Voix des membres

Un espace dédié à l’expression individuelle des membres de l’ONG, où chacun peut partager ses idées, critiques, analyses et projets postmonétaires. Découvrez des perspectives variées et des réflexions originales qui enrichissent le débat et alimentent notre vision collective d’une société sans argent.

Le libre échange

        Le plibre-échange_3d6d9.jpgrincipe du libre-échange est au fondement même du système marchand. Hérodote, l'historien grec du V° siècle av. J.-C. explique longuement l'ingéniosité du commerce carthaginois, lequel a été éliminé par les commerçants Romains, concurrence et libre-échange oblige ! Le dramaturge romain Plaute (254-184 av.J.-C.) en parle aussi dans son Poenulus (pièce dont le personnage central est Hannon, un marchand carthaginois prêt à vendre n'importe quoi pourvu que ça lui rapporte !
        Dans toutes les écoles de commerce et d'économie actuelles, le libre échange est toujours enseigné comme une vertu nécessaire au bon développement du commerce. L'Union Européenne l'a gravé dans le marbre de sa Constitution et l'a imposé à tous ses États membres. Cette pratique aurait pu tout autant s'appeler "libre-concurrence" car c'est en réalité ce qu'elle est. Le libre échange induit une concurrence "libre et non faussée" et ne bénéficie qu'aux seuls marchands les plus voraces, au dépend des plus faibles et bien sûr des non-marchands.
         Le libre-échange met les travailleurs en concurrence déloyale avec des pays esclavagistes. Un objet produit par un ouvrier français payé 11,88€ brut de l'heure ne pourra jamais lutter contre un ouvrier du Bangladesh payé 68€ pour un mois de travail à raison de 12h par jour (et sans parler des travailleurs enfants sous payés, ou forcés et non payés comme les Ouïghours en Chine ). Cette concurrence tire tous les salaires des ouvriers du monde vers le bas. Comment une pratique aussi criminelle peut être encore enseignée dans nos écoles comme une "bonne chose", à minima comme une nécessité... Comment si peu réagissent à cette propagande officielle et pensent que  "c'est un bien pour le plus grand nombre, même s'il peut y avoir par ci par là des dégâts collatéraux." C'est de l'idéologie néolibérale à l'état pur....
        Un tel dogme justifie le colonialisme et son avatar moderne: le néocolonialisme commercial. Il faut bien aller chercher ailleurs les matières premières que nous n'avons pas !... Reste donc le commerce éthique, équitable, tant vanté par les généreux gauchistes et écolos. Mais est-ce possible ou un nouvel oxymore ? Un commerce équitable répond bien à des critères stricts : il nous assure que les petits producteurs seront justement rémunérés, qu'ils auront des protections sociales et environnementales satisfaisantes. Il y a même des « organismes de certification » dont on ne peut échapper à l'envie de les associer à ces malheureuses équipes de la Croix Rouge qui après avoir visité des camps de concentration nazis ont déclaré avoir été accueillis par un orchestre de prisonniers et avoir partagé un raisonnable repas avec eux...
        Prendre conscience de l'hypocrisie du libre-échange, de la concurrence non faussée, des labels de qualité et autres gadgets d'enfumage, c'est commencer à devenir postmonétaire. Un problème qui se pose depuis la haute époque des Carthaginois (et même des Phéniciens) sans avoir trouvé aucune résolution possible, c'est une preuve que le problème est mal posé. Il n'est pas dans la qualité de l'échange marchand mais dans l'échange marchand lui-même. Or, il ne peut y avoir d'échange marchand sans argent comme convertisseur universel des valeurs. Il suffit donc d'abolir l'argent pour éliminer tout commerce. Il suffit de remplacer l'argent par un système de partage, d'accès aux biens, services et savoir pour tous, ce qui est tout a fait possible avec l'outil informatique. C'est un autre type de gestion qui, sans être une panacée, éviterait le genre d'oxymores comme le commerce équitable et le libre-échange !....

