, aux hommes la froideur. Se réapproprier la peur, les émotions est un acte politique. 
      Dans son livre, Camille déclare: «Il nous faut avoir peur du vide pour ne pas nous y plonger à corps perdu. Le vertige seul nous protégera.  Vivre la catastrophe émotionnellement est un des meilleurs moyens de l’éviter. […] On parle souvent d’inaction climatique. Ce n’est en rien une inaction climatique, c’est une action délibérée de maintenir l’ordre établi…» 
     «…C’est organisé de manière telle qu’on ne se base même pas sur des vérités établies. Par exemple, les sols sont détruits par les produits phytosanitaires, c’est un consensus scientifique assez clair, mais on en est encore à débattre sur cela…»

Question de Reporterre: Comment étonner la catastrophe ? « En faisant advenir ce qui est imprévisible. C’est notre seule espérance. Ce n’est pas un espoir naïf de quelque chose qui nous tomberait dessus, mais un espoir qui dit : « Comment ouvrir des brèches ? » (Voir article sur Reporterre

 
        Camille Etienne est jeune, mais entêtée et elle a une formation d'économiste. Si elle ne se laisse pas envahir par le militantisme et la médiatisation, elle finira peut-être par comprendre que la cause première de tout ce qu'elle dénonce, c'est le système économique. Le système est condamné à suivre la même direction, vers l'extractivisme, le productivisme, la recherche sans fin de profits financiers, la marchandisation des derniers espaces qu'il n'a pas encore conquis. Il serait fou de penser que le pouvoir en place cédera un pouce de terrain, tout aussi fou de penser que l'intoxication par la doxa néolibérale pourra éviter un "sevrage" qui ne se fera certainement pas dans la douceur! On est encore loin du "pas suspendu de la cigogne", mais on peut espérer que cette jeune génération militante évolue. Il faut l'y aider, non la critiquer…