Combattre le discours politico-médiatique de la bourgeoisie.
Préface de Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot.
Quatrième de couverture: Parlez-vous le Bourgeois? Payer des "charges patronales" plutôt que des cotisations sociales, embaucher un "collaborateur" et non un salarié, engagé une "réforme" pour mettre en place une politique néolibérale… Ces mots que nous entendons tous les jours ne sont pas neutres, ce sont ceux de la bourgeoisie . Non contente de nous dominer et de nous exploiter, elle nous impose son langage et forge notre représentation de la réalité.
Petit commentaire introductif: Cela fait 5 000 ans que l'humanité tente de réformer l'économie et de moraliser le commerce. 5 000 ans que les savants nous parlent de progrès et de lendemains qui chantent. Aujourd'hui, le temps du constat est passé. On sait que l'humanité détruit sa planète et va droit vers un effondrement global. Les savants sont de plus en plus collapsologues. Certains le prévoient en 2050,
d'autres en 2040, Yves Cochet l'imagine vers 2030, et moi, qui suis plus optimiste, j'ai écrit ma fiction d'une société sans argent en 2012 en la datant, sans encore y croire, en 2029. C'était juste un clin d'oeil à la crise de 1929. Dieu que cette crise fut belle!... Nous ne sommes plus au temps du constat, il a été initié par Aristophane au 5° siècle avant notre ère, il est magsitralement clos par Sélim Derkaoui et Nicolas Framont. Il serait temps de passer du constat aux propositions, le temps d'arrêter de soigner ce qui nous détruit, le temps d'arrêter le militantisme anticapitaliste ou altercapitaliste et de préparer la future société a-monétaire. L'heure est à l'innovation, à l'inédit, les cygnes noirs qui l'annoncent sont éloquents....
Préface, La domination dans les têtes.
p.7: La guerre de classe entre peuples et capitalistes commence par les manipulations linguistiques. Les comprendre est le seul moyen d'échapper à la servitude involontaire à l'égard des gens de pouvoir.
p.8: La financiarisation de l'économie, la captation des médias par quelques milliardaires, leurs "chiens de garde", la soumission des politiques à l'économie, tout concourt à un totalitariste idéologico-linguistique.
p.9: Les possédants doivent avancer sous le masque de leurs supposées intelligence et supériorité. La formule remplace les actes (voir Macron qui déclare face au Covid: "nous ne devons pas jouer "en solitaire" mais "en solidaire")…
p.10: Béart chantait jadis: "Celui qui dit la vérité doit être exécuté!" La conscience que nous avons de notre avenir est liée à l'appréhension que nous pouvons en faire…
Entre les deux préfaciés et les deux auteurs, on a un beau florilège de la folie du moment. Qu'il faille combattre l'arme des mots par un long travail de sémantique, c'est évident. Mais, ce constat désopilant reste malgré tout déprimant. Comment peut-on enfiler tant de perles sans se dire que ce collier qui nous étouffe devrait être enfon aboli? Je n'ai pas résisté au plaisir de rappeler, sur chaque phrase, lue cet argent tant décrié n'est qu'une convention sociale et qu'à ce titre il peut être évacué sur simple décret, comme on l'a fait pour l'esclavage, le travail des enfants, la journée de 12h, l'interdiction de l'IVG, etc. Malgré tout le respect et la sincère fraternité que l'on peut ressentir vis à vis de ces intellectuels, il serait peut-être temps de passer du constat à la désobéissance. Si les élites politiques et intellectuelles ne savent pas comment se passer de ce système encombrant, apprenons à désobéir à l'argent!...
Introduction
p.13: Jadis on circulait en TGV. Un beau jour des consultants en marketing sont passés par là et "on vit une expérience à bord d'InOui!" On ne va plus boire un jus dans wagon-bar, on commande en ligne à un barista et on retire ses produits au comptoir. Ce sont autant d'expériences prenium" et plus simple encore qu'un "hashtag"! La question est peut-être de savoir à quoi sert de rouler à 300 à l'heure dans un TGV et pourquoi faut-il un smartphone pour commander un barista...
p.14: Dans l'entreprise, nous ne sommes plus des salariés mais des collaborateurs. Nous ne réalisons pas du travail mais des projets. On se fatigue? Il faut apprendre à booster notre résilience. Qu'est-ce qui nous empêche d'aller cultiver son jardin au lieu de booster notre résilience?...
p.16: La bourgeoisie? Les possédants qui tirent leurs revenus du travail des autres (par les loyers par exemple).
P. 17: abus de langage: démocratie pour État autoritaire… Faire en sorte que les idées au service des intérêts de riches deviennent des idées générales bien partagées. On peut vivre libre si on n'entre pas dans le jeu des riches...
p.20: Que veut dire un ministre quand il dit "Le gouvernement n'est pas dans l'idéologie"! N'aurait-il aucune vision du monde, de l'Homme, de l'éthique?... Pourquoi parle-t-on de survie de notre économie et de lutte contre le chômage quand il s'agit de faire des cadeaux aux actionnaires? … Ne pourrait-on pas mutualiser nos compétences pour que chacun ait accès à l'essentiel (manger, boire, se loger, se chauffer...)?
p.21: La réforme est un progrès, une nécessité… Au nom de quoi? C'est quoi un journaliste neutre et non partisan? Mais réformer quoi? Pour une belle vie ou un bon salaire?...