 

Les comités de conciliations

        Toutcomité conciliation e756ce société, aussi sociable et conviviale que l'on puisse imaginer, n'échappe pas à quelques conflits dus à des passions tristes, des troubles mentaux, des rancœurs sournoises. Aucune institution ne peut durablement résoudre ces problèmes, qu'elle soit judiciaire, répressive ou médicale. Au temps anciens et dans toutes les régions du globe, des formes "libres et agiles" ont été inventée pour éviter que ces faits divers ne se terminent dans le sang et la fureur.
       Dès le Moyen Âge, on trouve la géniale idée de Comité de Conciliation dans les registres des notaires, particulièrement dans les successions litigieuses. Chez les hauts bourgeois comme chez les petits paysans, il arrivait que des quidams meurent sans avoir eu le temps de rédiger un testament. Les héritiers, faute de consignes à respecter, pouvaient se déchirer dans un partage impossible. Entre la valeur marchande des objets, la situation des héritiers, les vieilles querelles fratricides, beaucoup de successions se terminaient devant la justice royale ou seigneuriale avec de considérables frais de justice et des délais de jugement pouvant s'étaler sur des dizaines d'années. Cela pouvait être jouable pour les famille riches, mais pour les petites gens n'ayant que "quelques vêtements a-demi usés, des vieux outils rouillés, de la vaisselle ébréchée, trois deniers cinq sols... un âne boiteux, etc. à se partager, " aller ester en justice était impossible. On allait alors à la recherche d'un greffier (le notaire local, le curé, le docteur ou l'apothicaire) et les parties en désaccord se trouvaient chacune deux "témoins amiables". Un témoin ne devait être ni parent ni trop ami avec ceux qu'il représentait et pouvait être récusé par la partie adverse. Le greffier dressait alors l'inventaire de ce que le défunt avait laissé. Le moindre bout de fer était soigneusement évalué et noté. Cette pratique permet aujourd'hui de se faire une idée du mode de vie et de la richesse ou pauvreté du défunt.
       Les témoins des différentes parties concoctaient alors un partage tenant compte du vécu de chacun, de la relation qu'il avait eu avec le défunt, de la valeur des biens, de leur utilité et cela pouvait durer plusieurs jours. Les héritiers ne pouvaient intervenir que pour donner quelques explications sur l'intérêt matériel, affectif ou historique d'un objet. Une fois le partage effectuer, chacun signait l'inventaire, lequel était alors déposé chez le notaire le plus proche et avait alors force de loi. Je n'ai jamais trouvé de procès venant contester le résultat d'un Comité de conciliation. En revanche, j'ai découvert le récit d'un meurtre évité de justesse par cette pratique, au sujet d'un métier à tisser entièrement fabriqué par le défunt à l'herminette et au couteau...
        A partir du 24 août 1790 et jusqu'au 2 mars 1959, existait en France une Justice de Paix. C'était un petit tribunal local (un par canton), dirigé par un Juge de paix. Élu par la population du canton, le juge avait pour mission de régler les litiges de la vie quotidienne par une démarche conciliatrice. Il s'agissait de problèmes de voisinage, de conflits immobiliers entre propriétaires et locataires, de reconnaissances en paternité, de contraventions de police... Le juge n'avait aucune formation juridique, mais devait avoir bonne réputation, être doté d'une autorité morale reconnue. Le bon sens prévalait sur le Droit. Chaque séance était consignée dans un registre par un greffier (souvent l'instituteur dans les villages), ce qui permet aujourd'hui encore de se faire une juste idée de l'efficacité et de l'originalité de cette pratique.
