La valeur travail, kézaco ?

« Parmi les arbres, je déteste le boulot, mon père est mort en y allant ! »
(citation attribuée à Boris Vian...?)

 bouleau_0dec6.jpeg         Et vian dans les dents des acharnés du boulot qui en ont fait une valeur de liberté et d'émancipation ! Un français sur deux est en souffrance au travail d'après les plus récentes statistiques, mais certains persistent à considérer le travail comme une valeur, signifiant que ceux qui ne travaillent pas n'ont aucune valeur.
           C'est encore une vieille histoire, datant du mythe de la création, du péché originel qu'il faudrait laver par la souffrance au travail. Cette géniale combine pour faire accepter n'importe quelle condition de travail servait déjà dans l'antiquité grecques, mais comme par hasard, pour les seuls ilotes, métèques et femmes, les propriétaires et notables de la cité haïssant le vulgaire travail productif pour se consacrer à l'art, au loisir, aux débats sur l'agora !
        Sur la chaîne Blast, Paloma Moritz s'entretient avec la philosophe Céline Marty, une spécialiste de Gorz, ce qui est bon signe ! Comment s'émanciper du productivisme ? Doit-on "travailler moins pour vivre mieux ?" (titre d'un livre édité chez Dunod en 2021) Voir la vidéo
        Première remarque de Céline Marty, c'est qu'il y a généralement confusion entre travail et emploi. Il est évident que les métiers-passion, artistes, créateurs bénévoles travaillent mais ne sont pas employés, ce qui change tout. Inversement, la confusion est faite avec l'activité quand elle est associée dans l'expression "activité productive". C'est ainsi que les personnes exerçant bénévolement des activités de services ou utiles pour la société, réclament de plus en plus d'être salariées, en reconnaissance de cette utilité. De fait, tout ce que l'on fait pour soi ou pour d'autres devient peu à peu du travail, de la préparation du repas familial à l'activité sportive. C'est un penchant dangereux dans la mesure où cela nous maintient dans le seul utilitarisme. N'est acceptable que ce qui est utile, donc a contrario, ce qui est socialement inutile n'est plus acceptable...

        Dans la société postmonétaire que nous cherchons à promouvoir, le fait d'abolir l'argent induit mécaniquement qu'il ne peut plus à avoir de salariat, donc plus de distinction entre le travail abstrait et le travail concret, entre le travail et l'activité, le salariat et le bénévolat. Il resterait bien entendu des niveaux d'importance entre ce qui relève de l'intérêt général et de l'intérêt privé, de la nécessité et de la futilité, de ce qui est urgent ou susceptible d'être différé, etc. Cela change totalement les questions, sémantiquement, ontologiquement, axiologiquement...  L'imagination serait enfin libérée des contraintes du cadre monétaire!