Brouiller les frontières de classes.
p.26: La haine des riches c'est la colère des pauvres. Les classes populaires pour parler des gens acculturés. Les jeunes de banlieues pour désigner un groupe social jamais défini avec précision, mais dangereux. Communautarisme pour les immigrés, les étrangers. Pour les bourgeois, les boulistes, les amateurs d'opéra, les vacanciers d'Ibiza, c'est au plus de l'entre-soi. Le Gilet jaune est de droite, raciste, beauf et inculte…. Pour riches, il suffit de noyer le poisson: à partir de combien est-on riche? Millionnaires ou milliardaires? 1% ou 0,01%? Et si on arrêtait de compter ses sous au lieu de compter sur l'entraide et la coopération?...
p.27: Tout est relatif: un député ne gagne pas grand-chose par rapport à un ministre…Et alors? Veut-on l'égalité ou l'équité? Un adolescent mange plus qu'un vieillard, c'est normal. L'inventeur d'un médicament essentiel peut bien gagner dix fois plus qu'un maçon..., si ce qu'il gagne n'est pas pris sur le dos du maçon!
p.29: Idem dans l'Histoire. Christophe Colomb, un saint, un bienfaiteur de l'Europe? Non: l'exterminateur des Araxaks dont il dit qu'ils sont si naïfs qu'ils ne sont attachés à aucun bien. On leur demande quelque chose, ils le donnent. On leur donne quelque chose, ils partagent… Quels Cons!... Le Con de l'histoire, c'est Christophe Colomb. Il a éradiqué des peuples qui avaient beaucoup nous apprendre. Alors récrivons l'histoire, la vraie, celle du salaud de Colomb et du génial Araxak.
p.33: Si la noblesse a perdu de sa puissance, ce sont les bourgeois qui la récupèrent: les familles Mulliez (textile), Schneider et Wendel (sidérurgie), Peugeot (automobile)… D'accord, on s'est fait berné par les bourgeois de 1789. Mais depuis, on a été à l'école. Qu'est-ce qui nous empêche de mettre nobles et bourgeois dans le même sac?
p.35: La bourgeoisie a été remplacée par le concept de classe moyenne plus complexe à définir… Une moyenne d'âge ne veut rien dire, une classe moyenne non plus, un salaire moyen encore moins... Si on se fait enfumer, c'est de notre faute!
p.37: Le capitalisme est trop facile à personnaliser. Mais les marchés financiers, la finance internationale ne craint rien. Ce sont des concepts pas des humains, pas même des Institutions que l'on puisse abattre… Rompre avec le capitalisme, c'est rompre avec qui, avec quoi?.... C'est comme les paradis fiscaux, ça n'existe que parce qu'on les faire exister. En plus, ils sont peut être des paradis pour quelques-uns mais pas pour les autochtones. Sans argent, il y aurait peut être des paradis mais pas fiscaux...
p.39: Pour le capital ne jamais prononcer le mot capitalisme est plus prudent. Notre économie suffit largement! Cependant, si le mot Capital a bien un sens concret, peut-il y avoir des capitalistes s'il n'y a plus de capital? Si les gens de gauche avait été anticapital au lieu d'être anticapitaliste, on n'en serait pas là!
p.42: Remplacer le Patron par le PDG qui n'est pas propriétaire mais gérant de l'entreprise. Le problème de l'entreprise n'est ni le propriétaire, ni l'actionnaire, ni le PDG, c'est le fait qu'il y ait un droit à la propriété privée. Appelons un chat, un chat!
p.43: Le bourgeois est besogneux, l'ouvrier n'a qu'à l'être. (100% des gagnants ont tenté leur chance"). Faudrait voir ce que ferait le bourgeois s'il devait se fatiguer autant que l'ouvrier à la chaîne, ce que ferait l'ouvrier s'il devait faire ses comptes et tirer des plans sur la comète 15h par jour....
p.44: Nouveau riche: celui qui est riche mais n'est pas (encore?) de la classe bourgeoise. Ancien pauvre est plus adéquat… Un ancien pauvre est un battant, un nouveau riche est un frimeur! L'essentiel, c'est qu'il n'y ait pas trop de transclasses. Ça fait désordre...
p.45: Ultra-riche: permet de ne pas mettre tous les riches dans le même panier… et faire oublier que Bernard Arnault (MVLH) a gagné 18 milliards d'€ en 5 ans, soit 300 millions par mois, soit 10 millions par jour, 416 600€ par heure, 6 344€ par minute, 114,74€ par seconde, le temps d'éternuer… On est franchement passé de l'inégalité sociale à l'hubris. Trop, c'est trop...
p.47: Ne jamais rappeler au peuple qu'il y avait 20% d'ouvriers députés (ou de classe modeste) dans l'après guerre, 1% en 2022… Le peuple pourrait douter du système représentatif! La différence entre l'après guerre et 2022, c'est qu'on ne peut être élu sans richesse, ou a minima sans l'appui de quelques riches.
p.49: Le pouvoir des bourgeois n'est abordé que sous l'angle des inégalités sociales…mais l'inégalité est une chose naturelle… Il n'y a qu'un problème de répartition… Cela fait 3 000 ans que des grands esprits tentent la redistribution. Il y a peut être une raison purelent mécanique à cela....
p.52: l'usage des moyennes fausse la perception du réel. Elles ne représentent qu'un chiffre abstrait, qu'il s'agisse du salaire moyen ou du panier moyen de la ménagère, ou de l'indéfinissable classe moyenne. Tient, les auteuurs n'ont pas fait le rapport avec la classe moyenne!
p.53-54: La classe moyenne va avec le mythe des citoyens libres et égaux en droit… Il y en aura toujours qui seront plus libres et plus égaux que d'autres..., à moins qu'on cesse de compter les valeurs....
p.58: Statistiquement, la classe moyenne se situe entre des 30% les plus pauvres et les 20% des plus riches (un revenu compris entre 1350€ et 2 487€ nets par mois. Il n'y a pas d'autre critère réel et disponible. Peut-on être moyen à 1350€ par mois, soit 48,70€ de plus à peine que le SMIC 2023. Au 1er janvier 2024 le smic sera augmenté de 1,13% (1 398, 69€/mois) ce qui, compte tenu de l'inflation de la fin d'année 2023 va rapprocher les smicards de la moyenne d'environ 0,48€. Donc on peut considérer que les pauvres (hors riches et classe moyenne) sont tous les gens qui sont en dessous de 1400€… J'en connais qui rêvent d'une société formée d'un tiers de pauvres, un tiers de riches et un tiers de moyens. Il y en a même qui espèrent une société à 100% de moyens. Est-ce que le BIB (Bonheur Intérieur Brut) en sera plus élevé?...
