Voix des membres

Un espace dédié à l’expression individuelle des membres de l’ONG, où chacun peut partager ses idées, critiques, analyses et projets postmonétaires. Découvrez des perspectives variées et des réflexions originales qui enrichissent le débat et alimentent notre vision collective d’une société sans argent.

L'Etat providence !...

            etat-providence_574f2.jpgL'État providence, c'est sans doute l'un des clivages politiques les plus souvent évoqué. Pour les uns, généralement à droite de l'échiquier, c'est la mort de l’État lui-même qui dépense l'argent des contribuables pour corriger les excès des masses populaires, plus enclines à boire, fumer, jouer au loto qu'à travailler. Pour les autres, c'est le modèle français dont on peut être fier et qu'il faut défendre contre les assauts répétés des libéraux qui veulent réduire ledit État à ses strictes fonctions régaliennes.
           Si on est de droite, il faut reculer l'âge de la retraite, refuser le RSA aux "mendiants professionnels" comme on disait au temps des Rois... Si on est de gauche, il faut ponctionner dans les insolents profits des plus riches pour aider les plus pauvres. De la décapitation de Louis XVI au règne de Macron Ier (dit Jupiter), la lutte n'a jamais cessé, un point de détail gagné par-ci, et par-là reperdu après une lutte syndicale ou une émeute.
       La plupart des chroniqueurs politiques de notre temps répètent les invectives de droite ou de gauche avec une constance qui frise la pathologie obsessionnelle après 235 ans d’échauffourées ! Pourquoi le problème de fond n'est-il jamais posé, le choix jamais tranché définitivement ? Il n'y a pas d'autre raison rationnelle qu'une contradiction interne au système qui fait des deux options des postures idéologiques, la marque du réalisme pour les uns, de l'utopie pour les autres.
        Une rencontre m'a fait mettre en perspective une anecdote : Monsieur F. a 54 ans et, suite à un accident du travail a perdu son emploi. Étant très régulièrement perclus de douleurs et cloué au lit, il a demandé une pension d'invalidité afin d'obtenir le droit à des horaires aménagés. L’État providence a bien entendu prévu le cas. La MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) fournit des pensions d'invalidités pour compléter les temps de travail. Il suffit de remplir deux petits dossiers (un médical et l'autre administratif) d'une vingtaine de pages chacun et d'y joindre tous les justificatifs (anciens bulletins de salaire, relevés professionnels des caisses de retraites, compte-rendus des examens médicaux, opérations, traitements, descriptions des dommages collatéraux, etc.). La complexité de ces deux dossiers est telle qu'une personne non cultivée ne peut arriver à les remplir correctement. Même aidé par l'assistante sociale locale et un médecin généraliste complaisant, c'est au mieux une chance sur deux d'obtenir une réponse positive.
          Monsieur F., avec mon aide et celle de son médecin traitant, a obtenu en 6 mois un taux d'invalidité supérieur à 50% (renseignement exactement précis..., à 50% près !). A commencé alors l'évaluation de sa situation au vu de ce taux par la MDPH et les Services des demandeurs d'emplois en vu d'obtenir la qualification de travailleur handicapé (RQTH).