        Pour n'en citer qu'une, je peux évoquer une dame et son voisin, séparés par un chemin de terre et en litige depuis longtemps. La dame étant réputée pour recevoir beaucoup de monde, le voisin réputé pour aimer le calme et l'isolement. Chacun avait le droit de passage sur le chemin, l'entière propriété de leur maison, mais ils en étaient venus à se pourrir la vie. Madame incitait ses invités à faire du tapage à point d'heure en repartant et Monsieur laissait traîner toutes sortes d'objets sur le chemin pour que les visiteurs les heurtent nuitamment et chutent. C'est une chute plus grave que les autres, provoquée par un gros tuyau d'arrosage du Monsieur qui mit le feu aux poudres. Le juge de paix après avoir résumé l'affaire dans son registre lu la sentence : « Il est reconnu que Monsieur A est coupable d'avoir causé des troubles de jouissance à Madame B avec son gros tuyau mais que Madame B est coupable d'en avoir fait grand bruit. Le garde Champêtre sera donc autorisé à verbaliser tout excès de l'un ou de l'autre en cas de récidive. » Cette formulation fit tant rire le village que les deux protagonistes trouvèrent eux-mêmes un compromis pour mettre fin aux quolibets dont tous deux souffraient...
       La Justice de paix a été supprimée à compter du 2 mars 1959 et remplacée par les Tribunaux d'instance et les médiateurs professionnels qui n'ont jamais eu l'humour et l'intelligence des juges de paix. Depuis, la justice est encombrée et la seule réponse au conflit est forcément limitée aux textes de lois disponibles pour le jugement et la prison ou l'amande pour la sanction. Cette histoire est aussi la preuve que la professionnalisation et les diplômes ne sont en rien une garantie de sérieux et d'efficacité. Dans une société sans argent il faudra penser à refaire des justices locales (et surtout pas des tribunaux populaires non élus) pour dégonfler les litiges avant qu'ils se transforment en conflits graves, voire en homicide. On comprendra alors pourquoi et comment les Gardiens de la Paix étaient devenus pires que les délinquants et la Justice aussi peu efficace à garantir la paix civile !....
       Avec un peu d'imagination, des comités de conciliation pourrait se constituer pour quantité de litiges. Par exemple, imaginons Pierre qui vit dans un appartement insalubre avec ses trois jeunes enfants et sa femme. À 800 mètres de là, Jacques qui a hérité d'une grande maison individuelle, entourée d'un parc avec piscine, dans lequel un pavillon de chasse servait jadis de logement au gardien-jardinier du grand-père. Pierre passe souvent devant la grille du parc et fantasme sur cette maison toujours fermée et visiblement habitable.
        A force d'en parler autour de lui, il rencontra un ami de Jacques qui lui proposa de se renseigner sur ce pavillon de chasse qui selon lui est toujours habitable. Jacques et sa femme étaient âgés, retraités, fortunés, mais n'imaginaient pas accueillir un jeune couple et surtout trois enfants en bas âge qui allait saccager le jardin et faire du bruit. Ils n'imaginaient même pas qu'on puisse vivre dans cette vieille bâtisse n'ayant que quatre pièces, avec des sanitaires sommaires et une cuisine totalement démodée. Le refus fut immédiat, il n'était pas question de louer à qui que ce soit cette antiquité ! L'ami de Jacques eu alors l'idée d'organiser une rencontre entre les deux familles et d'y convier aussi un architecte et un conseiller municipal qu'il fréquentait.
        Après un temps de maturation, l'idée fut acceptée. Le vieux couple trouvèrent les enfants, certes remuants, mais attachants, Ils découvrir que Pierre était capable de déboucher un évier, régler la chaudière, faire des courses, nettoyer la piscine, et que sa femme adorait jardiner. Des règles de bonne conduite furent fixées, le prix du loyer fut évaluer au même prix que l'appartement de Pierre, l'architecte se faisait fort de rénover le pavillon gratuitement avec ses équipes d'ouvriers. En une après midi de débats, le blocage total de Jacques et de sa femme se transforma en enthousiasme. Ils ne voyaient que les inconvénients et quelques heures plus tard, ils n'y voyaient que des avantages. Comme un juge de paix, ce comité de conciliation improvisé, avait résolu un problème de solitude du côté de Jacques, de logement du côté de Pierre.
        Le plus amusant c'est que mon conte de fée n'est pas une invention de mon cerveau malade "d'utopie gravissime". Tout est authentique et je n'ai changé que de menus détails qui aurait permis d'identifier le lieu ou les personnages... Et c'est exactement, ce qui pourrait se développer sans ce foutu argent qui, on s'en rendrait vite compte,  empêche bien plus qu'il ne permet !...