C'est sans compter les personnes qui échappent aux statistiques parce qu'invisibilisés, ceux qui ont une ou plusieurs personnes à charges et sans droit au statut de handicapés, d'assistés, de pensionnés… La moyennisation est un leurre de plus…
p.60: Nous-Tous c'est le raccourcit qui sert à faire passer une austérité supplémentaire en faisant croire qu'elle s'applique dans l'intérêt de tous. Or, dans une société de classes (fussent elles concentrées sur une moyenne), il n'y a que des intérêts divergents, pas d'intérêt commun… Tout dépend de la structure sociale: fondée sur les Communs ou sur la sainte Propriété privée?...
p.62: en 2008 70% des gens affirmaient être dans la classe moyenne contre 58% en 2019. Cet écart de 12 points en 11 ans s'explique comment?... On ne l'explique pas, les sondés mentent comme des arracheurs de dents!
p.63: Les classes populaires ne font partie ni des riches ni des classes moyennes et elles ont pour point commun des habitudes culturelles vulgaires. Premièrement, pourquoi la classe moyenne est-elle au singulier, et les classes populaires au pluriel? Le pluriel sert à éviter que cela ressemble à une classe homogène. On a assez donné avec le prolétariat, la classe ouvrière (totalement disparue celle-là. Il n'y a plus d'ouvriers, juste des employés, plus de manœuvres, seulement des caristes, plus de balayeurs, juste des techniciens du sol!) Il suffit de les interpeler au pluriel quand on en a besoin, au moment des élections par exemple. Que la classe moyenne soit au singulier et les classes populaires au pluriel cela permet de reconnaître l'appartenance à une classe aux uns, la non appartenance à une classe à d'autres, à moins de créer des subdivisions secondaires pour classifier le petit peuple en suburbains, précaires, péquenauds, assistés, etc. Là je suis d'accord, l'enjeu du pluriel est d'importance. Si les Gens du voyage sont toujours au pluriel. Est-ce pour en faire une classe homogène? Si oui, ce serait la reconnaissance de leur particularisme, si non c'est peut être pour gommer toutes leurs particularité, les mettre tous dans une même case!...
p.70: Si la grande majorité des travailleurs sont des salariés, les ouvriers ne sont que 20% des travailleurs et celle des employés estimée à 27% . Mais ces deux catégories n'ont pas de conditions de vie et de travail différents. Ce sont des exécutants. Ce qui a changé, en réalité c'est seulement l'usine qui a déménagé au Bengladesh ou au Sri-Lanka. Donc les ouvriers sont aussi dispersés que les employés, comme l'étaient jadis les paysans que Marx et ses successeurs ont vainement essayé de leur donner une conscience de classe. Mélanger ouvriers et employés dans une même catégorie, n'est-ce pas une façon de nier ce qu'il reste de leur conscience de classe?.... Les auteurs me rejoignent (ou l'inverse) car ils concluent que "la bourgeoisie entend tirer un trait définitif sur une bannière, un mot d'ordre [la classe ouvrière] qui leur a causé bien des déconvenues!...
p.71: La bourgeoisie (héritière de la noblesse) est toujours dans le vieux réflexe: appeler les gens en fonction de ce qui leur manque. La classe populaire n'a ni argent, ni pouvoir, ni "bon goût". Le message est clair: ce qui vous manque, c'est de votre faute ou à cause des inégalités sociales et non à cause du système capitaliste. Quand la condition ouvrière crée un lien direct entre travail aliéné et capitalisme, cela renvoie au mieux au registre des "accidents de la vie". Ce n'est pas neuf: dans les années 1960, alors que je travaillais dans un bidonville, les textes gouvernementaux et les médias parlaient déjà des "accidentés de la conjoncture", joli mot technocratique pour désigner le "lumpenproletariat".
p.72 Les classes populaires étant divisée en banlieues et pavillons, syndiqués et précaires, CDI et Intérim, insiders et outsiders, on peut jouer à les dresser les uns contre les autres et les empêcher de se penser comme un groupe uni. Au sein de cette classe, deux figures répulsives: le jeune de banlieue et le beauf. Les premiers ne veulent pas s'intégrer dit la droite, devrait être aidés dans leur intégration dit la gauche et pour une bonne majorité, il n'y a qu'à les passer "au Karcher".
p.72: Le beauf est dans son pavillon de banlieue, roule en diesel, pas syndiqué, abstentionniste ou FN raciste, ne pense qu'à consommer ou à s'engueuler avec son con de voisin. Une France moche! Jeunes et beaufs font partie de La France périphérique selon l'expression du géographe Christophe Guilly vite opposée à la France qui se lève tôt. Encore une élégante façon de rappeler le sens de banlieue, (lieu réservé aux gens mis au ban de la société).
p.75: A toute autre dénomination, les auteurs préfèrent parler de "classe laborieuse" (au singulier) qui travaille ou cherchent à travailler, sans en tirer grand profit. Cette classe inclut les sans papiers, les RSA, les chômeurs de longues durée, ceux qui sont marginalisés qui subissent le plus les discriminations à l'embauche et les violences administratives et policières.
p.79: Égalité des chances… diversité sociale en entreprises, CSP+ (cadres supérieurs), c'est le règne de la méritocratie. Puisqu'il y a égalité des chances au départ, chacun est responsable de sa réussite ou de son échec. "J'ai souhaité rétablir une véritable égalité des chances éducatives pour les enfants de Grigny…" (Najat Vallaud-Belkacem, mars 2017.) Un mythe de plus à contester!...
p.81: Emile Boutmy, fondateur de Sc.Po. un an après la Commune de Paris: "Contraintes de subir le droit du plus nombreux, les classes qui se nomment elles-mêmes les classes les plus élevées ne peuvent conserver leur hégémonie politique qu'en invoquant le droit du plus capable. Il faut que, derrière l'enceinte croulante de leurs prérogatives et de la tradition, le flot de la démocratie se heurte à un second rempart fait de mérites éclatants et utiles, de supériorité dont le prestige s'impose, de capacités dont on ne puisse pas se priver sans folie."
p.82: Le terme méritocratie a été inventé par un sociologue britannique dans un roman dystopique. Ironie de l'histoire, il a été repris par l'élite bourgeoise qui était critiquée dans le roman…les classes prépa sont issus à 6,4% d'ouvriers, 10,1% d'employés, 50% de cadres supérieurs. Dès le stage de 3ème, les possibilités sont directement corrélées au milieu des parents.