Résultat : une pension de 797,80€ par mois. Il aurait en plus le droit de travailler pour compléter ses revenus..., à hauteur de 17,50 heures par mois ! Formidable : un rapide compte des frais contraints, donc inévitable, de Mr F. lui laissera au mieux 100€ par mois pour se survivre. Quant à trouver un emploi de moins de deux heure par jour ouvrable, c'est mission impossible !
        En parlant de cette situation à quelques connaissances, j'ai eu des remarques curieuses... - Ducon : Pourquoi ne déménage-il pas vers une plus grande ville où il pourra plus facilement trouver un emploi stable ? Parce qu'ici il a un réseau social susceptible de l'aider et que, de toute façon, il n'aura pas de quoi payer la caution pour louer une chambre puisque personne ne se portera garant là où il n'est pas connu, Ducon!...
- Duclown : Il n'a qu'à travailler au noir, ce n'est pas le boulot qui manque, c'est les travailleurs ! Avec les contrôle qu'il y a dans la région, il a une chance sur deux de se faire épingler, ce qui lui vaudrait une lourde amende plus le remboursement de la pension qu'il aura perçu depuis le début. Retour à la case prison garantie, Duclown !!!
           C'est ça l’État providence  en 2024 ! Et dire que dans une société sans argent, cet homme rendrait quantité de services. Il a exercé plein de métiers différents, il déprime dès qu'il n'a plus d'activité, il aime le travail bien fait et ne rechigne devant aucun effort. Se rend-il compte que dans une société de libre accès, il n'aurait plus la honte d'avoir des dettes, d'être redevable à d'autres qui l'aident de temps en temps, il n'aura plus la crainte d'être à découvert et de payer en plus des agios à la banque..., voire d'être interdit bancaire ? Non, la vie pour lui a été trop dure pour qu'il arrive à imaginer que plus rien ne soit payant, qu'une abolition de l'argent soit une chose possible...

Le progrès

« L'hommprogrès_79ba8.jpge est le produit d'une évolution stochastique [aléatoire, imprévisible], mais du point de vue biologique nous sommes des singes. On a juste la capacité de nous détruire et de détruire les autres espèces en même temps. Doit-on pour autant faire tout ce que nous pouvons faire? On a la capacité de détruire la nature, est-ce qu'on veut le faire? Être de nature humaine n'impose pas forcément le droit de massacrer tout ce qui est autre. Ce n'est pas parce qu'on a ce pouvoir qu'on doit l'utiliser. Pour tous les animaux, y compris les animaux humains, vivre c'est faire des choix ! » (Aurélien Barrau)

Lucien Camus, père de Marcel, avait fait son service militaire dans une compagnie de zouaves. Il avait vu, lors de la "campagne du Maroc" ( 1906-1908), les atrocités dont étaient capables les soldats français et marocains. Albert Camus avait presque cinq ans au retour de son père et avait gardé mémoire de cette phrase que Lucien Camus répétait sans cesse : « Un homme, ça s'empêche ! », ce qui est exactement ce que dit Aurélien Barrau, mais en termes plus sobres...
        L'homme a toujours eu tendance à prendre cette "évolution stochastique" pour "le progrès". Certes, l'homme a du génie ! Nous avons inventé la télévision couleur en 1938, l'e-mail en 1971, le Web en 1989, le TGV en 2013. Nous avons été capables de marcher sur la lune, 1969, et de dévoiler la toute première image d'un trou noir en 2019. C'est le progrès. Mais nous avons aussi été capables d'exterminer la moitié des espèces vivantes en moins d'un siècle et de faire fondre les pôles. Là, c'est du génie !
     En revanche, allez dire que nous pourrions remplacer la monnaie et l'échange marchand par une gestion sans comptabilité des besoins et des ressources, que la course au profit pourrait être remplacée par une économie de l'accès, alors vous êtes un écoterroriste, un révolutionnaire de l'ultragauche, au mieux un utopiste, de surcroît "décliniste" ! Allez dire que l'entraide est plus efficace que la concurrence, que la reconnaissance sociale vaut mieux que n'importe quel salaire et vous êtes un poète ou un comique ! Cherchez l'erreur..
        Cette confusion entre technique et progrès est confondante. Fabriquer des plastiques qui se réduisent en nanoparticules capables d'encombrer jusque nos cerveaux, est-ce toujours le progrès ? Tuer toute la flore et faune qui donne vie à la terre avec des intrants chimiques au point de stériliser durablement les sols, un progrès... ? Continuer à voter pour des dictateurs qui nous emprisonneront si on vote mal ou pour des démocrates qui diront Oui quand on aura voté Non, un progrès... ? Avoir un PIB en croissance remarquable et battre en même temps des records de consommation de psychotropes, un progrès... ? Avoir une maladie qui progresse, est-ce bon signe ?