p.84: Selon le rapport PISA de 2015 déclare que la France détient le record du pays où l'origine sociale des enfants est la plus déterminante dans les résultats scolaires. Égalité des chances, ascenseur social, COCORICO! Dans son "Message au peuple français" du 11octobre 1940, Pétain: "Le régime nouveau sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des chances données à tous les français de prouver leur aptitude à servir. Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hiérarchie française. […] On ne peut faire disparaître la lutte des classes, fatale à la Nation, qu'en faisant disparaître les causes qui ont formé ces classes, qui les ont dressés les unes contre les autres…" En somme, la France a perdu la guerre contre les Allemands à cause de l'idéologie marxiste qui a tenté d'abolir les inégalités fondées sur les qualités naturelles des élites. Une origine de la méritocratie rarement citée…
p.87: La réussite du "transclasse" (du collège ZEP à Sciences Po) a été bien médiatisée: voir le film de Yvan Attal Le Brio. Discours la plupart du temps relayés par les transclasses eux-mêmes. Personne de parle en revanche des 40% de jeunes bénéficiaires du dispositif spécial d'entrée aux grandes écoles que les parents aisés ont placé en lycée ZEP pour éviter le difficile concours d'entrée (stratégie familiale qui fausse totalement le sens des CEP (Conventions d'éducation prioritaire). Encore un bel exemple des milles et unes manières de contourner l'ascenseur social qui dérange tant les classes privilégiées... La réforme ne suffira jamais!
p.89: L'essentiel de cette préparation aux grandes écoles pour "classes populaires" est axé sur l'apprentissage des codes de langage (concours d'éloquence), les codes vestimentaires (uniforme et maintien), l'art de la conversation mondaine pour se constituer un "carnet d'adresses", etc. Le 23 mai 2020 sur le plateau de "On n'est pas couché" Camélia Jordana (l'actrice du film Le brio, déclare "qu'on peut avoir peur de la police lorsque l'on est d'origine maghrébine": Scandale dans le Landerneau, jusqu'au monstre Castaner qui dénonce des propos "faux et injustes"! Que vaut la parole d'une actrice face à celle d'un ministre?....
p.94: "Promotion de la diversité" très appréciée par la bourgeoisie pour justifier ses monopoles (à commencer par la gentrification des centres-villes). Un vrai bourgeois a toujours dans son carnet d'adresse un membre éminent de la classe populaire. Il n'est pas raciste mais "exigeant" avec ses employés d'origine étrangère (pour leur bien). Il combat toute discrimination mais ne s'intéresse jamais aux causes de ces discriminations. C'est bien là le problème central: tout le monde se désintéresse des causes en mettant en exergue les effets, en privilégiant le constat au dépend de l'analyse...
p.96: CSP+: Terme créé par l'Insee pour désigner les personnes non manuelles, exerçant des métiers nécessitant un haut niveau d'études et de responsabilité avec rémunération importante (± 4 000€ net/mois). Ils conçoivent, encadrent et dirigent les autres pour le compte de la grande bourgeoisie ou de l'État. Ils ne font rien eux-mêmes mais le font faire aux autres en leur indiquant la bonne procédure. On lui oppose ceux qui ne sont pas capables de responsabilité, de pensée, de réflexion, d'indépendance. "Exécutants" contre "Sachants". Cette juste réflexion aurait pu être comparée à une autre opposition tout aussi généralisée: "Payants contre faisants"...
p.98: La "surqualité": désigne un poste de travail tenu par un travailleur à haute qualification technique que l'on pourrait remplacer par des gens moins qualifiés (donc moins payés) mais pouvant exécuter le même travail. Des milliers de "Consultants" vivent de ce travail, ce qui induit licenciements abusifs, délocalisation, fermetures de postes, sous-traitance…. Les Consultants ont pour principe de ne jamais demander l'avis à ceux qui travaillent. Eux-seuls sont rationnels! Cette fiction a une histoire pas si ancienne que ça… Il suffit d'interroger son facteur pour apprendre que ce poste dépend de l'évaluation par "concours". Dans l'état actuel du "marché du travail", la concurence est rude. Qui réussira l'évaluation entre un bac général et un bac +4 ou 5?... Un surqualifié facteur et un chômeur diplomé!
p.100: La division du travail entre ceux qui exécutent et ceux qui pensent, entre les cols bleus et les cols blancs. Ce que l'on ne nous raconte pas, c'est le prix payé à cette division du travail. Quand Ford installa les premières chaînes automobiles, très peu d'ouvriers le supportèrent : le turn-over fut tellement élevé que sa méthode miracle serait tombée à l'eau s'il n'avait pas compensé l'abrutissement intellectuel qu'elle générait par des salaires plus important. Les contremaîtres ont vite été pris pour des agents superviseurs du maître, à devoir gérer les conflits sociaux à la place du patron. Idem dans l'usine textile de Taylor: la grève de 1853 à la filature de lin a eu pour but de renvoyer les contremaîtres et s'est terminée dans une répression violente. N'est-ce pas un simple exemple de la concurrence instaurée en règle incontournable par l'argent qui pousse certains à servir de chiens de garde et d'autres à se poser en concurents veillant à la docilité des premiers en espérant prendre leur place?
p.102: Le problème n'ayant jamais été résolu, on a vu dès 1980 se créer une armada de consultants, auditeurs, évaluateurs, contrôleurs et responsables des "ressources humaines" pour faire "remonter au top management" et "faire redescendre les décisions" au niveau des fonctions supports, puis des filiales, puis des usines , puis des sous-traitants. Une sous-classe de cadres qui "ne comptent pas leurs heures", en accord avec les fuseaux horaires des délocalisés, ne vivant pas vraiment mais avec plus de congés que les autres…, pour préparer au calme la "com' interne et produire des "news" que personne ne lira vraiment… Il ne reste plus ensuite qu'à promouvoir les métiers de coaching, de formateurs en communication, en développement de management personnel, en thérapeute du burn out. En outre, la division du travail se trouve dans n'importe quel groupe de bénévoles qui réalisent un projet un peu conséquent (organiser une fête, créer un site Internet, nettoyer une plage couverte de plastiques...). L'idée que ce partage des tâches est l'appanage des seules grandes entreprises est fausse. En revanche, la nécessité de réaliser le plus de profits financiers rend toute division du travail mortifère. Dans ce site ONG.CSA, il y a sûrement un article qui décortique cette notion de division du travail à qui le monde marchand a donné une forme on ne peut plus contestable....
p.104: L'art de travailler "en mode projet". Terme flou et volontairement indéfini. "Parce que c'est notre projeeeet!" ou "désolé Martine, mais on ne peut te mettre sans la boucle du projet, il est trop disruptant pour toi…" (propos d'un DRH). Dans les entreprises, le terme de projet permet de mettre tout le temps les salariés dans une situation d'anticipation et d'amélioration continue […] L'injonction au projet s'est étendue au-delà du travail. Une commune doit faire des projets de territoires. Toute association doit concevoir des projets individualisés ou des projets sectorisés pour obtenir la moindre subvention. Un couple qui se forme se doit d'élaborer un projet de couple nous dit Psychologie magazine, sous peine de le transformer en couette deux places!
p.105: Le terme de projet a plusieurs avantages: il permet de parler du futur sans exprimer le contenu visé. Il permet de mettre tout le monde dans une dynamique perpétuelle de changement et de performance. Ce terme de projet que l'on met à toutes les sauces, permet d'exclure celui qui n'a pas la compétence ou la soumission requise, de mettre la pression pour que nul n'échappe à la compétition, ouvre des carrières de bullshit jobs pour les fabricants de projets, à la demande d'un ministre chargé d'un nouveau plan comme à l'association de quartier qui réclame une subvention. Ce nouveau métier atteint même la sphère privée. Depuis des millénaires les couples ont développé un savoir vivre ensemble, mais aujourd'hui il leur faut un "projet de vie commune". Et effectivement, cela permet d'en tirer une vue sur le fitur sans se demander quel sens il peut avoir...
p.107: Pour accompagner l'intensification du travail, rien de tel qu'un événement d'entreprise. Il y a des chief hapiness manager pour ça! L'essentiel est de prouver que l'on ne travaille plus pour vivre mais pour développer une valeur écologique, une mission, une vision du monde vertueuse…, y compris au sujet d'un bullshit Job! Qu'importe l'objectif du projet pourvu qu'il soit "in", dans l'air du temps, formulé en terme vides mais ronflants.
p.108: La mode est aussi à la glorification des transfuges de ces bullshit jobs. Le Figaro du 4 août 2017 à propos d'un ex directeur financier reconverti en ébéniste: "J'ai eu le sentiment de retrouver mon âme d'enfant, lorsqu'on a tout a découvrir, tout à apprendre…" C'est en effet plus simple que quand on a eu le statut de "cancre" à l'école et pas le luxe du choix. C'est en plus totalement faux, surtout pour un ébéniste. Ce métier, exige en premier l'apprentissage de la simple menuiserie, des bons gestes pour tenir un rabot, une scie, une gouge (gestes qu'il vaut mieux apprendre jeune), puis une spécialisation dans l'art du meuble qui comporte une multitude de compétence annexe (marqueterie, sculpture, tournage, vernissage…), soit autant de temps qu'il en faut à un médecin généraliste pour devenir spécialiste. Il faut n'avoir jamais été que journaliste au Figaro pour rapporter des propos aussi mensongers de la part du transfuge et pour oser rabaisser ainsi la noble profession d'ébéniste à un hobby d'amateur. Mon propos est repris peu après par les auteurs.
p.110: Si, paradoxalement, ce sont bien souvent des CSP+ qui font la promotion médiatique des métiers manuels dans certains médias, ils ne mentionnent pas de quelle manière ces métiers ont pu être dévalorisés au sein du système capitaliste comme "dominés", parce qu'eux-mêmes ne le subissent pas. Le pire c'est que ces nobles métiers sont aussi valorisés par les spéctateurs ébahis qu'ils sont dévalorisés financièrement. Jamais un ébéniste ne gagnera autant qu'un chirurgien, à moins qu'il soit affublé du terme d'artiste et récupéré par le marché de l'art. Entre art (fait d'un artiste) et artisan (faisant de l'art), la différence est pourtant si mince étymologiquement... On pourrait ajouter que la plupart des bifurcations réussies sont accompagnées d'une acceptation de servitude et de précarité considérable qui relève souvent de l'héroïsme: revenus limités au SMIC, travail physique harassant, des heures dépassant largement les 35 heures légales… Pour ne rester que sur l'exemple de l'ébéniste du Figaro, il eut été salutaire que l'on sache comment un tel artisan peut concurrencer IKEA, comment il calcule ses prix, quelle proportion de clients sort directement de son ancien carnet d'adresses de directeur financier. Rien que ce dernier point aurait montré que le jeu est pipé par rapport au jeune qui ouvre un atelier d'artisan au sortir de sa formation d'ébéniste!... Il faudrait d'ailleurs faire une expérience qui remettrait de l'ordre dans cette idée de mérite. Un milliardaire serait envoyé au fin fond du Bangladesh, sans carnet d'adresse et de chèque, avec ppour mission d'emprunter l'ascenseur social. Si l'un d'eux acceptait l'expérience, on le retrouverait certainement vingt ans plus tard dans le même état que le Bangladais moyen!
p.111: Une enseignante en école d'agriculture explique que "on répond aux besoins de l'industrie agroalimentaire en fabriquant des producteurs et productrices comme on fabrique certains camemberts!..." On est en effet très loin de la formation incarné par les Compagnons du devoir et du tour de France qui valorise le travail manuel d'excellence en plus de développer des qualités humaines… On peut être en effet une enseignante en agriculture sans être capable de donner sens au mot de paysan (celui qui fait le pays) que l'on a transformé en producteur (comme une vache produit du lait)!
p.113: "Prendre des risques" c'est la justification classique des actionnaires et des chefs d'entreprises par rapport à ceux qui travaillent pour eux. Ils prennent des risques quand d'autres se contentent d'exécuter les ordres, se complaisent dans une petite routine lâche et misérable. Macron, alors ministre de l'économie, déclarait sur BFM: "La vie d'un entrepreneur, elle est bien souvent plus dure que celle d'un salarié, il ne faut jamais l'oublier… Il peut tout perdre, lui, et il a moins de garanties." On lit dans le Point peu après: "Le monde de l'entrepreneuriat, qui valorise le risque, est en parfaite opposition idéologique avec le monde su salariat, qui valorise la sécurité…" (Paulien Laigneau, fondatrice d'une joaillerie). Une posture aussi mythique que la méritocratie! Si l'on compare statistiquement les risques d'accidents graves, voire de décès au travail, il paraît évident qu'il y a plus de morts parmi les ouvriers du bâtiment que parmi les membres du MEDEF. Mais on fera la une des journaux avec le décès par infarctus d'un Bernard Arnault, au mieux un entrefilet avec le décès d'un grutier ou d'un maçon.
p.117: Autre exemple: En juin 2016, un article sur Gérard Mulliez, fondateur d'Auchan, qui parle des grands risques pris. Son père, patron de l'entreprise Phildar, lui avait laissé un bon carnet de chèques pour ouvrir son premier magasin. L'entreprise Phildar a été créée grâce au Grand-père Louis, fondateur des filatures de Saint Liévin, le trésor de guerre de la famille! Et les Échos de conclure: "Leur ascension, les Mulliez ne la doivent qu'à eux-mêmes." Pour le Grand-père Louis, peut-être, encire faudrait-il y voir de plus près. Mais pour le petit fils Gérard, objection votre honneur!...
p.117: Dans le monde des start-ups, les nouveaux "acteurs de financement" ne sont pas plus démocratiques que les précédents. Kiss Kiss Bank ou Ulule ne posent pas l'apport de fonds propres comme préalable mais se repose sur le réseau. Le réseau est avant tout un capital social (famille, amis, camarades de promo, collègues). Or, la bourgeoisie maîtrise parfaitement cette ressource et concentre ceux qui en ont les moyens (l'entre-soi sert à ça) contrairement au jeune issu de milieux défavorisés. Si pour le magazine économique, L'Usine Digitale, le profil type du start-upper est un next door boy qui veut changer le monde, il s'agit bien d'une next door des beaux quartiers. (BoyNextDoor, textuellement "un garçon d'à côté", un garçon membre d'un petit groupe de musicien pop auquel tous voudraient s'identifier. En général très peu sortent des quartiers défavorisés).
p.119: Les risques, les vrais, c'est pour les ouvriers Phidar laissés milliers sur le carreau après la fermeture de l'usine, après avoir respirer les vapeurs toxiques des filatures de l'époque, c'est l'entreprise du Bangladesh qui s'est écroulée sur 5 000 ouvriers et ouvrières le 24 avril 2013 en travaillant pour la marque de vêtement In-Extenso d'Auchan, ce sont les employés de Cultura, Norauto, filiales d'Auchan, etc. Et pourtant rare ont été les médias qui ont fait le rapprochement entre la course aux profits des grands groupes industriels occidentaux qui "délocalisent" et les 5 000 Bangladais blessés et morts de Phildar.
p.212: Sur le plan financier, la faillite d'une entreprise se traduit pour le patron par la disparition de son capital de départ, somme qui ne lui servait ni pour vivre ni pour survivre. C'est sans aucune mesure avec l'employé licencié qui risque une longue période de chômage… Ambroise Croizat, le fondateur de la Sécurité Sociale, ouvrier dès son adolescence, avait un tout autre sens du risque que la bourgeoisie… Ambroise Croizat, malgré son sens du risque, sa générosité, son sens politique s'est trompé de cible. Il ne s'agissait pas de réparer les misères produites par le capitalisme mais de terrasser le capitalisme. On ne peut cependant pas le lui reprocher, ce n'était pas dans l'air de son temps!
p.163: Complotiste, conspirationniste. Ces concepts politico-médiatiques permettent de décrédibiliser toute tentative de remettre en question le pouvoir économique et politique de nos élites. Le premier terme vient des États-Unis sous le maccarthysme, motivé par l'obsession paranoïaque du complot communiste. Les fantasmes complotistes fleurissent ensuite en 1970 vis-à-vis de toute critique du groupe Bilderberg, la commission trilatérale. Puis en 1987, l'historien Henry Rousso crée le terme de négationniste pour désigner la contestation du génocide des juifs par l'Allemagne nazie. Dans les années 1990, les films de Hollywood (Matrix, Eyes Wide Shut, X-Files…) nous inventent quantité de société secrète agissant dans l'ombre. Le pire, c'est que même les militants de gauche se sont laissés prendre par la peur des anathèmes (à ceux de complotisme, conspirationniste, on peut ajouter souverainiste, platiste, séparatiste, communautariste...) Chaque jour il en sort des nouveau (islamo-gauchiste, activiste, écoterroriste, wokiste...). Il faut du courage pour aller contre l'avis de tous, pour emprunter un chemin en terra incognita, pour renverser un dogme plurimillénaire, pour annoncer qu'il n'y aura jamais de justice sociale, de paix, d'écologie, tant qu'il y aura le moindre sous en circulation, tant qu'on aura pas pendu le dernier banquier avec les boyaux du dernier ministre des finances, et ce même si c'est dit avec douceur (une société sans argent, enfin apaisée...).
p.133: cette "mode" installe durablement la défiance envers les institutions (tous pourris) et envers les versions officielles (on ne nous dit pas tout…). Cette phrase laisse entendre que la défiance envers les institutions et leurs récits officiels est regrettable. N'y aurait-il que dans les sciences nobles et dures qu'on puisse poser une hypothèse, l'expérimenter, la démontrer, puis la critiquer pour un aspect de l'expérience qui aurait été oublié? L'économie ne serait-elle pas une science..., même humaine et non "dure"?
p. 134: Tout un secteur de recherche se constitue pour répondre "scientifiquement" aux vagues successives de complotisme. En France, deux observatoires (Conspiracy Watch et Hoax Buster) et une flopée de journalistes en font la promo, dont on peut légitimement se demander s'ils ne sont pas juges et parties. Les juges "es fake news" sont aussi neutres que les juges de Jean de La Fontaine qui nous faisaient noir ou blanc...
p.136: Les pauvres et les jeunes seraient particulièrement sensibles aux thèses complotistes, contrairement à ceux qui votent Macron! "Le fléau du complotisme en France, une menace pour notre démocratie" titre le quotidien régional La Dépêche. France Inter: "Une enquête montre une nouvelle fois que les Français sont de plus en plus perméables aux théories complotistes." Dame! Un ministre nous a dit que les caisses de retraites étaient en faillite et qu'il fallait travailler jusqu'à 67 ans. Mais en un simple clic de souris, on peut lire une étude de La Cour des Comptes ayant calculé que "fin 2020, les 23 organismes de retraites affichaient un total de 164, 3Md€ de réserve nette en valeurs comptables". Comment ensuite ne pas douter systématiquement de tout ce qui nous disent les politiques et les médias. Quand un laboratoire pharmaceutique invente une maladie au nom savant, uniquement pour produire un faux "nouveau remède", l'ancien n'étant plus rentable car entré dans le domaine public, quel crédit peut-on encore accorder aux experts qui ont cautionné cette juteuse opération?... Pour ceux qui voudrait vérifier le rapport de la Cours des comptes, c'est ici (PDF de 40 pages).
p. 142: Un bon exemple, les manifestants qui entre dans l'hôpital Pitié-Salpétrière pour le saccager. Les médias le fait dire par la directrice de l'hôpital, c'est confirmé par Christophe Castaner, commenté par Martin Hirsch directeur général de l'APH. Et le lendemain, bien plus discrètement, les manifestants s'y étaient simplement réfugiés pour ne pas subir une charge de police. Si en plus le fait divers sert à embrouiller les esprits, quiconque ne remonte pas à la source par un vrai travail d'investigation est susceptible de se faire rouler dans la farine. Au fait, si on parle de monnaie fiduciaire, c'est parce aucune monnaie ne peut fonctionner sans la confiance (la foi, la fides de tous (. Peut-on encore faire confiance aux économistes, aux banquiers, aux financiers si on ne peut faire confiance ni aux politiques, ni aux médias, ni aux experts?....
p.143: En toute transparence, nos dirigeants nous informent de ce qu'ils voudront bien qu'on entende… "L'allocution du Président sera un moment de pédagogie et de transparence"! C'est toujours quand il y a soupçon de corruption, flagrant délit d'incompétence, abus de pouvoir que la "transparence" est invoquée… Plus nos "démocrates" se disent transparents, plus nos maîtres règnent sans partage. Sans commentaires!
p.145: Et le complotisme des dominants…? Les banlieues se révoltent? C'est la cinquième colonne musulmane! Les Gilets jaunes nuisent aux intérêts des puissants? Ils sont manipulés par la Russie via Radio Moscou… Pourtant, il est évident que nos élites complotent et qu'elles l'ont toujours fait dans l'Histoire pour conserver le pouvoir et qu'elles n'ont jamais hésité à mentir allègrement pour dissimuler leurs erreurs… Sans commentaires, depuis Orwell, plus personne ne croit Big Brother. Les enfants croient au Père Noël, leurs parents votent!...
p.148: La pédagogie: méthode utilisée pour éduquer les enfants. Pour le pouvoir, moyen de faire passer une réforme peu appréciée par les citoyens. Si vous êtes contre, c'est que vous n'avez pas bien compris! Le gouvernement n'a pas défendu des intérêts de classe mais a répondu à des nécessités techniques qui à terme profiterons à tous. L'important n'est pas de bien expliquer les choses mais de signifier qu'en face, on s'adresse à des gens bornés, stupides. "La réforme des retraites était nécessaire mais a manqué de pédagogie" (Jacques Attali). Pour le coup, cela ressemble bien à un complot politique au sens commun du terme !
p.150: L'économie, une réalité à décrypter et non une politique à débattre. Cela induit dans les entreprises de "managers de transition" des super-pédagogues capables de transformer une restructuration en adaptation aux exigences du marché. Une mise à la porte d'un CDD n'est jamais qu'une phase transitoire de l'entreprise. Il est vrai que le peuple ne comprend rien à l'économie. Non, seulement elle n'est jamais enseignée dans les écoles, collèges et lycée, mais en plus nous sommes abreuvés de contre-vérités flagrantes et de dogmes non-démontrés et indémontrables. Certains économistes en ont fait des livres mais qui ne pèsent pas lourd face à la répétition médiatique. Une imbécilité flagrante devient vite une vérité absolue si elle est répétée cent fois par jour et par des dizaines d'experts.
"La gestion de l'économie n'est ni de droite ni de gauche: elle est bonne ou mauvaise."(Tony Blair), ce qui permet à un socialiste de faire une politique de droite sans que cela n'étonne personne. Et le pire, c'est qu'en plus, une économie ne marche pas, l'austérité imposée aux Grecs par exemple (la pire que l'on ait jamais connue en temps de paix), n'est pas plus critiquée que la bonne économie. Christine Lagarde, l'incompétente directrice de la BCE (au dire même des économistes) ne sera sans doute jamais sanctionné pour avoir, au pire moment, fait remonter les taux directeurs, au risque pourtant bien connu d'une récession artificiellement amplifiée. Tony Blair avait raison, il n'y a plus de débats à avoir sur les choix économiques puisque tout est permis…, et que tout est par nécessité néolibéral… Il y a juste une gestion financière à long terme à expliquer aux enfants (une fois grands, ces enfants auront oublié le mensonge…).
p.154: La vision à long terme, une qualité des dominants: Tout est affaire d'anticipation fondée sur des courbes, des prévisions budgétaires. Les citoyens sont bornés à leur horizon immédiat (leur fin de mois). Lors des manifestations contestant les ordonnances contre le Code du travail, Le Monde expliquait doctement: Il faut attendre plusieurs années pour voir les effets de la réforme du Code du travail" pendant que la ministre du travail de l'époque affirmait posséder la culture du résultat opérationnel grâce à son expérience de DRH chez Danone. Si cela n'affetait pas des millions de précaires, on pourrait en rire!
p.157: Si le peuple n'y comprend rien c'est parce que le monde est devenu complexe et le deviendra de plus en plus. "Il n'est plus possible de se forger une représentation simple du monde et encore moins de prévoir ses mouvements." En conséquence, demander l'avis des citoyens est une perte de temps inutile. "Un des leurres de la démocratie consiste à croire que nous serions tous à même d'émettre un jugement rationnel et pertinent." (Fondation Jean-Jaurès, laboratoire d'idées proche de LREM) Ben, voyons! On voit bien à l'expérience que la gestion des "sachants" est aussi brillante qu'efficace. Le chômage n'augmente pas, les inégalités sociales restent raisonnables, la planète se porte bien, le monde est en paix! S'il fallait donner un exemple d'élites qui se délitent et qui sont totalement "hors sol" celui-ci suffirait…
p.165: Réforme: mesure prise sans consultation de la base mais modifiant le quotidien de tous. Attention à la définition du dictionnaire: "changement de caractère profond, radical apporté à quelque chose, en particulier à une institution, et visant à améliorer son fonctionnement." On aurait du se méfier, les mots changent de sens avec le temps. Un exemple: formidable du latin formidabilis (affreux, redoutable), désignait pour Victor Hugo une chose tellement effrayante qu'elle le foudroyait, le laissait pétrifié par la peur. Aujourdhui le même mot désigne une chose si belle et si bonne qu'elle nous met en joie. Je n'ai pas trouvé de bonne philologie du mot réforme mais il en va peut être de même!
p.178: L'injonction à la résilience n'est pas seulement inutile, elle est parfois très nocive. Elle permet par exemple aux industriels de l'agroalimentaire de forcer sur le gras, le sucre et le sel, puis de financer des émissions TV sur l'obésité pour vendre ensuite des régimes alimentaires spéciaux et gagner en plus sur leur publicité dans les clubs de sport. Le profit pour l'industriel, la résilience pour l'obèse. C'est tout toujours de la croissance, pour l'industriel de l'agroalimentaire qui augmente son chiffre d'affaires, pour l'obèse qui augmente en poids, pour le publiciste qui auglente la consommation, le sportif qui voit sa côte monter au mercato...
p.179: Les petits gestes écolos: ils sont faits pour venir en lieu et place de la responsabilité des entreprises polluantes. Il est plus simple de changer quelques habitudes individuelles que de changer de mode de production ou de gouvernance, voire de changer le capitalisme. J'aurai tendance à ajouter: ...plus simple que de sortir du système monétaire et marchand. Cela fait cinq millénaires qu'on nous rabâche que l'argent est incontournable...
p.186: Dialogue social: Les gouvernements néolibéraux et les entreprises les plus régressives se font les chantres du dialogue social: plus on dialogue, plus ils décident! Cela permet de laisser entendre que tout reste ouvert, que tout est sujet à consultations et à débats… Muriel Pénicaud, ministre du travail en 2017, qui a été présenté comme parangon du dialogue social venait d'un poste DRH chez Danone où elle avait en 2013 réalisé une plus-value de 1,3 millions d'euros sur ses stocks options pour avoir orchestré le départ de 900 personnes! Un dialogue social en forme de dégraissage… Normal que sa réforme du Code du travail ait réduit d'un tiers le nombre des représentants du personnel en France. On devrait poser le même genre de questions à tous les militants écologistes, collapsologues, gauchistes, syndicalistes, à tous les intellectuels qui nous font de si beaux constats. Plus on débat et moins on invente l'avenir !
p.188: Les membres de la société civile ou les syndicats jaunes? Au moins avant c'était clair: Loi Le Chapelier du 14 juin 1791, article 8: "…tous attroupements composés d'artisans, ouvriers, compagnons, journaliers, ou excités par eux contre le libre exercice de l'industrie et du travail […] seront dissipés par les dépositaires de la force publique, sur les réquisitions légales qui leur en seront faites, et punis selon toute la rigueur des lois sur les auteurs." Il faudra attendre 1884 pour obtenir la liberté syndicale et 1901 pour la liberté d'association. L'expression "syndicat jaune" vient de Eugène Schneider après la grève du Creusot en 1899, qui créa un syndicat à sa botte "composé d'ouvriers favorables au patron et ayant pour but d'entraver l'action du premier syndicat favorable à la grève…" ("le syndicat rouge"). Aujourd'hui, la distinction entre syndicats jaunes et rouges est tombée en désuétude! A peine distingue-t-on les syndicalistes des "partenaires sociaux".
p.192: Depuis, le ministre du travail François Rebsamen a réussi à réformer le Code du travail en expliquant devant le Sénat que "le contrat de travail n'impose pas toujours un rapport de subordination entre employeur et salarié: il est signé par deux personnes libres qui s'engagent mutuellement." Hélas, il en a encore qui s'énervent, la CGT, Solidaires, tous ceux qui ne sont pas "ouverts au dialogue", heureusement il y a des syndicats réformistes, pragmatiques, près à discuter, comme la CFDT, favorable à la codécision, coconstruction ! C'est vrai mais les excités de la CNT, comme on disait de mon temps, sont devenus si rares! On a oublié les rapports de force au profit des "codécisions"...
p.198: Collaborateur, quand le Bourgeois fait de vous son égal pour mieux vous mettre à genoux… Curieux tout de même que le mot collaborateur ait ressurgi quelques décennies après qu'il ait été utilisé pour désigner les partisans des envahisseurs nazis, avec en option, la déportation des juifs. Plus curieux encore, c'est qu'un aussi grand nombre de gens ait accepté ce qualificatif sans aucun doute quant aux intentions du patronat... C'est bien ce que je disait à propos du débat qui a remplacé le combat...
Pour ceux ont déjà acquis une bonne culture des mouvements sociaux et n'ont ni le temps de faire une étude approfondie de la Novlangue, ni celui de lire ce livre, je propose la bonne introduction en 5mn30 de Franck Lepage: https://youtu.be/LKFM8I-tpgk En attendant, nous pouvons remercier Derkaoui et Framont d'avoir fait avancer le constat. Sans doute, finirons nous par nous en lasser et les bifurcateurs deviendront-ils aussi nombreux que les débateurs...